3 ans de retard pour payer des aides européennes
Une mission d’information sénatoriale planche depuis plusieurs semaines sur l’épineuse question de la sous-consommation chronique des fonds européens en France. Plusieurs acteurs locaux ont été auditionnés devant la Haute-Chambre, mercredi 3 juillet. Ils ont pointé du doigt la mauvaise organisation française dans la gestion de ces fonds, notamment sur le programme Leader… qui accuse parfois jusqu’à 3 ans de retard au paiement.
« Sur le programme Leader, nous vivons une période décourageante voire très inquiétante. Nous accusons des retards de paiements de 3 ans qui mettent sérieusement en danger les structures locales porteuses de projet » commence Raymond Vall, sénateur du Gers. Un ton pessimiste d’autant plus justifié à ses yeux que « cela fonctionne très bien dans d’autres États européens » s’étonne celui qui est aussi président de l’Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP).
Ce que dénonce ici en creux Raymond Vall, c’est l’organisation kafkaïenne mise en place par la France, avec des régions qui assurent l’autorité de gestion de ces fonds, mais qui n’ont pas la main sur le contrôle et les paiements, qui reviennent à l’État. Une double instruction des projets qui ralentit et complique évidemment toute la procédure. Le constat du sénateur du Gers semble partagé par un certain nombre d’acteurs territoriaux œuvrant au quotidien sur ces questions.
Programmation, retard des paiements et fusion des régions !
« Sur Leader, nous avons commencé à programmer les projets en 2018 avec presque 4 ans de retard sur le programme européen lancé en 2014, et nous accusons maintenant des retards de paiement de 2 à 3 ans. Cette situation n’est pas tenable » se désole ainsi Julie Frère, directrice du Pays de Bray. Et cette dernière de pointer également des « changements de règles en cours de route » imposés tantôt par l’État, tantôt par les régions. « Lorsque nous montons des dossiers, nous le faisons selon les règles en vigueur à ce moment-là. Mais comme les dossiers ne sont pas instruits tout de suite, mais mis en attente, lorsqu’ils sont ouverts, il arrive soit qu’il manque des éléments ou pire que les règles aient changé entre temps ! Nous avons donc des agriculteurs qui doivent ainsi rembourser des trop-perçus, alors qu’ils ont reçu des avances de bonne foi. C’est dévastateur » détaille Julie Frère.
Enfin, la fusion des régions semble avoir rajouté un peu plus encore à la cacophonie ambiante. « Il est clair que ces trois dernières années, les régions, qui étaient bousculées, se sont surtout concentrées sur leurs propres gestions au détriment des programmes Leader » constate la directrice du pays de Bray.
Une régionalisation des fonds ?
« En France, on parle volontiers de la lourdeur des fonds européens pour expliquer la sous-consommation chronique, mais la refonte de la carte intercommunale et de la carte régionale, ainsi que le partage des compétences sur la gestion de ces fonds, ce n’est pas l’Union européenne qui l’a décidé ! » tacle Michael Restier, directeur de l’ANPP. « En Espagne, il y a une seule autorité de gestion et cela fonctionne beaucoup mieux » compare-t-il.
Un constat qui conduit justement son président, Raymond Vall, à proposer « d’aller au bout du processus et de confier entièrement la gestion des fonds européens aux régions, en leur fournissant une aide en ingénierie au travers par exemple de l’Agence nationale de cohésion des Territoires. ». « En fait, conclut le sénateur du Gers, il ne faut pas parler de sous-consommation des fonds européens en France, mais plutôt s’intéresser à la sous-accessibilité de ces fonds comparée aux autres pays européens, parce le problème est là ! »
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