À la campagne, les classes populaires sont écolos… sans le revendiquer

Photo : Charlie Delboy / Reporterre

Pour de nombreux sociologues l’écologie dominante, c’est principalement un discours qui incite à être écocitoyen et à faire des écogestes, comme couper l’eau quand on se brosse les dents ou éteindre la lumière derrière soi. Cela revient à ramener l’écologie à l’espace domestique, à l’échelle individuelle et cela passe sous silence la responsabilité des décideurs publics et des entités économiques.

Les classes populaires pour les sociologues représentent les catégories employés et ouvriers; Ce sont les catégories les plus représentées sur notre territoire selon l’étude menée par la CCQB pour la Convention Globale de Territoire

En cela il nous semble intéressant de vous inciter à lire interview que Fanny Hugues a donné à Reporterre. Elle y rapporte les principales conclusions de son étude sur la vie quotidienne d’une quarantaine d’habitants des zones rurales.

Elle constate ainsi que la plupart d’entre eux, restent imperméables au discours écologique dominant qui est surtout urbain. Ces discours leur donnent l’impression que les modes de vie sobres que l’on veut faire advenir n’existent pas encore, qu’on va les inventer. Alors qu’en fait ils existent déjà et depuis très longtemps. Eux sont déjà dans la débrouille, le faire avec, la récupération, l’économie. Ils sont déjà dans l’écologie pratique.

Pas forcément pas manque de moyen financiers mais parce que leurs pratiques sont héritées de l’enfance, intériorisées. Elles ne se disent pas écolo, elles disent « c’est du bon sens », « c’est logique », « c’est naturel », Quand on a vécu et grandi dans des milieux populaires où on faisait attention à récupérer, faire durer les choses. on continue surtout quand les conditions matérielles d’existence sont plutôt restreintes. « la pratique écologique » …. ça va de soi.

Ainsi pour les retraités agricoles, l’écologie est devenue une « mode » . Leurs pratiques économes sont héritées de plusieurs générations. Ils considèrent avoir « inventé le bio avant le bio » ou encore « la permaculture avant la permaculture », avant qu’un label et des stages viennent institutionnaliser certaines de leurs pratiques.

Ils se « débrouillent », font avec, ont des potagers, des poules, produisent leur propre bois, auto construisent ou auto rénovent, recherchent les bonnes affaires et vont au secours populaire.

Pour eux, les décideurs politiques — perçus comme des gens qui vivent en ville et font partie des classes supérieures  ne comprennent pas ce qu’ils font. . Les personnes politisées que la doctorante a suivi parlent d’une écologie « hors sol », présente uniquement dans les discours, alors qu’eux font de l’écologie pratique.
Et puis le discours qui consiste à dire « il faut mettre des panneaux photovoltaïques, acheter tel équipement performant » ne peut pas s’adresser à des gens qui n’ont pas les moyens, et qui en plus ont un sens pratique, moral, qui les incite à faire durer les objets et à récupérer.

Je ne sais pas si vous avez eu la chance de rencontrer des personnes qui « ressemblent » à celles dont il est question ici. Pour ma part lorsque j’échange avec l’une d’entre elles, j’avoue que souvent elle fait réfléchir la néo rurale que je suis.

L’interview complète est à retrouver ici