Accident du travail chez Figeac Aero
Le visage grave, tendu, Jean-Claude Maillard, PDG de Figeac-Aéro, s’avance à la barre du tribunal correctionnel de Cahors. Aujourd’hui, il comparaissait devant cette instance judiciaire pour des faits survenus dans son entreprise le 12 janvier 2016.
Ce jour, deux opérateurs œuvrant au sein de ce fleuron économique du bassin figeacois, ont été victimes d’un accident ayant entraîné d’importantes blessures physiques et psychologiques. L’un souffrait notamment de plusieurs fractures faciales et thoraciques, tandis que son collègue a subi diverses contusions et un gros choc psychologique. Une pièce a été éjectée d’une machine-outil pendant une opération très pointue de bridage.Cela a provoqué l’arrachement d’une porte de protection qui a violemment percuté les salariés.
En relatant ces faits douloureux, Isabelle Six, présidente du tribunal, a insisté sur le contenu du rapport fourni par l’inspection du travail. « Les expertises et l’ensemble des informations qui ont convergé dans ce dossier conduisent aux mêmes conclusions : cet accident aurait pu être évité si les précautions nécessaires avaient été prises. Le dossier démontre aussi que le système d’alerte n’était pas au point. De plus, aucune évaluation des risques n’avait été effectuée par Figeac-Aéro dans le bâtiment où était affectée cette équipe », détaille-t-elle. La présidente met ensuite en exergue « la présence de cales en carton pour le travail d’usinage à effectuer, en lieu et place d’autres pièces qui devaient être reçues par l’entreprise. L’enquête montre que ce type d’éjection avait déjà eu lieu à Figeac-Aéro. Ce genre de phénomène était donc connu. Les installateurs de ce type de matériel sont sans doute très aguerris, mais ce ne sont pas des professionnels de la formation. Nous constatons qu’aucune formation adaptée n’a été effectuée ».
Les arguments du PDG
« Ce qui s’est passé n’est pas de la responsabilité du constructeur de la machine, mais de Figeac-Aéro. Cependant, j’affirme que cette machine était parfaitement conforme. Depuis 5 ans, Figeac-Aéro a un niveau d’accidents du travail inférieur à celui de la moyenne nationale dans l’industrie et l’industrie mécanique », précise Jean-Claude Maillard. La présidente rétorque, par rapport aux cales mises en cause : « Manifestement on a fait n’importe quoi. Ce sont les mots de l’expert », prend-elle le soin d’ajouter. Le PDG s’agace : « Si cet expert avait été chargé de la sécurité à Figeac-Aéro, cet accident aurait quand même eu lieu car il est, je pense, la conséquence de plusieurs éléments. Je suis le patron donc j’assume les responsabilités ».
« Le risque était connu »
Le témoignage des deux opérateurs a permis de mieux comprendre la situation et leur traumatisme. « Nous n’étions que deux dans ce bâtiment fermé de l’intérieur, donc inaccessible aux secours. Notre travail s’effectuait dans un environnement difficile. Ce système de bridage n’est pas sécurisant. Le risque était connu. Nous avons du mal à nous reconstruire. Je n’ai pas repris mon travail. Je suis en rééducation. Je veux comprendre et j’attends que la justice fasse son travail », dit-il.
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Des amendes et des indemnisations pour l’ensemble des préjudices subis ont été requises. Le délibéré de ce dossier délicat sera rendu le jeudi 8 juin.
Ce jeudi matin, c’est l’entreprise Figeac Aéro qui se trouve dans la tourmente et son PDG Jean-Claude Maillard. Il se montre très agacé au moment de retourner une seconde fois à la barre du tribunal correctionnel de Cahors après une première condamnation survenue plus tôt dans la matinée (lire l’encadré). L’affaire : une visite de l’inspection du travail par Julie Mercadier qui remonte au 20 janvier 2015. Un procès-verbal est ressorti de cette observation dont la teneur est un non-respect des règles sur l’aération et l’assainissement de d’ateliers à pollution spécifique. Durant la visite, l’inspectrice a relevé des fumées polluantes et un brouillard d’huile dans quatre ateliers qui ne contenaient peu ou pas de système de recyclage pour l’air pollué. Un manque d’aération qui selon Marie-Leatitia Fournié, ingénieure de prévention Direcct Occitanie, peut entraîner des pathologies respiratoires ainsi que des allergies cutanées pour les salariés.
Mesurages imprécis
Du côté de la défense, Maître Jolly, avocat de Jean-Claude Maillard insiste sur le manque de précisions de ces accusations : «Le spécialiste doit être capable de faire des mesures, il doit faire son travail de chimiste, or là, il n’y a aucune constatation précise de la part de l’inspection du travail, excepté une analyse visuelle que nous sommes nous-même capables de faire.» L’avocat continue en illustrant son plaidoyer : «On ne condamnerait pas un automobiliste car un gendarme a évalué à l’œil nu qu’il allait trop vite. Ici c’est ce qu’on fait pour Monsieur Maillard». Ce dernier, qui reste agacé, et se prend à plusieurs reprises la tête à deux mains durant la séance. Sûrement blessé par un sentiment d’injustice que décrit Maître Jolly : «Tous les grands acteurs dans le secteur de l’aéronautique ne sont pas embêtés comme Monsieur Maillard». Avant ce procès-verbal de 2015, le dernier datait de 2013 et aucune anomalie n’avait été constatée selon l’avocat de Jean-Claude Maillard. L’affaire est mise en délibéré et la décision sera rendue le 6 juillet 2017.
La société condamnée
La délibération concernant les deux opérateurs blessés physiquement et psychologiquement alors qu’ils œuvraient pour la société lotoise a été rendue hier. Figeac Aero a été condamné par le tribunal correctionnel de Cahors à 15 000 euros d’amende délictuelle et 1 000 euros d’amende contraventionnelle. Son PDG Jean-Claude Maillard encaisse la peine de 5 000 euros d’amende délictuelle et 500 euros d’amende contraventionelle. Les parties civiles seront indemnisées au total de 71 000 euros.
Rémi Simonet La Dépêche