Aggravation des inégalités filles-garçons en mathématiques au lycée
Dans un communiqué publié le 25 janvier, des sociétés savantes et des associations de mathématiques s’inquiétaient d’une trop faible proportion de filles qui étudient les mathématiques depuis la réforme du lycée en 2019. Le phénomène est aussi observé dans le Lot. Des enseignants nous expliquent pourquoi.
Les probabilités, la trigonométrie et les fonctions dérivées, ce ne sont pas vraiment leur tasse de thé. Plusieurs sociétés savantes et associations ont compté la part de filles qui étudient les mathématiques en première et en terminale, depuis que les maths ne font plus partie du tronc commun, et les calculs ne sont pas bons. L’APMEP, l’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, l’association Femmes et mathématiques, les Irem ( Instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques) dénonçaient dans un communiqué publié le 25 janvier dernier « l’aggravation des inégalités filles-garçons en mathématiques au lycée ».
Chiffres de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de mai 2021 à l’appui, les organismes regrettent que » la part des filles en terminale S progressait régulièrement depuis 1994″ et qu’elle est redescendue « au-dessous du niveau de 1994, chutant de près de 8 points après deux ans de mise en place de la réforme ». Car depuis la mise en place de la réforme du lycée en 2019, les mathématiques ne sont donc plus obligatoires à partir de la première. Les élèves doivent choisir trois spécialités de quatre heures chacune. Parmi ses trois spécialités, deux sont conservées en terminale deux fois six heures.
Un tiers des filles en maths à Monnerville
Dans le Lot, le constat est aussi sans appel, bien que le phénomène ne soit pas nouveau. » Il y a une réelle anomalie statistique quand l’on voit que chez nous, deux tiers des garçons prennent la spécialité maths à partir de la première et que seul un tiers des filles choisissent cette spécialité’, note Pierre Gasnault, le proviseur du lycée Gaston Monnerville à Cahors. Selon lui, l’incohérence est d’autant plus grande que » les résultats des filles en seconde sont bien meilleurs que ceux des garçons, pourtant, ce sont eux qui poursuivront ». Résultat pour le proviseur : » La place des femmes dans les sciences continue d’être encore plus insuffisante ».
Pendant ses cours de mathématiques au lycée Monnerville, Alexandre Agache a bien remarqué que le compte n’y était pas chez les filles. Il a rapidement compris pourquoi car le professeur de mathématiques a écouté leurs doutes. » Beaucoup d’entre elles pensent ne pas avoir le niveau, les filles sérieuses surtout se censurent beaucoup, pas plus tard que lundi, l’un de mes lycéennes qui a d’excellents résultats est venue me trouver à la fin du cours, elle a peur de ne pas réussir si elle prend la spécialité maths », explique l’enseignant qui est aussi membre de l’Ires, l’institut de recherches et d’enseignement des sciences.
Alors, il écoute, il rassure. Il tente de convaincre aussi : » On passe beaucoup d’énergie à les persuader, à leur dire que même si le programme est dense car répartis sur quatre heures par semaine et qu’il cristallise les difficultés, c’est aussi le cas pour les autres spécialités depuis la réforme ». Il leur dit aussi qu’il côtoie » des chercheuses, à Toulouse et même dans le Lot ». À la problématique du manque de confiance en elles, s’ajoutent aussi l’origine sociale et le lieu où l’on vit : » Il est toujours difficile de se projeter dans un métier que l’on ne côtoie pas ». Enfin, la désaffection se traduit aussi selon lui, assez mathématiquement, par « des pertes de postes d’enseignants de mathématiques ».
Dès le collège
Ce » désamour », Max Rouquette le remarque dès le collège. » Je vois bien dès la sixième, que les filles se refusent le droit de faire des mathématiques, en fait, elles ont du mal à trouver leur place aux côtés de garçons turbulents et expansifs », explique l’enseignant en mathématiques au collège Gambetta à Cahors. La preuve par l’exemple : » Ce mardi après-midi, nous avons évoqué la transition énergétique et la répartition des énergies fossiles, les garçons ont monopolisé la parole, argumentant qu’il fallait poursuivre l’usage des motos et des voitures, les filles étaient en retrait ».
Selon le prof, les collégiennes planchent sur les maths par « obligation » alors que les collégiens bossent par « envie ». Il pointe du doigt des rapports déjà » très genrés ». En quatrième, quand les filles s’imaginent vétérinaire, danseuse, décoratrice d’intérieur, responsable d’un salon de thé ou cuisinière, les garçons, eux, se voient déjà astrophysicien, boucher, pilote de ligne, mécanicien et chauffeur routier. » Et pourtant, elles ont d’aussi bons résultats en maths, si ce n’est mieux, que leurs camarades », ajoute-t-il. Échec et maths.
Bien que de nombreuses femmes permettent de grandes avancées, les mathématiques leurs sont inaccessibles durant plusieurs siècles.
On a l’exemple de Sophie Germain (1776-1831), qui était contrainte d’utiliser un pseudonyme masculin afin d’accéder au milieu des mathématiques. Elle correspondait donc avec les grands mathématiciens de son temps (tels que Lagrange) sous le nom de M. Leblanc. Elle est célèbre pour sa théorie sur les nombres premiers. En 1816, elle reçoit même le grand prix de l’Académie des sciences de Paris.
Karen Uhlenbeck, Les travaux de Karen Uhlenbeck ont nourri la physique quantique elle vient d’obtenir le Prix Abel 2019
Le prix Abel est une des deux plus prestigieuses récompenses en mathématiques avec la médaille Fields. Tous deux sont considérés comme équivalents d’un prix Nobel, inexistant pour cette discipline. Maryam Mirzakhani avait obtenu la médaille Fields en 2014
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