Agriculture, alimentation, déforestation… Que dit le rapport spécial du Giec ?
Les scientifiques du Giec ont publié leur synthèse sur le réchauffement climatique, la dégradation des terres et la sécurité alimentaire
C’est un nouveau rapport coup de poing que signent les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Et il devrait lui aussi faire grincer les dents, à commencer par celle des géants de l’agriculture intensive. Ce document de 1 000 pages, rédigé par 107 experts issus de 52 pays et à partir de 7 000 publications scientifiques, touche à un thème quasi vital pour l’être humain : l’utilisation des terres et l’alimentation. Le rapport est consacré au « changement climatique, la désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ».
Le dérèglement climatique, démontrent les experts dans leur synthèse scientifique, a des conséquences jusque dans les sols de la planète. Alors que la population mondiale pourrait atteindre les 10 milliards d’individus en 2050 selon les dernières prévisions de l’ONU, une question hautement cruciale se pose : comment nourrir une population toujours plus importante sans impacter l’environnement ?
Infertilité des sols
Pour se nourrir, se loger, mais aussi se vêtir, les humains exploitent aujourd’hui les trois quarts (72 %) de la surface terrestre dite « non glaciaire ». Un périmètre que le réchauffement climatique va bouleverser. La hausse de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes comme les canicules, les vagues de chaleur, les pluies torrentielles et les inondations va impacter les ressources terrestres et la fertilité des sols exploités par l’humain. Concrètement, explique le Giec, les services écosystémiques des sols sont les premiers menacés : la production d’oxygène, le stockage naturel de dioxyde de carbone, l’épuration naturelle des eaux, la pollinisation naturelle des cultures, le développement des nutriments, etc.
Au Point, Jean-François Soussana, vice-président de l’Inra et auteur principal du chapitre 6 du rapport, explique : « Avec la montée du niveau des mers et océans, la salinisation des sols va accroître, y compris dans le sud de la France et la zone méditerranéenne. C’est un facteur accru d’infertilité des sols. La hausse des températures, le “stress” thermique, la variabilité des précipitations et l’amplitude des sécheresses vont épuiser la matière organique des sols et la séquestration de carbone sera de fait plus difficile. La respiration des sols sera plus importante et, de fait, les émissions de carbone par la végétation. »
Lire aussi Valérie Masson-Delmotte : « Il y aura deux fois plus de canicules en 2050 »
Et l’agronome de renchérir : « avec un réchauffement global avoisinant les 2 degrés, les risques pour la stabilité de la sécurité alimentaire deviennent très importants ». L’agriculture et l’industrie forestière produisent près du quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La moitié des émissions de méthane, l’un des gaz à effet de serre les plus puissants, est issue de l’élevage de bovins et l’exploitation des rizières. Si l’agriculture intensive a permis de nourrir une population mondiale passée de 1,9 à 7,7 milliards d’individus entre 1900 et 2018, le Giec souligne son incidence sur l’érosion des sols et leur appauvrissement en matières organiques.
La consommation de viande en question
« Les sols sont sous une pression croissante des activités humaines qui contribue à des formes variés de dégradation et une diminution de la biodiversité », explique Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et coprésidente du Giec. Le rapport ajoute que « la production d’huile végétale et de viande a plus que doublé depuis 1960, mais qu’aujourd’hui, 25 à 30 % de la production alimentaire mondiale est perdue ou jetée ».
Jean-François Soussana abonde : « la consommation de viande dans les pays de l’OCDE est supérieure aux recommandations nutritionnelles de l’OCDE, mais elle est largement inférieure dans les pays d’Afrique ». Une situation d’autant plus surprenante que la conjoncture alimentaire mondiale est contrastée pointe le Giec : « les changements des modes de consommation ont entraîné environ 2 milliards d’adultes en surpoids ou obèses et on estime à 821 millions le nombre de personnes encore sous-alimentées ».
Faut-il donc restreindre l’élevage ? C’est l’une des grandes interpellations de ce nouveau rapport du Giec. « Il y a une possibilité de rééquilibrer les régimes alimentaires vers des régimes plus durables, c’est-à-dire assurant moins d’émission de gaz à effet de serre, répond Jean-François Soussana. Nous avons pu démontrer que certains systèmes pastoraux peuvent sérieusement réduire l’intensité des émissions de l’élevage. »
Planter des arbres
Durabilité. Voilà sans doute le mot d’ordre des 87 scientifiques au travers de ces 1 000 pages. Les experts soulignent que les terres devront être gérées de manière « plus durable » afin de libérer moins de carbone qu’elles ne le font actuellement. Comment ? « En protégeant l’eau des sols, en utilisant plus de légumineux qui ont pour particularité de fixer l’azote dans le sol et sont réputés leur capacité de production de biomasse (matières organiques, NDLR) de très haute qualité, explique l’agronome de l’INRA. C’est aussi limiter la déforestation et le déploiement d’arbres sur les surfaces agricoles pour régénérer la biomasse. »
Le Giec liste d’autres mesures : l’arrêt des systèmes de drainage pour restaurer les tourbières, la réduction de la consommation de viande pour inverser les émissions de méthane, l’accroissement des régimes végétariens et végétaliens, la diminution du gaspillage alimentaire. « La consommation de régimes alimentaires sains et durables, tels que ceux basés sur les céréales secondaires, les légumineuses et les légumes, et les noix et les graines offrent des opportunités majeures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », poursuit le rapport qui prône, comme un mantra qu’il assène tout au long des pages, un « grand changement » dans l’utilisation des terres agricoles.
Lire aussi notre dossier Les bienfaits des graines
Autant de constats scientifiques et de préconisations à destination des décideurs mondiaux qui, eux, ne se réuniront qu’à la fin 2020 lors d’une conférence mondiale sur le climat où ils devront détailler la mise en place de leurs politiques d’émission « zéro carbone » au cours des prochaines décennies. « Vaste programme ! » disait de Gaulle.
Créée en 1988, la mission Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) est d’étudier les conséquences du réchauffement climatique sur les sociétés à court et moyen terme. Ce sont deux institutions de l’ONU – l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) – qui ont donné naissance au Giec. Pour mettre en perspective les activités humaines sur les changements climatiques, les chercheurs du Giec ne produisent pas de recherches à proprement parler mais ils réalisent un état des lieux de la littérature scientifique et fournissent aux responsables politiques une évaluation des répercussions, des risques et des solutions pour limiter les effets du réchauffement global. Plusieurs milliers de scientifiques, issus des 195 pays du monde, contribuent de manière volontaire et bénévole aux travaux. Pour chaque rapport commandé, les experts et les auteurs sont désignés par les gouvernements. Avant publication, le rapport doit être approuvé par les États et les experts chargés de la rédaction.
Sur le même sujet:
Excellente émission sur C dans l’Air ce soir jeudi 8, une bonne information, on a l’essentiel et c’est facile à comprendre, on peut la voir en replay
Cliquer ici
Réchauffement climatique : comment réduire le déficit en eau du bassin Adour-Garonne ?
Avec
le changement climatique, le déficit du niveau d’eau du bassin Adour
Garonne atteint des proportions alarmantes. Les acteurs se sont réunis
ce mardi pour définir un plan d’action
Par MK avec Nathalie Pinard de Puyjoulon Publié le 16/07/2019
Dans la région, le niveau des réserves d’eau inquiète. Depuis plusieurs semaines, les fortes chaleurs se maintiennent, et la pluie se fait rare. Le Lot-et-Garonne est en alerte renforcé. Les prélèvements d’eau y sont limités pour l’arrosage et ou à des fins agricoles.
Un déficit de 250 millions de mètres cubes
Alors que les températures s’annoncent encore très élevées pour les prochains jours, la question de la gestion de l’eau a été l’objet d’une réunion ce mardi matin, avec les acteurs du bassin hydrographique Adour-Garonne, qui couvre une grande partie de la Nouvelle-Aquitaine et de l’Occitanie.
« La situation est grave », a annoncé d’emblée le président de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset. Le déficit actuel du bassin Adour-Garonne atteint 250 millions de mètres cubes. Et il pourrait bien dépasser le milliard de mètres cubes d’ici 2050 si rien n’est fait.
« Action commando »
C’est donc dans le but d’élaborer un plan d’action que les régions et l’Etat se sont mobilisés pour une « action commando », selon les termes employés par Etienne Guyot, le préfet de la Région Occitanie et coordonnateur du Comité de bassin Adour-Garonne.
« L’objectif c’est de faire sortir des projets de territoires, bassins par bassins, sous-bassins par sous-bassins, (…), de façon à ce que sur un ensemble d’actions, on puisse dire qu’on va mieux gérer la ressource et regarder là où il faut créer des ressources nouvelles ».
Financement
Reste désormais la question du financement à gérer, dans un contexte de restrictions budgétaires. « Nous voulons vérifier que les moyens qui nous sont affectés permettent de mener à bien cette feuille de route, explique Martin Malvy, président du comité de bassin Adour Garonne, qui réclame un audit dans les 18 mois.
Sans être expert, beaucoup de vérités dans ce document pédagogique
mais beaucoup de causes passées sous silence
et un discours régional en opposition aux actes constatés sur le terrain
ce serait bien si vous précisiez
Action commando??? Alors que le CGEDD alerte sue le problème d’eau en montagne, avec en plus la dépense d’énergie pour faire de la neige artificielle… c’est une posture …
Alors que les rivières souterraines du Lot sont classées à protéger pour le futur (Adour-Garonne) « ils » permettent les épandages de digestats sur les bassin versant du Ségala et sur le causse.
Extrait choisi d’un courrier du Comité Départemental de Spéléologie du Lot la préfecture datant de février 2017
« A noter que l’ensemble du Causse de Gramat (et donc aussi la partie d’avant causse du Limargue) est classé par le SDAGE Adour Garonne (orientation B24) en ZPF – Zone à Protéger pour le Futur. Cela signifie qu’il s’agit d’une ressource en eau stratégique à préserver de toute dégradation …
« Il nous paraît irresponsable de prendre le risque de souiller la réserve d’eau potable karstique du département alors que celle-ci est un enjeu primordial pour l’avenir. Nous espérons que notre requête sera comprise et entendue ».
Alors oui après on peu s’inquiéter, de voir ce qu’il est possible de faire avec les ressources financières… mais une chose est sur cela coûte moins cher d’éviter les problèmes en amont que d’essayer de réparer en aval…
Le tribunal administratif de Paris a reconnu mercredi, pour la première fois, que l’État a commis une « faute » en ne respectant pas ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. Une décision « historique », saluée ainsi par les ONG qui poursuivaient l’État en justice.
France Inter