Aides à domicile, Ehpad et retraités manifestent
Les retraités d’un côté, les Ehpad et services à domicile de l’autre : chacun a ses propres revendications, mais ils manifesteront ensemble ce jeudi pour sensibiliser la population et interpeler le gouvernement sur leurs problématiques.
Les professionnels des personnes âgées seraient-ils arrivés à leur «point de rupture» ? C’est ce que pensent les représentants de l’intersyndicale1, qui appellent à une large manifestation ce jeudi à Cahors (place Mitterrand à 14 heures).
évoquant une «charge psychique et physique qui a doublé en huit ans» et un nombre de postes en recul sur la même période, les représentants syndicaux d’Ehpad, des territoriaux et des aides à domicile se remobilisent pour peser dans le débat sur la loi sur le vieillissement. Tous ont un point commun : ils travaillent avec les personnes âgées et ont constaté que le temps passé auprès de l’usager – qu’il soit en établissement ou à domicile – est de plus en plus court : «8 minutes par résident pour le petit-déjeuner, 11 minutes pour le repas, c’est très insuffisant» lance Chantal Dellac (CGT Santé et action sociale). Et la courbe risque de s’accentuer, puisque les statistiques annoncent que le «nombre de personnes âgées sera multiplié par quatre dans les 20 prochaines années». Le besoin est estimé à 400 embauches, soit «les 30 % de professionnels perdus en une dizaine d’années».
L’intersyndicale réclame un ratio d’un «professionnel» par résident (1 pour 3 actuellement). Elle dénonce également le manque de formations pour les aides à domicile – «alors que c’est un secteur qui monte en puissance», et plus généralement l’absence de «reconnaissance salariale pour les personnels formés».
«Au-delà de la réalité des salariés ou des retraités», Jérôme Delmas (secrétaire de l’union départementale CGT) veut «sensibiliser les usagers à l’attaque globale et sociale menée par le gouvernement. C’est le choix de la société de demain qui se pose : voulons-nous la marchandisation de l’humain ?»
1 : L’intersyndicale nationale rassemble les mouvements suivants : ADPA, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Sud, Unsa.
Les retraités en renfort
Les retraités seront également dans la rue ce jeudi (même lieu, même heure), pour exprimer leur «refus des choix budgétaires opérés par le gouvernement». Ils manifestent contre l’augmentation de la CSG (1,7 %) qui s’est traduite par une «baisse significative des pensions de plusieurs centaines d’euros par an», tandis que les charges courantes sont en hausse (énergie, carburants, mutuelles…). Arguant que leur pouvoir d’achat a déjà été amputé par «le blocage des pensions depuis plusieurs années», les retraités ne veulent pas représenter «une cagnotte dans laquelle le gouvernement peut puiser comme bon lui semble». «Les retraités ne sont pas des nantis, des assistés ou des privilégiés» ajoute Serge Laybros pour le PCF (qui apporte son soutien au mouvement).
La mobilisation a été forte dans le Lot ce jeudi 15 mars. À Cahors, des centaines de personnes se sont rassemblées à 14 heures place Mitterrand. Comme à plusieurs endroits du département (Sousceyrac, Bretenoux), les personnels des EHPAD, vêtus d’un tee-shirt rouge, étaient nombreux à avoir débrayé pour dénoncer leurs conditions de travail. Christine, Virginie, Cathy et Marie-José, collègues à la maison de retraite Olt à Cahors, ont défilé main dans la main.
« Trop c’est trop »
« Certains n’ont pas pu venir parce qu’ils ont été réquisitionnés et puis il y a beaucoup d’arrêts maladie en ce moment. On est épuisés : il faut faire toujours plus avec moins. On a besoin de moyens et de repos. On se mobilise non pas contre notre direction mais contre le système. Notre directeur est d’ailleurs présent aujourd’hui ».
Les retraités lotois, « solidaires des salariés des EHPAD », étaient des centaines à avoir répondu à l’appel de l’intersyndicale CGT, FSU, FO, FGR-FP, CGC en cette journée d’action nationale. Dans les rangs, une jeune retraitée cadurcienne pointait du doigt la hausse de la CSG.
« Je perds 450 euros par an »
« Je manifeste aujourd’hui parce que je perds 450 euros par an, ce qui n’est pas négligeable. J’en ai marre qu’on nous prenne pour des imbéciles. On a cotisé toute notre vie pour payer les retraites de nos aînés et maintenant on nous dit qu’il faut cotiser pour les plus jeunes. Trop c’est trop ».
Un sentiment largement partagé. Pierre, venu de Gourdon, n’est pas passé inaperçu avec sa pancarte « Macron, on n’est pas des cons » : « Je suis là en tant que citoyen du monde inscrit, en réaction positive face aux injustices, le pouvoir d’achat baisse, les retraites ne sont pas revalorisées. On vit moins bien aujourd’hui qu’il y a dix ans. »
A. Lecomte La Dépêche
Lundi 12 mars, des représentants des sections Santé des deux syndicats CGT et FO du Lot, recevaient Huguette Tiegna, députée du Lot, à l’hôpital de Cahors, afin d’échanger sur la problématique des EHPAD. Ceci dans le prolongement du travail entamé par la parlementaire avec les directeurs d’EHPAD territoriaux et du Conseil Départemental, pour dresser un état des lieux de la prise en charge de la personne âgée dans le département et de la situation délicate des établissements publics et privés. Les syndicats ont eu l’occasion de faire part à la députée de leur profonde inquiétude quant à la dégradation des conditions de travail du personnel : des moyens humains réduits faute de possibilités budgétaires ce qui engendre notamment le non-respect des protocoles de toilettes, un manque de reconnaissance du métier, des moyens non adaptés à la prise en charge d’une dépendance de plus en plus lourde des résidents, et des conditions salariales non représentatives du travail fourni.
« Dans certains EHPAD, la situation est préoccupante, tant pour les résidents que pour le personnel. Madame la ministre de la santé proposera fin mars une stratégie globale. Il est évident que nous devons aller dans le sens d’une meilleure qualité de prise en charge préservant la dignité des personnes et d’une amélioration du taux d’encadrement. Par ailleurs, les conclusions, mi-avril, de la commission sur la qualité de vie au travail en EHPAD, seront essentielles quant à la mise en place d’un nouveau plan métiers et compétences » a précisé l’élue qui a réitéré son soutien et sa volonté de continuer à travailler avec les syndicats, afin, d’une part, de maintenir une couverture de l’offre de services fournis par les EHPAD satisfaisante et de veiller à l’accessibilité financière de cette offre, via une tarification qui se veut respectueuse de la solvabilité financière des résidents, et d’autre part, de permettre au personnel soignant d’exercer leur travail dans des conditions décentes.
C’était la troisième journée de mobilisation pour les retraités à Cahors, depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Environ 200 retraités se sont regroupés place Mitterrand, hier à 15 heures à Cahors. «Cette mobilisation est une manifestation intersyndicale avant tout, il n’y a aucun parti politique représenté ici», tient à préciser Philippe Miquel, responsable des retraités à la CGT.
Parmi les revendications présentées lors de la manifestation, celle de la baisse du pouvoir d’achat, menacée par la hausse de la CSG (Contribution sociale généralisée) est arrivée en tête de liste. «On demande tout simplement la suppression de la CSG pour que notre pouvoir d’achat puisse augmenter à nouveau, précise Philippe Miquel, cela fait cinq ans qu’il n’a pas augmenté, bientôt six.». Le nouveau projet du gouvernement sur le régime des retraites à points fait également débat au sein des retraités. «On sait ce que l’on va devoir débourser avec ce régime de retraite à points, mais on ne sait pas ce qu’il y aura dans les caisses au moment où on aura besoin de notre retraite. Et tout le problème est là, il n’y aura aucune garantie», dénonce Patrick Nicolaon, retraité. La suppression de la pension de réversion provoque également la colère générale. «Comment vont faire les femmes qui s’arrêtent de travailler pour élever leurs enfants ? Elles n’auront plus droit à cette pension», souligne Patrick Nocolaon. Ce nouveau rassemblement concerne les retraités mais pour Aziz Mselli, l’un d’entre eux, «les jeunes de demain sont tout autant concernés par cette bataille.»
Léa Collet La Dépêche