Bistrot de quartier (la suite)
« Tout change, tout s’enfile, tout défile, on en perd la boule…c’est moins cool… »
Ça pourrait être le début d’une chanson…Non?
Pour en revenir à nous moutons, justement on n’en est pas loin….
Avec les économies réalisées, Robert eut une idée : « Et si on se payait des petites vacances dans le Lot, on irait faire le tour des cousins et cousines… ça fait un bon moment qu’on les a pas vu! »
Roberte fut enchantée par la proposition de son mari, le Lot lui manquait, elle s’était fait beaucoup d’amis dans la banlieue, mais tous ses souvenirs d’enfance étaient ailleurs.
Ils s’étaient préparés tout un programme, aller voir tante Lucie avec sa fille Toinette, qui travaillait dans une entreprise de fabrication de boites de foie gras et de pâté.
Le cousin George, qui avait repris la ferme de l’oncle Antoine qui s’était reconverti en Bio.
C’était difficile d’imaginer tous ces changements en si peu de temps, ils s’imaginaient encore la région comme ils l’avaient connue, les fermes avec les chiens en liberté, les maisons toujours prêtes à accueillir les voisins pour boire un petit rouge du raisin de leur treille.
Les champs dorés par les épis de blé, les vaches noires et blanches, peu nombreuses avec des pis gonflés comme des outres.
Quelques poules dans les basses-cours, qui picorent tout ce qu’elles trouvent , toujours accompagnées d’un coq, qui chante chaque matin et déclenche tous les cocoricos des alentours.
Des lapines dans leurs cages nourries avec des pissenlits, du trèfle et du plantain.
Le cochon qui tué sur place, réunissait tous les voisins pour être dépecé, transformé en boudins, jambons, saucisses et pâté.
Tout était fait sur place, avec les moyens du bord, c’est à dire avec de l’huile de coude et de la bonne volonté.
Ce qui attendait Robert et Roberte, ne ressemblait en rien à ce qu’ils avaient connu, ils le savaient bien sûr, mais de là, à l’imaginer vraiment, c’était une autre histoire.
Autrefois, les paysans n’avaient pas la partie belle, ils fallait se lever tôt le matin, suivre les saisons, nourrir pendant 7 mois un poulet avant de lui trancher la gorge, dépendre de la météo, ne pas partir en vacances, travailler sans compter ses heures, j’en passe et des meilleurs …
Tout semblait difficile et injuste, d’après eux, les gens de la ville avaient la partie belle.
Ceux là, on n’aimait pas les voir se pointer dans la région, la bouche en cœur en disant: Oh! les jolies petites poules, oh!! le petit agneau, comme il est mignon! J’en voudrais un dans mon jardin!
Ces paroles là… ça leur restait au creux de la gorge.
Pour les paysans , les animaux, c’était beaucoup de travail, il fallait les nourrir, les soigner, les accoucher, les traire, les garder….s’en occuper le jour, parfois la nuit et pour pas gagner grand chose, leur salaire ne tombait pas, tout cuit, à la fin du mois.
Du coup, dès qu’ils en ont eu la possibilité, les agriculteurs ont ouvert grand leur bras aux nouvelles machines, aux engrais, à l’élevage intensif, sans tenir compte des conséquences beaucoup moins satisfaisantes: les maladies, l’infertilité de la terre, la maltraitance des animaux, la pollution etc…
Actuellement, les gens vivent dans de meilleurs conditions, ils sont en meilleure santé et vivent plus longtemps.
Et demain???
Le monde avance même lorsqu’il recule.
Peut importe, puisqu’il nous dépasse, j’allais ajouter pendant que nous trépassons, heureusement ! Je me suis retenue…
Revenons à nos moutons…
Certains jeunes, qui venaient de la ville, désiraient s’installer à la campagne pour élever quelques chèvres. Ils vivaient, où ils essayaient de vivre de leur fromage. Ils étaient vécus comme inopérants par les autochtones.
Certes, ils manquaient d’expérience, mais, ils pressentaient peut-être, un autre avenir…
Les enfants des cultivateurs partaient vivre en ville, « là où l’herbe est plus verte », expression amusante, n’est-ce pas?
Je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi, si?…non?
Avoir un petit logement, être indépendant, ne pas subir la famille et le voisinage et toucher tous les mois un salaire régulier. « c’était le pied! », plus tard, on aurait dit: « c’est génial! » et actuellement, on dirait: « c’est trop cool! »
Et plus tard, on dira:???
« Tout change, tout s’enfile, tout défile, on en perd la boule…c’est moins cool… »
Ça pourrait être le début d’une chanson…
Pour en revenir à nous moutons, justement on n’en est pas loin.
A la campagne, on voyage et on se mélange peu indépendamment du mariage, de la famille et du voisinage,
Pour ces gens là! Comme chantait Jacques Brel, il est très difficile de s’éloigner de leur certitude. Sauf bien sûr, s’ils suivent des cours de méditation…
Revenons à nos …..tons! ou plutôt à nos jambons…
Les hollandais arrivent, cette façon de peindre leur volet en bleu, n’était pas courante, faire parvenir de la nourriture de leur pays, n’en parlons pas, une véritable offense.
La gastronomie a toujours été le fleuron de la région, tel que le foie gras, la truffe, le pâté, la mique, le pastis… miam….miam…!!
L’attitude des hollandais ne pouvait pas rentrer dans les rangs. Poil aux harengs!
L’arrivée des citadins, c’est pas mieux. D’où les jolies expressions « Parisiens, têtes de chiens!!, parigots têtes de veau !! »
En ce qui concerne les anglais, la rénovation de toutes les ruines du pays les rendait beaucoup plutôt acceptables.
Petit à petit, les gens de la campagne sont partis à la ville et inversement, ceux de la ville sont venus s’installer à la campagne.
Il n’y a plus eu de fermes, que des maisons secondaires, les paysans sont remplacés par des retraités, des touristes , des anglais… les champs ne sont plus cultivés, les chiens , les poules, les lapins, transformés en bébête à sa mémère ou en animal de compagnie.
J’utilise le présent parce qu’on s’en rapproche… si vous me suivez..bien sûr…
Plus tard, l’apparition des végétariens, des frugivores, des bio, du yoga, du tai chi, de la méditation, des sorcières, du chamanismes, tout pour le bien-être des citadins qui n’en veulent plus de leur vie harassante et déprimante.
La boucle est bouclée, retour à la case départ:
Robert et Roberte ….