Cahors: La ministre visite et vend l’ex prison
La ministre en charge du Logement Emmanuelle Wargon a confié, hier, les clefs du Palais de Via à l’Etablissement public foncier d’Occitanie qui va porter la maîtrise foncière de ce projet de réhabilitation cadurcien. Charge au Groupe Icade d’en coordonner ensuite la maîtrise d’ouvrage pour une ouverture d’ici 2024/2025.
Réminiscence d’autres histoires, les murs du palais de Via sont promis à une nouvelle vie. Nez en l’air, imaginant toute la superbe de ce que fut cette bâtisse médiévale, aujourd’hui délabrée au milieu des barbelés, des grilles et des verrous de l’ancienne maison d’arrêt, la ministre Emmanuelle Wargon a admiré le potentiel du site… Et plus encore l’opération de réhabilitation qui lui a été présentée, jeudi matin, par le maire Jean-Marc Vayssouze et par Laurent Nicolas, directeur régional du groupe Icade qui sera maître d’ouvrage.
Sa visite a en effet été l’occasion d’officialiser l’acte d’acquisition du Palais de Via entre l’Etat et l’Etablissement public foncier d’Occitanie, représenté par Dominique Buisson, directeur foncier de l’EPF Ouest et Georges Borras, directeur général adjoint de l’EPF, pour un montant de 135 000 €.
Car, après avoir parcouru le cœur ancien de Cahors, cette découverte de la prison fermée depuis 2012 et de son devenir a constitué le clou du spectacle pour Emmanuelle Wargon qui a déclaré : « C’est un projet central dans la politique conduite par la ville pour se réapproprier le centre historique. Il conforte l’Etat dans sa volonté d’aider les collectivités à boucler des opérations exemplaires et coûteuses, grâce à des cofinancements. C’est la preuve que toutes les politiques publiques s’assemblent pour être efficaces à l’échelle d’une ville et permettent une réussite collective ».
Des politiques en appui
Pour s’engager dans ce que le maire appelle « reconstruire la ville sur la ville », Cahors a bénéficié du programme national « Action cœur de ville », en faveur de la revitalisation des villes moyennes.
De 2015 à 2020, une première OPAH-RU a permis la réhabilitation de 698 logements, et une nouvelle opération programmée d’amélioration de l’habitat est en cours jusqu’en 2025.
Le fonds Friche, dans le cadre du Plan France Relance, et une participation éventuelle de la Région Occitanie devraient permettre de trouver les 2M€ manquant au budget de cette réhabilitation du Palais de Via.
« Ne plus étaler sans cesse la ville »
Emmanuelle Wargon a par ailleurs souligné l’exemplarité dont fait preuve Cahors en matière de restauration du bâti. Tandis que Jean-Marc Vayssouze insistait sur « ce travail encore long et difficile mais qui commence enfin à se voir et à être apprécié des Cadurciens ». Comme il l’a expliqué : « Il faut être conscient que nous n’en sommes qu’aux débuts à Cahors, une cité qui offre un potentiel architectural et médiéval rare. J’en veux pour preuve cette succession de tours médiévales, toutes abandonnées à ce jour ».
Pour tous, si Cahors était hier au centre de l’actualité c’est justement parce qu’elle a su impulser un autre parti pris dans l’aménagement urbain. Ce que n’a pas manqué de relever la ministre : « Pour créer du logement, il n’y a pas besoin de construire du neuf. Beaucoup d’immeubles vacants et fermés retrouvent une nouvelle vie et accueillent des familles qui dynamisent le centre-ville et boostent le commerce. Ne plus étaler sans cesse la ville : c’est consommer moins de terres naturelles. Il faut réduire notre artificialisation par 2 en 10 ans grâce à cette reconquête de l’existant ».
L’autre atout de la cité est son exemplarité écologique. « Il y a ici un bâti de plusieurs siècles qui a été restauré avec exigence notamment sur le plan énergétique et écologique, on peut s’inspirer de cette exigence », a félicité la ministre pour qui le projet du palais de Via aura ceci d’inédit qu’il va concentrer une mixité des usages. Hôtel, restaurant, micro-crèche, logements sociaux et inclusifs pour les personnes âgées, jardins publics… y trouveront leur place avec, tel un phare sur la ville, la tour médiévale restaurée.
La métamorphose du palais-prison de Cahors
C’est fait ! Le palais de Via n’est plus la propriété de l’Etat. C’est en effet l’EPF, Etablissement public foncier d’Occitanie qui a mis la main sur ce domaine de 2600m², auquel s’ajoutera au printemps prochain l’acquisition des 400m² supplémentaires du bâtiment dit « des mutuelles ».
Par ce vaste ensemble, l’EPF assure pour le compte de la ville de Cahors un portage foncier représentant un engagement financier de 535 000 €.
Mais ce n’est là qu’une première pierre au projet de réhabilitation de ce domaine datant du XVIe siècle, devenu maison d’arrêt jusqu’en 2012, puis abandonné.
Car une fois cette maîtrise foncière unifiée, c’est le groupe Icade ( filiale de la Caisse des dépôts et consignations) qui entrera en jeu pour le volet opérationnel.
C’est lui qui le 15 décembre dernier a remporté l’appel à projet Action Cœur de ville du Palais de Via. Hier, Laurent Nicolas, son directeur régional, a dévoilé les plans architecturaux à la ministre en charge du Logement.
La métamorphose du Palais de Via permettra d’accueillir en ses murs un hôtel 4 étoiles avec restaurant bistronomique, un bar avec cave à vin et un espace bien-être. Mais également, une résidence constituée de logements familiaux et d’appartements inclusifs, un espace de co-working, une micro-crèche, un bâtiment public concept-store.
Les travaux de ce programme de réhabilitation devraient commencer en 2022, pour une livraison envisagée en 2024/2025.
« Une convention entre Icade et la ville de Cahors déterminera les modalités et les espaces qui seront maintenus dans la sphère publique, car ce site sera accessible aux Cadurciens et aux visiteurs qui y trouveront notamment plusieurs cours et jardins paysagers, ainsi qu’un belvédère », prévient l’équipe municipale.
La mémoire des lieux
De son côté, Icade a su séduire la collectivité et ses partenaires en présentant un projet qui valorise la mixité sociale et générationnelle. Par ailleurs, comme l’a rappelé Laurent Nicolas à Emmanuelle Wargon, « Icade inscrit ce programme dans une démarche du réemploi au service de la mémoire du site. La déconstruction partielle du site va favoriser le réemploi sur place ou ex-situ des matériaux : pierres de taille, grilles, tuiles, briques et portes ».
Un renouveau pour le palais-prison, sans en effacer totalement ses multiples histoires qui resteront à jamais inscrites dans son architecture.
Emmanuelle Wargon revient sur l’enjeu de la construction pour 2021.
Que venez-vous faire en Occitanie aujourd’hui?
Je vais à la rencontre des élus et des acteurs du logement pour bien piloter les politiques publiques dont j’ai la charge. À Cahors, il s’agit d’un projet d’aménagement urbain dans le cadre du programme Cœur de ville. Je viens voir comment avance cette opération destinée à requalifier le centre-ville. Je visiterai aussi une caserne de gendarmerie qui fait partie des 4 200 bâtiments publics d’Etat financés par le plan de relance dans le cadre d’une rénovation prévue en 2021 ou 2022. À Toulouse, je visiterai un chantier quasiment achevé d’un immeuble béton – bois, bas carbone qui montre notre ambition dans ce domaine et qui préfigure la réglementation RE2020.
Pourquoi avoir décalé au 1er janvier 2022 l’application de la réglementation environnementale des bâtiments?
Il s’agit d’un atterrissage de la RE2020 qui est en discussion depuis plusieurs mois. Nous avons rendu les arbitrages et les dates d’application sont désormais définitives. La RE2020 va permettre à la France d’avoir une réglementation des plus ambitieuses contre les émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. D’ici 2030, nous économiserons 7 millions de tonnes de CO2 par an sur la construction et un million sur l’exploitation des bâtiments. C’est considérable.
La construction a fléchi de 6,9 % en 2021. Comment relancer ce secteur ?
Nous faisons tout pour que le secteur ne se grippe pas. En 2021, mon combat c’est la reprise du secteur car cela répond au besoin fondamental des Français de se loger et parce que c’est un moteur fondamental de l’économie. Pour y parvenir nous avons prolongé le prêt à taux zéro et les aides Pinel. J’ai aussi lancé une grande initiative pour construire 250 000 logements sociaux en deux ans avec des moyens de l’Etat et d’Action Logement. Nous avons donné des aides aux maires bâtisseurs pour reconvertir les friches économiques. Les outils sont là, maintenant la balle est dans le camp des élus locaux, les maires.
Pourquoi est-il difficile d’obtenir un permis de construire actuellement ?
C’est vrai que c’est difficile. J’appelle les maires à porter de nouveaux projets de construction notamment dans les métropoles et les grandes villes et leur périphérie. L’État a fait sa part du chemin, il faut que les collectivités fassent la leur en particulier certains maires écolos qui requestionnent les opérations déjà lancées ou donnent des fins de non-recevoir systématiques. Il faut aussi construire avec une densité acceptable là où c’est possible pour lutter contre l’étalement urbain. La capacité de construction repose aussi sur la capacité de conviction des élus. Quand les élus s’engagent, les projets sortent. C’est le cas à Toulouse où Jean-Luc Moudenc porte par exemple le projet Grand Matabiau.
Pourquoi avoir lancé une aide de 1 000 € pour aider aux déménagements ?
C’est une aide pour épauler les jeunes lors de leur entrée dans la vie active. Elle est financée par Action Logement et est victime de son succès avec quelques bugs sur le site qui seront rétablis très vite.
L’affaire du retraité Roland vous a-t-elle interpellée ?
Nous avons tous suivi la situation de ce retraité dont la maison était squattée. La loi que nous avons portée pour faciliter les expulsions de squatteurs ne pouvait pas s’appliquer en l’espèce car une décision de justice avait déjà été rendue. À l’avenir la loi s’appliquera. La trêve hivernale prendra-t-elle bien fin le 1er juin ?
Oui, je ne compte pas la repousser. Nous allons trouver des solutions de relogement pour les personnes expulsées et attribuer des aides aux propriétaires quand l’expulsion n’a pas lieu immédiatement au 1er juin.
Craignez-vous un resserrement du crédit immobilier ?
La Banque de France cherche le bon point d’équilibre entre l’accès au crédit et la protection des ménages. Elle a notamment rehaussé de 33% à 35% le taux d’effort des emprunteurs. Il faut être vigilant mais à ce stade nous ne sommes pas dans un resserrement du crédit. Les politiques publiques portent les efforts en faveur des primo accédants et la Banque de France a donné plus de souplesse aux banques pour les dossiers des primo-accédants.
Faut-il faire une France de propriétaires ?
Il faut que chacun ait accès au logement qu’il souhaite et dont il a besoin. Mon objectif c’est que tous ceux qui souhaitent accéder à la propriété puissent être accompagnés notamment les primo-accédants. Il faut aussi aider le parcours locatif car il est parfois difficile de déposer un premier dossier de location d’où l’extension de la garantie Visale. Il ne s’agit pas d’opposer propriétaires et locataires mais simplement d’accompagner le bon parcours résidentiel au bon moment de vie.
Gil Bousquet La Dépêche
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