Cinéma de Gourdon « As Bestas’ Vo
Sur le papier tout aurait dû bien se passer. Ils venaient là avec leurs bons sentiments et leur envie de bien faire. Ils, ce sont Antoine et Olga, un couple de Français venu s’installer dans la campagne espagnole, en Galice. Pardon pour le cliché, mais là-bas, si on en croît le film, les paysages sont rudes et les locaux pas toujours super accueillants. La vie est difficile, sans grand espoir, et les traditions locales ne font pas dans la dentelle : les hommes attrapent des chevaux à main nue pour tondre leur crinière.
L’arrivée de ce couple venu faire de l’agriculture biologique (au marché, on dit que leurs tomates sont les meilleures du coin), restaurer de vieilles maisons avec l’espoir de créer une sorte de lieu de villégiature bio n’est pas forcément bien vu par des voisins qui rêvent de partir en ville et devenir chauffeur de taxi.
Le jour où ce couple, interprété par Denis Ménochet et Marina Foïs, vote contre l’installation d’éoliennes, les relations avec le voisinage se tendent d’autant que ce vote est motivé pour respecter le paysage et qu’il signifie pour les locaux favorables la perte d’une indemnisation qui aurait pu changer leur vie. Pour ne rien arranger à la situation, les Français récemment installés ont l’outrecuidance (du point de vue de leurs voisins) d’expliquer qu’ils sont « chez eux ».
Western ibérique
Au début, le combat entre les voisins prend la forme de remarques acerbes, d’intimidations mais peu à peu la tension monte. L’ambiance devient hostile, puis guerrière et le Clochemerle espagnol vire à la tension tragique. On n’en dira guère plus, même si le film n’est pas à proprement parler un film à suspense. Il évoque étrangement davantage une sorte de western ibérique, avec ses paysages montagneux, ces étendues vides, ce bar de village aux allures de saloon et bien sûr ces chevaux quasi-sauvages.
Il y a deux films dans le film. On ne cachera pas notre préférence pour la seconde partie. La première est un peu longue et répétitive dans sa construction (une scène au village, une scène où l’on retrouve le couple). Dans la seconde, Marina Foïs qui mérite au moins quatre César (meilleure actrice dans un premier rôle, meilleure actrice parlant espagnol, meilleure actrice blonde devenue châtain foncé, meilleure actrice dans un rôle d’agricultrice bio qui s’engueule avec sa fille), livre une prestation qui la place au niveau des plus grandes, dans un rôle où on ne l’attendait pas.
Marina Foïs au sommet
Toute en détermination taiseuse, elle est une force en mouvement, méthodique, froide, presque minérale comme le paysage qui l’entoure, émouvante malgré elle. La scène d’explications avec sa fille venue rendre visite au couple est d’une intensité incroyable et donne presque aux accrochages passés avec les irascibles voisins des allures de désaccords superficiels.
« As bestas » réussit enfin à être une description sociologique passionnante, à raconter notre monde, ses zones de frottement, sans jamais verser dans la démonstration lourdingue. Sorogoyen croit au pouvoir de la fiction, au pouvoir d’une histoire pour raconter l’Histoire qui se fait sous nos yeux. Ce n’est pas le moindre mérite de ce film.
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