Contournement de Beynac: le tribunal dit stop au président du département
Le projet d’infrastructure, poussé par le conseil départemental de la Dordogne, a été arrêté par le tribunal administratif de Bordeaux. La fin d’un feuilleton de plus de quinze ans.(voir photos)
Contournement de Beynac-et-Cazenac : le tribunal dit stop au président du départementSerait-ce la fin d’un long égarement, celui du président de conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro (PS), qui s’entête à construire une déviation routière contre l’avis d’un maire, celui de Beynac-et-Cazenac ? Le tribunal administratif de Bordeaux vient de mettre un coup d’arrêt au projet de 3,3 kilomètres de route pour contourner ce village. S’appuyant sur une enquête publique favorable de 2001, le président de la Dordogne avait obtenu en janvier 2018 un arrêté préfectoral l’autorisant à démarrer les travaux. C’est ce texte qui vient d’être annulé.
Le jugement du tribunal est sans ambiguïté. Dans ce site qui constitue l’une des 14 réserves de biosphère françaises de l’Unesco, l’autorisation unique délivrée par le préfet aurait pu permettre de déroger à toutes les règles de protection des espèces et de leurs habitats s’il y avait eu «une raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur». Goudronner une déviation, bâtir deux ponts sur la Dordogne, un passage sous les voies ferrées, un rond-point et un carrefour à stops pour lutter contre quinze jours d’embouteillages dans le centre de Beynac (que des travaux du maire ont déjà réduits) et attirer un développement économique (que l’autoroute A89 a déjà emporté vers le nord), tout cela créait-il une «raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur» ? Le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que non.
Dans une véritable leçon de sciences naturelles, le tribunal administratif recense «la liste des espèces protégées affectées par le projet», soit «quatre espèces de mammifères semi-aquatiques et terrestres, dix-neuf espèces de chiroptères dont la pipistrelle pygmée, quatre-vingt douze espèces d’oiseaux, neuf espèces de reptiles et amphibiens, quatre espèces d’insectes dont la cordulie splendide et une espèce de poisson, le brochet».
Suit la collection impressionnante des biotopes affectés, avec leur taille en hectares et les noms de chacun des leurs occupants. «Ainsi et en dépit de mesures d’évitement et de réduction, le projet de contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac affecte la conservation d’espèces animales protégées et de leurs habitats», lit-on dans la décision.
Sur la «raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur», le tribunal n’est pas plus tendre. Citant les travaux effectués par la commune, il estime qu’ils ont facilité «le croisement des poids lourds, source principale de congestion du trafic». Et pas plus les raisons de sécurité que l’activité économique ne poussent à regarder le projet «comme répondant à une raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur».
«900 m3 de béton pour tordre le bras du Conseil d’Etat»
La justice enjoint en outre le département «de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux». Or, depuis des mois, Germinal Peiro joue la politique du fait accompli. A peine son arrêté obtenu en janvier 2018, le président du département s’était empressé de lancer son chantier. Effarés, les ministres de la Culture et de l’Environnement, Françoise Nyssen et Nicolas Hulot à l’époque, avaient tenté d’obtenir que Peiro accepte un moratoire. En vain.
Que Germinal Peiro envoie promener deux ministres qui ne bénéficient d’aucun soutien public du chef du gouvernement, pourquoi pas… Qu’il s’obstine contre le Conseil d’Etat, c’est plus surprenant. Le 26 décembre 2018, alors que la plus haute juridiction administrative avait été saisie en référé par des associations, le rapporteur public demandait la suspension des travaux. Et tandis que la décision était annoncée pour le 28 décembre, Germinal Peiro reprenait ses travaux.
«La veille de la décision, il a quand même coulé 900 m3 de béton pour tordre le bras du Conseil d’Etat…», s’étonnait alors dans Libération Me Le Bret-Desaché, avocate de certaines des associations. Pour rien. Le Conseil d’Etat a bel et bien arrêté le chantier en référé. Quant au fond de l’affaire, il était renvoyé devant le tribunal administratif de Bordeaux. Qui a donc confirmé que cette fois-ci, il était temps de plier le chantier.
L’opiniâtre président du conseil départemental l’entend-il comme ça? Pas sûr. Au vu de la décision, il a assuré l’AFP de sa «volonté intacte de poursuivre le projet». Il se dit même prêt pour cela à «lancer une procédure de zéro». Dans l’immédiat, l’élu compte demander «un sursis à statuer». Pour Me David Gaschigniard, qui défendait certaines des associations, «il n’obtiendra pas un sursis à exécution de tout le jugement mais cela pourrait lui permettre de remettre la démolition à plus tard».
Germinal Peiro, président du département le plus endetté de France, comprend-il qu’il en est là? Après avoir embarqué sa collectivité dans cette aventure, il fait les comptes à sa manière: «Je ne vais pas faire dépenser 20 millions aux contribuables de Dordogne pour construire des piles de pont, puis 15 millions pour les démolir», a-t-il asséné à l’AFP. Le calcul est peut-être juste mais le fait accompli n’est pas un argument juridique.
Mercredi 17 juillet, le président du Département, épaulé par les présidents des intercommunalités de Périgueux et Bergerac et des chambres consulaires, a réaffirmé la nécessité de « faire évoluer le droit » afin que les recours contre des projets comme le contournement de Beynac soient « mieux encadrés ».
Il n’est toujours pas question de relâcher la pression, même au cœur de l’été. Ce mercredi 17 juillet à midi, à la Maison des communes de Marsac-sur-l’Isle, à l’initiative du président du Conseil départemental de la Dordogne Germinal Peiro et du président de l’Union des maires de la Dordogne Bernard Vauriac, s’est tenue une conférence de presse « relative aux conséquences du blocage du chantier de contournement de Beynac ».
Les présidents des intercommunalités de Périgueux et Bergerac étaient présents. Il y avait aussi les présidents des trois chambres consulaires périgourdines : la Chambre de commerce et d’industrie, la Chambre d’agriculture et la Chambre de métiers de l’artisanat.
« Plus des trois quarts des maires de Dordogne soutiennent notre appel lancé le 28 mai pour l’achèvement des travaux du contournement et pour demander une évolution du droit, s’est félicité Bernard Vauriac, liste des signataires en main. Il poursuit :
Il y a un vrai risque de paralysie de l’ensemble des institutions locales après cette décision de justice. »
Les intervenants ont dénoncé « le gaspillage d’argent public » si jamais le chantier devait être définitivement arrêté, ainsi que la possibilité « pour une minorité » de bloquer des dossiers déjà complexes à monter et qui ont déjà reçu toutes les autorisations nécessaires.
Un rendez-vous avec le président de la République a été sollicité par l’ensemble des présidents présents, afin de lui faire entendre leur mécontentement et partager avec lui leur volonté de voir évoluer le droit. « À partir du moment où un projet a été déclaré d’intérêt public et qu’il correspond à la loi, les recours doivent être plus sérieusement encadrés », a déclaré Germinal Peiro.
En visite en Dordogne, Nicole Belloubet (ministre de la justice) s’exprime sur la déviation de Beynac.Ce que je constate, a-t-elle déclaré, c’est que dans tous les grands projets d’aménagement portés soit par l’Etat, soit par des collectivités, nous sommes souvent en difficulté sur la question de la sécurisation juridique de ces projets. »
Nicole Belloubet n’a d’ailleurs pas exclu de réformer le système actuel : « Nous devons entièrement repenser notre manière de conduire ces projets. C’est, me semble-t-il, assez urgent. Car cela conduit à des paralysies, à des revirements insatisfaisants pour tout le monde », a-t-elle conclu.
Le président du Conseil départemental, Germinal Peiro, qui a écourté ses vacances en Espagne pour accueillir la représentante du gouvernement, ne pouvait rêver de meilleur soutien officiel.
Sud-Ouest
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu ses conclusions mardi 10 décembre. Elle confirme le jugement rendu le 9 avril par le tribunal administratif de cette même ville. La cour ordonne la suspension des travaux de la déviation de Beynac et condamne le Département à remettre en état le site.
Selon la cour, aucune raison impérative d’intérêt public majeur n’autorisait l’État, qui avait autorisé l’opération, à déroger au Code de l’environnement.
La cour a ainsi confirmé le jugement en premier instance qui annulait ce projet de rocade de 3,2 km, d’un coût de 32 millions d’euros, porté par le conseil départemental de Dordogne et contesté par les écologistes et défenseurs de l’environnement.
La cour « enjoint » le département « d’engager le processus de démolition » des premiers éléments construits « dans un délai d’un mois » à compter de la notification de l’arrêt.
Le Département va contester
Dans un communiqué relayé quelques heures après l’annonce de cette décision de justice, le Conseil départemental entend, « naturellement », indique-t-il, contester le jugement rendu et « faire valoir ses droits devant le Conseil d’État ». Il reste « convaincu que la sécurité des personnes, la prise en compte réelle – et non théorique – de l’environnement, la création d’une voie verte, la protection du village de Beynac et le refus de la gabegie permettront au bon sens de l’emporter, ceci dans le plein respect du Droit »
Réactions à chaud
Stéphane Bern, journaliste et animateur radio et TV : « Je me réjouis de cette victoire du droit républicain. »
Philippe d’Eaubonne, président de l’Association Sauvons la vallée de la Dordogne (ASVD) : « Après 30 ans de combat, c’est une victoire que nous accueillons avec soulagement, mais que de temps perdu, que de procédures pour faire primer le Droit et le bon sens ! ».
François Coq, du groupe EELV du Périgord noir : « Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision de justice sur un sujet emblématique des grands enjeux écologiques de notre siècle. Les décideurs doivent intégrer que les solutions du passé ne répondent plus aux besoins du futur. […] À Beynac, il s’agit désormais de trouver les meilleures solutions pour réparer en repensant le devenir du site. »
Lionel Frel, conseiller régional membre de la Commission finances pour Europe Écologie Les Verts Belle victoire des bénévoles associatifs et des militants écologistes de Dordogne
Corinne Lepage « C’était un projet conçu comme il y a trente ans »
Non, la démolition n’a pas encore débuté!
Cependant Germinal Peiro a affirmé que la procédure de démolition était engagée depuis le 23 décembre.
Il faut dire qu’après la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux le 10 décembre dernier qui a ordonné la destruction du chantier et la remise en état du site, le Conseil Départemental n’a pas vraiment le choix pour rester dans la légalité. Il devait montrer qu’il agissait dans ce sens avant la date butoir du 10 janvier.
Dans une lettre adressée aux services de la préfecture de Dordogne, il aurait indiqué avoir lancé un appel d’offre pour trouver un maître d’œuvre et débuter des études pour la démolition du chantier.
Début de la fin de l’histoire ?
Pas sûr, car dans le même temps, le Conseil Départemental compte toujours saisir le Conseil d’État dans l’espoir d’un revirement de la justice… Il indique par ailleurs que cette démolition prendra des mois…voire des années
France Info
Le Conseil d’État se prononcera à Paris en juin sur les recours du Département pour la poursuite du chantier de Beynac. Sauf surprise, il devrait suivre les conclusions défavorables de son rapporteur. Fort de nouveaux soutiens, le Département maintient pourtant la pression sur place
entre querelles d’ego(s), d’interêts plus ou moins personnels et purement mercantils et dilapidation de l’argent des contribuables, le solde est bien triste. Quelque soit la décision finale, que de temps et d’argent perdus, que de dégâts irréparables sur le site dont la « remise en l’état initial » n’est qu’un voeu pieux! Victoire peut-être pour les nombreux militants….mais à la Pyrrhus! Pourvu qu’en reste la leçon: dans de tels cas la mobilisation devra être encore plus massive mais surtout plus rapide!
Le problème n’est pas resolu
À part si on retourne à aller à pied ou en vélo ou en trottinette ou en barque
La circulation reste dangereuse et très polluante car chaotique
La pensée dominante est pour le non à la déviation
Même si le bon sens exigeait une déviation faite dans les règles de l’art
Ce lundi 29 juin, le Conseil d’Etat stoppe la procédure en cassation engagée par le Conseil départemental de la Dordogne sur le projet routier, destiné à être détruit.
Le Conseil d’État a tranché. « En relevant que le pourvoi en cassation, formé devant lui par le conseil départemental de Dordogne, n’était fondé sur aucun motif sérieux, il a définitivement enterré le contournement routier de Beynac-et-Cazenac que le territoire envisageait de créer. le Conseil d’État confirme la remise en état du site.
La hache de guerre ne semble pas près d’être enterrée.
Au département on laisse entendre que les associations qui ont eu gain de cause devant le Conseil d’État devront saisir les tribunaux pour que soient détruites les piles de pont, coulées au fond de la rivière fin décembre 2018. « Après avoir effectué une course de vitesse pour construire sa route, forçant les ouvriers à revenir sur site entre Noël et le jour de l’An, Germinal Peiro (président du département) fait aujourd’hui une course de lenteur pour démolir ce qui a été édifié »
en savoir plus Le Point