Convention citoyenne pour le climat
L’heure du bilan. La Convention citoyenne pour le climat (CCC), voulue par Emmanuel Macron pour proposer des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, s’achève ce dimanche en jugeant leur mise en œuvre par le gouvernement, déjà très critiquée. Réunis en visio depuis vendredi, les 150 citoyens tirés au sort pour cet exercice de démocratie participative inédit en France ont laissé transparaître leur déception dans leurs premiers débats.
« On est venu nous chercher pour faire un travail, mais finalement, notre avis, je pense qu’ils n’en tiennent pas trop compte », a lancé Benoit (les citoyens sont désignés par leurs seuls prénoms), résumant un sentiment assez partagé.
Peu de mesures au-dessus de la moyenne
La CCC a en tout cas jugé sévèrement la « prise en compte » de ses propositions par le gouvernement, prise en compte qui n’a jamais obtenu la moyenne lors d’une série de votes sur les six grands thèmes de mesures. La thématique « se loger » a obtenu une moyenne de 3,4 sur 10, « produire et travailler », « se nourrir » et « se déplacer » 3,7 chacune, « consommer » 4, et les propositions sur la gouvernance 4,1, dans une série de votes organisés lors de la dernière session de cette convention, exercice de démocratie participative inédite en France. Sur les 150 « citoyens » initialement tirés au sort, 119 étaient inscrits pour ce vote final, lors d’une session tenue par visioconférence, crise sanitaire oblige.
Peu de mesures ont obtenu la moyenne. La réforme de l’article 1er de la Constitution pour y introduire la lutte contre le changement climatique par exemple a recueilli la note de 6,1. Mais la traduction d’autres objectifs emblématiques de la CCC a été durement jugée : « Limiter les effets néfastes du transport aérien » a obtenu 2,8 de moyenne, ou l’introduction dans le droit d’un délit « d’écocide », amoindri par rapport à la proposition de la Convention, avec une note de 2,7. Les membres de la Convention doivent encore voter pour répondre dans l’après-midi à quatre questions plus générales, tirant le bilan global de l’exercice.
Des ambitions revues à la baisse
Emmanuel Macron avait décidé de créer la CCC au sortir de la crise des Gilets jaunes, née d’une taxe carbone sur les carburants perçue comme injuste. Sa mission : proposer des mesures permettant de « diminuer d’au moins 40 % (par rapport à 1990) les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale ». Démarrée en octobre 2019, la CCC a remis en juin, au terme d’un calendrier bouleversé par le Covid-19, 149 propositions au président de la République, qui en a rejeté 3 et s’était engagé à transmettre les autres « sans filtre ».
Certaines ont trouvé place dans le plan de relance ou le budget, d’autres dans des décrets et une quarantaine dans le projet de loi climat et résilience, qui sera débattu à l’Assemblée fin mars. Le gouvernement comptabilise 75 mesures mises en œuvre et 71 en voie de l’être. Mais les militants écolos pointent du doigt les mesures écartées et des ambitions revues à la baisse pour beaucoup d’autres. Et le Haut-Conseil pour le climat critique le plan de relance, celui sur la rénovation énergétique des bâtiments et enfin la loi climat.
« Il y a beaucoup trop de rouge et de jaune » dans les tableaux présentés par l’organisation aux citoyens sur le devenir de leurs propositions, estimait un membre, en référence aux couleurs désignant des mesures pas appliquées ou modifiées. Pour une autre, Brigitte, « nos mesures sont devenues des mesurettes ». Beaucoup ont regretté l’influence des « lobbys », notamment économiques, pour faire retoquer ou amoindrir certaines propositions.
Continuer le combat
Les « citoyens » sont appelés à voter, sur une échelle de 0 à 10, sur la prise en compte de 47 « objectifs » et des 6 grands thèmes sur lesquels ils ont travaillé (consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et gouvernance), puis dans l’après-midi à répondre – toujours par vote – à quatre questions plus générales, tirant le bilan de l’exercice. « Quelle est votre appréciation de la prise en compte par le gouvernement des propositions de la Convention ? » En quoi les mesures du gouvernement « permettent de s’approcher de l’objectif de diminuer d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale » ? « Dans quelle mesure la CCC a été utile à la lutte contre le changement climatique en France ? » Les Conventions citoyennes peuvent-elles « améliorer la vie démocratique de notre pays » ?
Les députés débattront des 69 articles du Projet de loi Climat et résilience, en procédure accélérée, à partir du 29 mars en séance plénière.
Une assemblée citoyenne mondiale va poursuivre le travail de la convention française. Un des enjeux de la convention était l’amélioration de la vie démocratique en France, et, de ce point de vue, le bilan est positif. Elle a fait la preuve que des citoyens tirés au sort, venus d’horizons variés, et représentatifs d’une grande partie de la société française, peuvent parvenir à un consensus, afin d’imaginer des solutions à un problème que les politiques ne parviennent pas à résoudre.
Une quinzaine d’anciens membres de la convention citoyenne sont candidats aux scrutins des 20 et 27 juin. » On a vécu dix-huit mois passionnants, où on a élaboré nos propositions, travaillé avec des ministères, des parlementaires, des associations. Je me suis dit qu’il fallait maintenant essayer de changer les choses concrètement, mettre les mains dans le cambouis, même si ce n’est pas ce que j’imaginais faire à 30 ans » , raconte Grégoire Fraty.
extrait du Monde daté du 12 juin