Depuis Marseille, les élus locaux s’en prennent à « l’ultra-concentration parisienne »
Démonstration de force des associations d’élus locaux le 26 septembre à Marseille: à la veille de son Congrès, Régions de France (ARF) avait invité les association des maires (AMF) et des départements de France (ADF) à venir dire tout le mal qu’elles pensaient de la « recentralisation rampante ». L’occasion pour le trio associatif d’élus d’assurer qu’il restera uni face aux projets de réforme de la fiscalité locale avancé par l’exécutif, et de produire un « Appel de Marseille pour les libertés locales » signé par quelque 1 200 élus locaux.
C’est dans un show politique millimétré, entrecoupé de vidéos tout autant calibrées d’élus témoignant de la « recentralisation rampante », que les ténors locaux et les principaux responsables des trois associations d’élus s’en sont donné à cœur-joie contre l’Etat et l’exécutif Macronien le 26 septembre à Marseille. L’hôte du Congrès et président de la Région Sud (ex-Paca) avait ouvert les hostilités au Palais du Pharo, niché sur les hauteurs de « Marseille la frondeuse » selon l’expression de Renaud Muselier. « Qui aurait dit il y a deux ans que nous tiendrions un meeting commun main dans la mains ? c’est un exploit à mettre au crédit du président de la République ! » a ensuite ironisé le président (PS) du Conseil départemental de l’Aude, André Viola, à l’adresse de son alter-ego (UDI) de Côte-d’Or, François Sauvadet.
Près de trois heures d’un meeting donc, dont le point d’orgue aura été la lecture de « l’Appel de Marseille » pour les libertés locales » pour lequel avait été enrôlé un homme de scènes, Dominique Bluzet, directeur des Théâtres du Gymnase et du Grand Théâtre de Provence. Fustigeant « l’ultra-domination parisienne et un Etat thrombosé », cet appel, signé de la totalité du bureau de l’AMF, 96 départements et la « quasi-totalité des régions », proclame que « l’avenir de la France ne peut se résumer à quelques métropoles » et que « la réforme constitutionnelle doit nous remettre sur le chemin de la république décentralisée ». Président de Régions de France, Hervé Morin a réclamé « des politiques permettant la différenciation. Que le gouvernement accepte des expérimentations ! » L’occasion pour les trois associations d’annoncer la naissance d’une association mère, « Les territoires unis ».
Les contrats financiers ne passent toujours pas
Dans le viseur des élus, les contrats financiers limitant leurs dépenses de fonctionnement. Au-delà du principe – « une règle absurde confondant dépenses de fonctionnement et subventions que nous distribuons aux petites collectivités » selon Renaud Muselier -, c’est aussi la mise en œuvre qui hérisse.« Le préfet m’a dit “voilà ce que vous aurez droit de dépenser” ; ce n’est pas un contrat c’est une mise sous tutelle ! », a tonné François Sauvadet. A l’image du président de la Côte-d’Or, nombreux sont les élus des grandes collectivités à avoir refusé de signer, soit qu’ils attendent a minima un vote en ce sens de leur assemblée délibérante comme en Région Sud, soit que le non soit définitif et l’occasion d’un langage fleuri : « Qu’on envoie 20 % des fonctionnaires parisiens dans nos départements auprès des préfets pour nous aider au lieu de nous emmerder ! », lançait le président de l’ADF, Dominique Bussereau, avant de cingler un Etat où « les Précieuses ridicules sont revenues aux affaires ».
François Baroin préférait lui faire référence à Coluche pour illustrer le retour aux affaires -locales- des préfets, comme un goût d’avant les lois de décentralisation de 1982 : « “Chassez le naturiste, il revient au bungalow !” Le problème est là ; c’est la non-acceptation de la décentralisation », a déploré le patron de l’AMF « Le Sénat était favorable au principe de la contractualisation, mais voulait travail partenarial, pas signature sous contrainte. Les maires ne sont pas les chefs de bureau de la préfecture », a appuyé le président du Sénat, Gérard Larcher, déjà très offensif il y a trois semaines.
La CNT n’a définitivement plus la cote
Autre cible des élus : le format et les règles de fonctionnement de la Conférence nationale des territoires, dont la dernière édition a été boycottée par les trois associations d’élus comme, peut-être la prochaine, annoncée par Edouard Philippe le 15 octobre. « Chambre d’enregistrement où les élus viennent prendre leurs consignes » pour Renaud Muselier, ou écouter des « cours professoraux » selon Dominique Bussereau, la CNT n’a plus la cote et « il faut désormais inventer outil efficace du dialogue et de la négociation » exige l’appel de Marseille. A cela s’ajoute la demande du président de l’ADF d’un ministre au portefeuille clairement dédié aux collectivités – « nous n’avons pas un interlocuteur unique et crédible au Gouvernement » – alors que Jacques Mézard n’est « que » ministre de la Cohésion des territoires et que Jacqueline Gourault est une ministre, certes chargée de multiples dossiers en liens avec les territoires – avenir de la Corse, Alsace, statut de l’élu – mais sans portefeuille dédié.
Plus largement, c’est un climat global qui a été dénoncé par les élus : « La France ne peut se transformer qu’à partir de ses territoires, qui souffrent d’une recentralisation rampante », a reproché la patronne du département des Bouches-du-Rhône et toute nouvelle présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence, Martine Vassal. « On ne s’attaque plus seulement à nos moyens, mais aussi à nos libertés !, a appuyé le vice-président de l’AMF, André Laignel. Au fur mesure qu’on supprime des compétences, des crédits, reste l’impression qu’il ne restera plus pour nous que l’écharpe et les mariages ! »
Front uni face à la réforme fiscale
Martine Vassal l’a assuré : « l’Appel de Marseille n’est pas un appel révolutionnaire, c’est l’appel des élus du terrain ». Se défendant de ne constituer que des « syndicats d’élus », François Baroin a justifié tant l’appel que la constitution en super-association : « Notre responsabilité est de nous réorganiser et de prendre l’opinion publique à témoin. Le chemin d’un dialogue est toujours possible mais pas aux conditions imposées », a-t-il prévenu.
L’occasion pour le maire de Troyes d’assurer que l’Etat n’arrivera pas à enfoncer un coin entre les trois grandes associations d’élus à l’occasion de la réforme de la fiscalité locale qui doit rebattre les cartes entre strates de collectivités : « Nous [élus de l’AMF] n’irons pas en tête de gondole porter la parole pour récupérer le foncier bâti et le foncier non bâti en lieu et place de la taxe d’habitation », hypothèse privilégiée par l’exécutif mais qui fait enrager les départements. Et si d’aventure le dialogue n’était pas rétabli, le patron de l’AMF promet ni plus ni moins qu’un risque de scission du pays : « Si on n’arrive pas à se faire entendre, nous allons devant des demandes d’un pays fédéral »
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