Des villages se mobilisent pour entretenir leur église

Les Lotois manifestent un fort attachement pour leurs églises. Ils sont prêts à apporter leur aide de diverses

Si les Français ne vont plus à la messe, cela ne veut pas dire qu’ils ne vont plus dans les églises ! Leur visite, même de celles qui ne sont pas inscrites à l’Inventaire des Monuments Historiques, est une des pratiques culturelles les plus répandues dans notre pays et l’une des moins discriminatoires socialement. D’autant que leur visite est gratuite. La sensibilité pour le patrimoine dépasse donc le nombre des pratiquants. Il n’y a pas de frontière étanche entre visiteurs et fidèles. Il faut séparer cette question de l’attachement à celle de la pratique. Dans bien des communes, l’église est le bâtiment le plus ancien, le plus remarquable. Depuis les années 1960, face à une certaine désaffection religieuse, le clocher est devenu, pour de nombreux villages, un repère symbolique que les communautés s’attachent à sauvegarder.

« Si chaque église reste un lieu de prière et de mémoire, tous les gens tiennent beaucoup à leur clocher » souligne l’évêque de Cahors, Mgr Laurent Camiade, dont le diocèse comprend quelque 600 églises et chapelles réparties sur le territoire du Lot. Dont quelques-unes sont désaffectées ou en mauvais état.

L’idée qu’on puisse fermer l’église pour cause de défectuosité trouble au-delà du cercle des pratiquants même occasionnels. Cela parait une perte pour tous. Mais comment faire pour subvenir à d’importants travaux de réparation ? Faut-il abandonner nos églises ? C’est la question, un brin provocatrice que se posent certains curés et certains maires ruraux. Pour les petites municipalités, le budget d’entretien d’une église est trop lourd surtout quand elles sont privées d’aides publiques : la majorité d’entre elles se trouvent face à un tel gouffre financier pour leur budget qu’elles se posent la question. Comment payer la nouvelle charpente pour remettre à neuf le toit de l’église ? Dans beaucoup de bourgs, la commune s’épuise à accomplir ce que ni la Poste, ni l’Éducation Nationale n’ont accepté de faire : maintenir une présence qui ressemble souvent à une vitrine vide.

Sous le vieux clocher qui ne sonne plus l’Angélus, il n’y a pas grand-chose : un ou deux mariages par an, plus souvent un enterrement, rarement ou plus du tout, l’eucharistie. « Cela fait quelques années que la dame qui avait la clé de l’église est morte ». Depuis, la clé se trouve à la mairie. L’église étant souvent le dernier rempart contre la rupture du lien social, comment faire pour que le curé survive à l’épicier, à l’instituteur, au boulanger et au postier ? Comment faire pour que le lieu de culte soit sauvegardé et remis en valeur même si l’édifice ne connaît aucun problème matériel majeur ? C’est le défi auquel s’est attaqué un groupe d’habitants de la commune de Ginouillac, sur l’initiative d’Étienne Leboucher afin « de redonner toute sa place à léglise du village ». La majorité des habitants veulent se battre pour défendre pareille cause. Des solutions sont possibles. Rencontre avec le maire de Ginouillac, Alain Crouzet et Étienne Leboucher, président de l’Association « Autour du clocher de Ginouillac » qui ne sont pas prêts à abandonner leur église.

 

Monsieur le maire, présentez-nous votre village

Alain Crouzet : Essentiellement rural, le village était actif, jusque dans les années 60, avec de nombreux artisans et commerçants : épicier, menuisier, charron, sabotier, forgeron, maçon, tailleur, restaurant, café. Mais de 1880 à 2010, la population est passée de 577 habitants à 180. Tous ces acteurs de la vie locale ont aujourd’hui disparu. Le dynamisme actuel vient du centre de rééducation de Montfaucon tout proche, qui emploie quelque 200 personnes.

 

Vous êtes Quercynois et vous portez un intérêt particulier à votre patrimoine donc à votre église ?

Étienne Leboucher : Je suis né en Normandie mais j’habite le village depuis longtemps. Je trouve dommage que ce monument dédié à saint Étienne s’endorme doucement. Aussi, au-delà des considérations religieuses, avec des voisins, nous souhaitions le réveiller. J’ai ressenti ce désir des habitants de redonner plus de vie au bourg. Et c’est l’église, édifice central de la commune, qui en a été le vecteur. L’église mérite bien qu’on s’occupe d’elle ! Je n’aurai jamais cru que le maire accepte avec autant de spontanéité cette idée qui au départ, ne venait que de quelques personnes. Concrètement, la première étape choisie est de refaire sonner les cloches de l’église que l’on n’entend plus depuis 25 ans ! Pour cela, il faudra trouver un budget en conséquence. Voilà pourquoi nous avons commencé par créer une association loi 1901, il y a un mois.

 

Comment allez-vous vous y prendre ?

E. L. : En nous inspirant des initiatives des villages alentour (Soucirac, Saint-Projet, Séniergues, Le Vigan) qui nous ont devancés en créant des associations pour sauver leur église. En organisant des animations culturelles dans l’édifice : concerts, récitals, chorales. Pourquoi ne pas créer un réseau culturel intercommunal qui regrouperait ces diverses actions sur un territoire restreint et programmer dans la concertation ? En participant aussi d’une manière active aux Journées Nationales du Patrimoine, ce qui permettra de mieux faire connaître les richesses de la commune : comme la Pietà du XVIe siècle, classée monument historique, présente dans l’église ou le Château (ISMH). En animant, encore, autour de l’église sur le vaste parvis disponible, un ou plusieurs vide-greniers. Et bien sûr, en lançant un appel aux donateurs.

 

Est-ce que vous ressentez de la solidarité dans le bourg pour pareille cause ?

A. C. : Je n’ai reçu aucune objection de la part des habitants face à cette initiative concernant l’église. Le Conseil municipal s’est montré lui aussi, favorable au projet. Des bénévoles se sont rapidement manifestés, prêts à participer à de menus travaux d’entretien et à l’organisation d’éventuelles animations, alors que la population est majoritairement une population d’actifs. Je tiens à souligner aussi, que tous les membres de l’association résident dans la commune. Dès la seconde réunion, 10 % des habitants étaient présents et sont donc, aujourd’hui, très motivés.

Propos recueillis par

A Décup La Vie Quercynoise