Ecole: Eviter les inégalités, sociales entre les élèves.
Depuis deux semaines, élèves, professeurs et parents d’élèves ont vu leurs méthodes d’enseignement et d’apprentissage bouleversées par le confinement. Alors que celui-ci vient d’être prolongé le Directeur académique des services de l’Education Nationale du Lot, Xavier Papillon, reste confiant.
Quels sont vos conseils aux professeurs, élèves et parents d’élèves à l’aube de la troisième semaine de confinement ?
Je vais dire des choses classiques : il faut équilibrer le travail scolaire avec des activités physiques et de loisirs. Mais la réalité, elle se joue au niveau des écoles, des collèges et des lycées. Je ne peux que constater le travail formidable conduit par les professeurs. Ils doivent être remerciés pour leur engagement. Ce sont eux les garants, eux qui gardent le lien avec les élèves et les familles.
Avec le confinement, on a vu se creuser les inégalités, sociales notamment, entre les élèves. Que faire pour y remédier ?
Effectivement, il y a un gros risque, si on n’est pas attentif à cette situation. Les consignes aux établissements vont en ce sens : apporter une attention renforcée aux élèves qui seraient dans des contextes où ils n’auraient pas d’équipements numériques ou qui seraient dans des zones blanches. Il y a un renforcement des communications avec ces élèves ou avec ceux qui étaient déjà en difficulté scolaire. Pour ce qui est de la fracture numérique, un dispositif est déjà bien établi dans le Lot : celui des poches aux devoirs. Les écoles mettent à disposition ces poches que les parents peuvent venir récupérer et ramener chez eux avec une attestation du chef d’établissement. Plusieurs collèges ruraux procèdent de cette manière.
Les professeurs aussi souffrent de cette fracture numérique. Beaucoup n’ont pas les moyens techniques de faire cours par visioconférence comme il est recommandé…
Les consignes sont : beaucoup de souplesse et de bienveillance vis-à-vis de tous, et en particulier des enseignants. Compte tenu d’une situation quasi imprévisible, les dispositions prises par les professeurs pour accompagner les élèves sont tout à fait remarquables. Si cela ne marche par visioconférence, les ENT, les messageries électroniques peuvent être utilisés. Il n’y a pas de modèle idéal.
« ces élèves qui passent entre les mailles du système »
L’absentéisme a également augmenté chez les élèves…
Les premières semaines étaient le temps du lancement de la continuité pédagogique. Aujourd’hui, les choses sont lancées, les problématiques informatiques stabilisées. S’ouvre désormais le temps de l’attention qu’on va porter à ces élèves qui passent entre les mailles du système. Cela doit devenir une priorité pour la semaine à venir. L’idée c’est de ne pas laisser les professeurs et les chefs d’établissement seuls face à cela. La DSDEN va prendre le relais.
Quelle suite envisager, notamment pour les classes à examen ?
Le ministre doit intervenir sur ce sujet en fin de semaine. Le but est qu’il n’y ait pas de désagréments pour les élèves et pour les familles. Il y aura sans doute un renforcement du dispositif de soutien scolaire pour aider les élèves qui auront pris du retard une fois que nous serons revenus dans une situation plus normale. L’objectif est de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Pensez-vous que vous étiez préparés à une telle situation ?
C’est une situation inédite, inattendue. On s’appuie sur des éléments qui existaient déjà, notamment au premier degré avec l’appui des circonscriptions aux écoles et aux professeurs. Je pense que, suite à ces évènements, on discutera encore plus de l’intérêt d’avoir un ENT départemental. Pour le second degré, on a vu tout l’intérêt de disposer de ressources numériques. Le Cned et Canopé, les deux services de scolarisation à distance, ont montré une très belle réactivité. On peut sortir par le haut de cette crise, il faut rester positif.
La question de l’accompagnement scolaire des enfants est-elle un facteur d’aggravation des inégalités ?
C’est là un point très important. Effectivement, les parents sont très inégaux dans leurs capacités à aider les enfants dans leurs apprentissages. Dans une note publiée par l’Insee en 2004, on voyait que si les femmes les moins diplômées sont celles qui y consacrent le plus de temps, elles se sentent souvent peu compétentes : dès le primaire, plus de la moitié des mères sans diplôme ou avec le seul certificat d’études, se sentent perdues face aux apprentissages de leurs enfants, alors que les femmes diplômées du supérieur ne sont que 5 % dans ce cas. Quand l’enfant est au lycée, la quasi-totalité des mères sans diplôme s’avouent dépassées, contre seulement la moitié de celles diplômées du supérieur. Cela vaut pour les pères. On peut craindre que cela induise des inégalités très importantes à la reprise des cours.
Accompagner les enfants dans leurs apprentissages, télétravailler, effectuer des démarches à distance… Tout cela demande aujourd’hui d’être à l’aise avec le numérique. N’y a-t-il pas là également une inégalité fondamentale ?
Le Monde daté du 2-4
Très bon article, grand merci