Évolution du climat dans le Lot : pourquoi y a-t-il urgence à agir et comment ?
À Prayssac, Alain Grandjean, Guillaume Martin et Benoit Meyssignac trois personnalités du monde scientifique ont souligné les causes et les conséquences du changement climatique en cours, en appelant à revoir nos modes de consommation.
C’est bien parce que l’un de ces trois scientifiques possède un pied à terre dans le Lot, que Prayssac a pu proposer le 20 janvier 2023, une conférence portant sur « Les causes et les conséquences du changement climatique en cours », à faire pâlir d’envie des centres universitaires. Les Lotois ne s’y sont pas trompés, bravant les rigueurs de l’hiver pour se retrouver à plus de 300, en la salle Maurice Faure. Répondant à l’invitation conjointe de l’association Carrefour des Sciences et des Arts et de la librairie Racines de Prayssac, Alain Grandjean, économiste, membre du Haut conseil pour le Climat, Guillaume Martin, agronome, chercheur à INRAE (Institut national de la recherche agronomique) et Benoit Meyssignac, climatologue, chercheur au CNES, auteur du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), se sont évertués à rendre palpables des données scientifiques, trop souvent inaccessibles pour le grand public.
Les effets du changement climatiques sur le terrain
La France et singulièrement le Lot, sont soumis aux aléas du changement climatique, dont les effets sont déjà vérifiables sur le terrain agricole notamment, affectant de manière spectaculaire diverses productions, de la vigne à la truffe, en passant par les cultures céréalières et maraîchères. La fonte des calottes polaires, au nord et au sud, provoque des répercussions directes sur le climat. Et même si la situation ne présente pas de gravité immédiate en apparence, il sera rappelé tout au long des interventions des trois conférenciers, que les conséquences de la dérèglementation climatique vont peser lourd sur l’avenir des générations futures. La fonte des calottes glaciaires se poursuivant jusqu’à son terme, générerait une hausse du niveau de la mer de l’ordre de 64 mètres… C’est dire combien serait affecté le littoral de la France et celui de la totalité des autres pays de la planète, baignant leurs frontières terrestres dans les mers ou les océans. D’où, l’importance de mettre tout en œuvre pour rester en dessous de ces fameux 2 degrés de hausse des températures, dont on parle tant depuis plusieurs années ; une sorte de marqueur à ne pas atteindre, « sous peine d’enclencher des mouvements irréversibles » a-t-il été plusieurs fois affirmé…
Réduire les émissions de gaz à effet de serre
« Non seulement il faut stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, mais il faut tout mettre en œuvre pour les diminuer ! » scande Guillaume Martin. Il reste possible d’y parvenir, dans la mesure où lors de la crise financière de 1998 en Russie provoquant un choc économique et plus proche de nous durant la période de la pandémie de Covid entraînant un ralentissement général de l’activité économique, les réductions d’émissions des gaz à effet de serre ont été réelles selon les données enregistrées, faisant la joie de la communauté scientifique. Cependant ces « bons résultats pour la planète » ont été de courte durée, car la sortie de crise et la fin de la pandémie ont réorienté les courbes à la hausse. À présent, au niveau de la planète, la hausse de la température s’affiche à 1,2 degré avec des îlots de chaleur préoccupants dans les centres urbains. Par ailleurs, il est constaté un élargissement des zones désertiques.
S’agissant de la pluviométrie, il est observé des hausses de précipitations sur des périodes courtes et de plus en plus souvent dans des proportions extrêmes. L’augmentation du nombre de sécheresses en matière agricole, dans le sud de la France, comme dans le Lot, se traduit par un recul des rendements en orge et en blé. « Des événements de chaleur, avec des températures de l’ordre de 41° – 42°, jusqu’ici rares, deviennent de plus en plus fréquents, idem en matière de précipitations » relève encore Guillaume Martin.
Chaque année passée compte…
« Chaque fois que nous brûlons un litre d’essence, il y a une conséquence sur l’environnement, d’où la question de savoir s’adapter et de gérer les risques » poursuit Guillaume Martin. Selon les rapports du Giec*, la situation actuelle nous positionne autour d’une hausse des températures, oscillant autour de 1,5 degré. Ainsi, chaque année passée compte et chaque choix de consommation doit être raisonné, dès lors que son incidence a un effet sur l’émission de gaz à effet de serre.
L’agriculture se retrouve en première ligne face à l’évolution du changement climatique. Tant il est tangible que les effets sont directs, les experts scientifiques observent une baisse des rendements. « Depuis les années 2000, nous assistons à une stagnation des rendements des productions agricoles, en raison d’une restriction des précipitations et à cause de la hausse des températures » précise Benoit Meyssignac. Alors que ces rendements s’affichent à la baisse dans le sud de la France, ils auraient tendance à augmenter au nord…Vidéos : en ce moment sur Actu
En 2022, de nombreux agriculteurs de la partie sud de la France, ont eu à faire face à des gels de printemps, à la canicule, puis à une longue période de sécheresse estivale et à nouveau à une canicule. Ont souffert de cette situation, la vigne, les arbres et même les prairies. Ce contexte général pourrait donner lieu à l’arrivée de nouveaux prédateurs pour les cultures. La date des vendanges n’a cessé d’être avancée ces dernières années, passant de la mi-octobre pour certains vins à la mi-septembre. En outre, la hausse de l’alcool dans les vins et une baisse de l’acidité, ont fait passer nombre de vins de 12 à 15 degrés. Cette année des vignes ont été plantées en Bretagne et dans le sud de l’Angleterre… Sur le Quercy blanc, on peut s’attendre à des étés de plus en plus secs et longs avec des récoltes de plus en plus précoces. Autre effet de ce changement climatique, un réveil de plus en plus hâtif de la végétation au printemps.
Un avantage : connaître la situation
Autre message fort passé par les intervenants : l’avantage que présente pour nous, le fait de connaître les causes du changement climatique, d’où notre capacité à pouvoir infléchir le cours des choses. « Nous connaissons les causes de ce changement climatique, lié à la consommation d’essence, de fioul, de charbon, de méthane… » s’exclame Alain Grandjean, donc nous devons « tout faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, concrètement dans nos vies ». Ceci doit se traduire par une baisse de notre consommation, qui passe notamment par une réduction de la vitesse lors des déplacements en voiture, par une pratique accrue du covoiturage, par une augmentation du recours aux transports en commun. Il convient de s’organiser pour diminuer le nombre de nos déplacements et opter pour des mobilités douces. « Pour les voitures électriques de taille moyenne, on est sûr que c’est mieux que la voiture thermique ! » assure Alain Grandjean.
Chacun de nous doit faire des choix
« Chacun de nous peut réduire de l’ordre de 25 % les émissions de gaz à effet de serre, dont il est responsable, en faisant des choix » ajoute Alain Grandjean. Il appelle aussi les collectivités publiques à prendre en compte les données mises à disposition par la science, pour leurs projets et leur impact sur l’environnement. En matière de consommation alimentaire, Alain Grandjean invite à réduire la part des protéines animales au profit des protéines d’origine végétales. Le consommateur doit revoir ses modes de consommation à l’aune des considérations écologiques. « Nous déplorons qu’aujourd’hui des agriculteurs bio se retrouvent en difficultés financières car ils n’arrivent pas à écouler leur production » regrette-t-il. Les pois chiches perdent de la valeur, faute de consommateurs…
Réduire l’émission de CO2
Chacun de nous produit en moyenne 10 tonnes de C02 par an, il faudrait descendre à moins de 2 tonnes ! C’est dire s’il y a une grande marge de manœuvre dans les efforts à consentir, pour relever le défi. « 10 % de la population mondiale génère 50 % de gaz à effet de serre et ces 10 % ce sont les populations des pays occidentaux ! » soutiennent les trois scientifiques. Il s’agit bien de nous-mêmes, dont il est question et pas « des autres », vivant en Afrique ou au Japon !
Autres grands acteurs sur ce terrain de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, appelés à jouer un rôle déterminant, ce sont les entreprises, qui doivent plus que jamais évoluer vers des produits et services les moins polluants possible. La population mondiale atteint de nos jours les 8 milliards d’individus ; les gestes envers la planète se doivent évidemment d’être universels. Le Grenelle de l’environnement (2007) a ouvert des voies inscrites dans la loi, qui doivent être confortées et élargies. « Il ne faut pas désespérer, même si on est loin du compte ! » estiment de concert les trois intervenants.
Le climat a changé de manière irréversible… « Les stations de sport d’hiver en basse altitude n’ont plus d’avenir ! » lâche Alain Grandjean en insistant sur la nécessité de s’adapter aux évolutions. Dès lors que des sites se retrouvent exposés à des pluies diluviennes, il importe de prendre les devants en tenant compte des risques encourus pour les populations. Sur le terrain agricole, il s’agit de prendre des décisions qui soient en cohérence avec l’évolution climatique. « Chacun à sa part à prendre, chacun à le pouvoir de changer le cours des choses ! » termine Alain Grandjean.
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