Faut-il réformer la chasse?

 

À Cahors, 300 personnes marchent en mémoire de Morgan Keane, ils demandent aux élus, de signer pour une réforme de la chasse. Une rencontre avec Bérangère Abba, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité, est prévue le 1er février à Paris.

Venus du Lot, de départements voisins, toutes générations confondues, ils ne faisaient qu’un dans le calme et la dignité. Quelque 300 personnes ont défilé ce samedi après-midi à Cahors en mémoire de Morgan Keane, mort en décembre, atteint par un tir de chasse.

Il aurait eu 26 ans ce dimanche, Peggy membre du collectif unjourunchasseur tenait à le rappeler, invitant chacun à fêter cet anniversaire à sa manière. Une marche blanche à l’initiative des collectifs unjourunchasseur et Vivre Sereinement dans nos Campagnes était organisée dans un esprit différent de la première, qui avait eu lieu le 5 décembre à Cajarc, rassemblant 900 personnes.

« Pour que ce qui s’est passé ne se reproduise plus »

Ce samedi, rendez-vous était donné à 14 heures, place François-Mitterrand, à Cahors, avec une première prise de parole. « Unjourunchasseur, nous avons une tribune sur notre page Facebook. Il y a plusieurs liens. Sur l’un d’entre eux, nous invitons les élus, les maires à venir signer pour une réforme de la chasse. Pour que ce qui s’est passé ne se produise plus », indique Peggy. Zoé à son tour formule des questions. Elles ont été envoyées à la fédération de la chasse. Parmi elles, quels systèmes de formation et de contrôle devraient être revus afin d’assurer l’aptitude d’une personne à chasser. En France, on peut passer son permis à 16 ans et le garder à vie sans contrôle.

Invitation est donnée à remonter le boulevard, descendre jusqu’à la fontaine et se retrouver pour d’autres prises de paroles, place Mitterrand. « Des chasseurs en France se déplacent avec des armes de guerre, ce n’est pas le cas dans d’autres pays. Nous ne sommes plus dans le cliché du petit papy qui part à la chasse avec sa pétoire. En France, il y a officiellement 15 millions d’armes » déclare Claude.

Rencontre avec Bérangère Abba

« Le 1er février, nous avons rendez-vous à Paris avec Bérangère Abba pour évoquer bien des questions. Nous allons durant la semaine préparer nos éléments de langage. C’est un premier pas pour engager une réforme », indique Peggy. Un habitant de Lalbenque demande la permission de chanter une chanson sur la chasse. C’est accordé. « Je l’ai écrite en 1988, des chasseurs avaient tué mon chat. À l’époque j’étais plus virulent qu’aujourd’hui », explique-t-il. Sa chanson est un poil à gratter. Il est chaleureusement applaudi. « Dans notre collectif, il y a plusieurs convictions par rapport aux chasseurs. Ce qui importe aujourd’hui c’est l’aspect sécuritaire, nous y veillons », conclut Peggy en remerciant tout le monde.

Marielle Merly La Dépêche

La réforme de la chasse

La gestion de la chasse doit faire face à plusieurs défis : maîtrise des populations de grand gibier génératrice de dégâts, lutte contre l’érosion de la biodiversité et la dégradation des habitats, partage de la nature, maintien du rôle de sentinelle sanitaire sur la faune sauvage et amélioration de la prise en compte du bien-être des animaux. Pour répondre à ces défis, le Président de la République a souhaité conduire une réforme de la chasse pour moderniser son organisation et améliorer la protection de la biodiversité. Les grandes mesures de la réforme ont été annoncées fin août 2018, après plusieurs mois de concertation avec l’ensemble des parties prenantes : représentants des chasseurs, associations environnementales, acteurs ruraux, élus, parlementaires et syndicats. Cette réforme s’inscrit dans la continuité du Plan biodiversité présenté par le Gouvernement le 4 juillet 2018.

Ministère de la Transition écologique En savoir plus

« Il faut créer des espaces de discussion » selon Jean Viard, directeur de recherche associé au Cevipof/CNRS

Pourquoi tant de crispations autour de la chasse ?

Plusieurs voix s’élèvent aujourd’hui pour un nouveau rapport à la vie et aux animaux. Avant le droit de chasse était réservé aux seigneurs. Il s’est démocratisé après la Révolution française. En Belgique, on ne chasse que sur des terrains privés. Les nouvelles idées autour du bien être animal appuyées par le discours Vegan et antispécistes, même si ce mouvement est minoritaire, marquent l’opinion. Tous ces gens véhiculent l’idée selon laquelle l’homme n’est pas supérieur aux animaux.

En France, la population de la campagne change…

Il y a 50 ans, dans les campagnes, les groupes locaux étaient majoritaires. Aujourd’hui, de nouveaux habitants arrivent et ils deviennent beaucoup plus nombreux que les autochtones. Les « majoritaires » importent une sorte de culture urbaine dans la nature et les conflits culturels éclatent. L’exemple est la chasse à courre qui apparaît aujourd’hui comme une subsistance d’une certaine aristocratie.

Comment faire cohabiter ces nouvelles populations autour de la chasse ?

Ces deux visions s’affrontent et personne ne tente de les faire cohabiter. Il doit y avoir des espaces politiques de discussion entre les différents usages. Les nouveaux arrivants dans les campagnes veulent un autre mode de vie. Aujourd’hui, il y a un problème de négociations sur le respect des règles et sur la chasse de certains oiseaux. Il faut apprendre à vivre ensemble et ce sont les maires qui doivent réguler et ouvrir les espaces de discussion pour faire cohabiter l’ensemble de ces intérêts. Le problème c’est que chacun veut avoir raison sur tout. Aux tensions sur la chasse s’ajoute le problème de la chimie, du glyphosate et des désherbants. Il y a des conflits d’appropriation dans les campagnes liés au changement de population. Et ces conflits doivent être traités.

F. Ab La Dépêche