Gramat: Préservons nos réservoirs sous-terrains en eau potable
« Si l’on veut préserver nos réservoirs sous-terrains en eau potable, il nous faut éviter toutes activités polluantes
en surface ! » déclare André Tarrisse, hydrogéologue.
André Tarrisse a une longue carrière d’hydrogéologue derrière lui. À la lumière de ses connaissances et de son expérience, il répond à nos questions, en écho au débat qui n’est pas clos, concernant les programmes d’épandange du digestat issu des unités de méthanisation.
Qu’est-ce qui explique que le sol lotois vous apparaisse si fragile au regard de certaines activités, telles l’épandage du digestat notamment ?
Le département du Lot se caractérise par la nature karstique de son sol. Les calcaires du Lot sont restés émergés durant 80 millions d’années, subissant au cours du temps, diverses opérations de dissolution, que l’on appelle des karstifications. Je rappelle que le terme de karst désigne originellement une province de Slovénie, où des paysages se développent, essentiellement sur des bases calcaires.
Il faudrait donc éviter toute activité sous prétexte qu’il y a des risques de pollution ?
Il n’est pas question de créer des réserves d’Indiens sur toutes les surfaces karstiques. Cependant, se pose le problème de la nature des activités menées en surface. Il importe que ces activités se développent en tenant compte du respect des réservoirs souterrains. Il s’agit de ne pas souiller les sous-sols. Évidemment les pluies lessivent les sols et font descendre ce qui va petit à petit atteindre le sous-terrain. Tout l’enjeu est d’éviter des contaminations, aux conséquences qui pourraient être dramatiques !
« Pour diminuer les risques de contamination, évitons tout risque de pollution »
Pour autant, des efforts ont été faits et se poursuivent encore ?
Oui, soulignons tous les progrès accomplis au cours des dernières décennies en matière d’assainissement. Même s’il reste encore beaucoup à faire, au niveau des bourgs. Les assainissements ont été menés à bien également avec différentes filières qui ont évolué au cours du temps. Ainsi ont été créées des stations d’épuration (dotées progressivement d’un traitement tertiaire de manière à préserver le mieux possible les réservoirs souterrains). Des villages ont installé des filières de roseaux.
Toutes les opérations de salubrité menées en matière d’assainissement au niveau des agglomérations et concernant différentes filières ont évolué positivement au cours du temps.
Au niveau du traitement des déchets ménagers, il y a eu une nette amélioration de la situation. Il n’y a pas si longtemps, on trouvait encore des tas d’ordures disséminés un peu partout. Sont ensuite venues les décharges plus ou moins bien contrôlées. Et maintenant nous en sommes à la mise en place d’une filière de tri sélectif, ce qui est une très bonne nouvelle pour la protection de l’environnement. Celle-ci s’organise en prenant en compte une certaine limitation des transports, ce qui n’est pas négligeable à l’heure de la prise en compte du bilan carbone. Malheureusement on peut encore trouver en des lieux isolés des ordures de tous ordres qui baignent dans l’eau et c’est cette même eau qui va alimenter des captages d’eau potable…
Quel exemple d’action positive pouvez-vous citer en matière agricole dans le Lot ?
J’ai pu observer plusieurs actions positives menées au sein d’exploitations agricoles, notamment sur la commune de Le Bourg, près de Lacapelle-Marival. Ainsi en est-il de la pratique du compostage aéré. J’ai à l’esprit le travail mené par des agriculteurs respectueux de l’environnement qui pratiquent du compostage aéré dans des zones adaptées. Dans ce cas de figure, il s’agit de transformer un déchet, pas seulement en produit noble, mais de surcroît en produit hygiénisé.
J’insiste sur le fait qu’avec la matière organique, il convient d’être prudent, car s’il y a apport de substances nutritives, des bactéries se développent et vont se fixer sur les maigres argiles alors qu’il n’est pas assuré qu’il y aura de l’épuration en sous-sol. Car posons-nous la question : si l’on ancrasse la masse carbonatée même localement, comment fera-t-on pour la nettoyer ? J’insiste : pour diminuer les risques de contamination, il convient d’apporter des améliorations au niveau de la production et éviter tout risque de pollution en surface.
De quelle manière les Lotois sont-ils approvisionnés en eau potable ?
Une bonne partie de l’alimentation en eau potable du Lot se fait à partir de zones calcaires et non à partir des vallées. Ceci en raison du fait que dans la vallée, les eaux souterraines sont mal oxygénées lorsqu’on déverse de la matière organique et à ce moment-là, le fer et le manganèse se mettent en solution et s’ajoute l’eutrophisation.
Encore une fois pour le Lot, le problème c’est que nous n’avons pratiquement pas de sol. Lorsque vous circulez entre Cahors et Figeac, vous pouvez vous rendre compte à certains endroits où ont été opérées des tranchées, que les couches de sol sont extrêmement réduites. Alors que si vous vous déplacez en Bouriane, vous pouvez trouver des coins avec jusqu’à 20 mètres d’épaisseur. Et dans ce cas de figure on peut parler de sol. Or, la Bouriane est un cas à part mais elle est alimentée en eau potable par les eaux souterraines karstiques !
Que préconisez-vous pour améliorer la prise en compte des risques dans le département du Lot ?
À ma connaissance, il n’y a pas eu au niveau départemental une réflexion globale au sujet du traitement des déchets agricoles et agroalimentaires. Or, il est très important d’éviter d’envoyer de la matière organique, non hygienisée totalement (spores, bactéries, parasites, virus… ), dans les eaux souterraines. Certes, au niveau des stations de pompage, il y a une javellisation qui est opérée mais là aussi ce n’est pas la panacée en milieu karstique (Fontaine des Chartreux à Cahors mars 2017).
N’oublions pas non plus qu’il existe différentes formes de résistance. Il ne faut pas se le cacher. Pour conclure, j’ajouterai qu’il manque dans le Lot un schéma départemental de traitement des matières agricoles, tant au niveau de la production que de la transformation. Il faudrait que soient définies des filières de traitement des déchets adaptées à chaque région naturelle du Lot, car la situation peut être totalement différente d’un endroit à l’autre.
Propos recueillis par jeanclaude.bonnemere La Vie Quercynoise
Quelle méthanisation pour le Lot ? Conférence-débat à Livernon ce dimanche
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