Grand débat: les propositions des petites villes
Au lendemain du coup d’envoi du Grand débat National dans à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure, l’Association des Petites Villes de France (APVF) a mis sur la table une série de propositions visant à réduire la « fracture territoriale » et réclament un fonds de solidarité territoriale abondé par les métropoles. Pour ces élus des petites villes, tout l’enjeu consiste à peser dans le débat sans pour autant apparaître, aux yeux de nos concitoyens, comme des garants de ses résultats ou de son absence de résultats… surtout à un an des élections municipales.
« Lorsque vous regardez la carte des ronds-points, tenus par les gilets jaunes, vous avez peu ou prou la carte des petites villes de France » analyse le président de l’APVF, Christophe Bouillon, député (PS) de Seine-Maritime et maire honoraire de Canteleu, « car ce sont dans nos territoires, qui rassemblent près de 25 millions de personnes, que vous retrouvez les concitoyens qui prennent tous les jours la voiture pour aller travailler. Aussi, nous nous sommes immédiatement senti saisis par cet enjeu inédit qu’est la crise des Gilets jaunes ».
Maires- facilitateurs et maires force de propositions
Mais quel rôle exactement pour les maires des petites villes et les autres dans ce Grand débat national ? Aujourd’hui, « il n’existe aucun protocole » sur la manière d’opérer, reconnaît Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour. Si certains préfets ont déjà envoyé quelques missives pour proposer ici et là une organisation, dans la plupart des cas, l’implication des maires se fera « selon leurs sensibilités mais aussi leurs moyens » détaille le président délégué de l’association. La maison-mère l’Association des Maires de France (AMF), par la voix de l’un don premier vice-président, André Laignel, s’est montrée réticente à prendre part à l’organisation des débats. Mais à l’APVF, on revendique au contraire une implication à deux niveaux : sur le terrain mais aussi sur les idées.
« Pour nous, les maires du réseau peuvent être des ‘facilitateurs’ des débats afin de permettre leur bonne tenue, notamment d’un point de vue matériel et organisationnel. Certains maires ont déjà pris des initiatives dans ce sens, en organisant des rencontres dans leurs communes, d’autres ont ouvert des cahiers de doléances » détaille Pierre Jarlier. Au-delà de ce rôle opérationnel, l’APVF entend aussi peser dans le débat des idées en apportant sa propre contribution. « Le Président Macron a pointé quatre ‘fractures’ lors de son propos liminaire à Grand Bourgthouroulde : une fracture sociale, une fracture démocratique, une fracture économique et une fracture territoriale, détaille Christophe Bouillon. Sur cette dernière, on se sent légitimes car nous vivons cette fracture territoriale et cela fait plusieurs années que nous alertons le gouvernement sur cette question ».
Des mobilités à la désertification médicale
Dans sa feuille de route, l’APVF a donc identifié cinq grands thèmes sur lesquels il lui semble impérieux que le gouvernement bouge les lignes : la question des mobilités, la transition écologique, la lutte contre la désertification médicale, la revitalisation des centres-villes et les finances locales. L’association milite ainsi pour la mise en place d’une « prime mobilité » pour les habitants des territoires ruraux ou peu denses, accordée selon des « critères sociaux et géographiques ». La création d’un « guichet unique d’aide à la rénovation énergétique » fait également partie des propositions de la l’APVF, tout comme une nécessaire « régulation » à l’installation des médecins libéraux pour lutter contre la désertification médicale. Cette régulation pourrait ainsi prendre la forme d’une « obligation d’exercer en début de carrière et pour une durée limitée à temps plein ou partiel dans un territoire prioritaire de santé ».
Dans le cadre de la revitalisation des centres-villes, l’association plaide pour une extension du dispositif gouvernemental « Cœur de Villes » aux petites villes de France avec un passage de 222 villes soutenues à « au moins 500 ». Enfin, l’APVF imagine, en matière de finances locales, la création d’un fonds national de solidarité territoriale « alimenté par les métropoles en fonction de leurs richesse et par l’État […] ciblé à l’échelle de chaque région sur des projets relatifs à la mobilité durable, à la couverture numérique des territoires et à l’attractivité des petites et moyennes villes ». « Pour un euro versé par la métropole, s’ajouterait un euro de l’Etat et une euro de l’Union européenne. il faut aller plus loin que les contrats de réciprocité », avait justifié la veille Christophe Bouillon lors de la cérémonie de vœux de l’association. Soit une nouvelle version de la proposition de 1% métropole porté par l’association en 2017.
Une prime aux « constructifs » ?
Avec cette série de propositions, l’APVF aimerait donc peser dans les débats et obtenir de la part du gouvernement des signaux positifs. « À l’APVF, on est proposant, constructifs. Et ce serait important qu’il y ait une prime à la construction, sinon il y a clairement un risque de basculement vers une position plus dure » prévient Christophe Bouillon, « on ne dit pas que tout doit tourner autour de nos propositions, mais il s’agit pour nous de rappeler nos attentes fortes sur ces sujets et d’alerter le gouvernement sur le calendrier législatif. Ce serait dommageable de passer à côté de certains véhicules législatifs, comme le projet de loi d’orientation des mobilités. »
D’autant plus qu’à une année maintenant des prochaines élections municipales, la position des maires – des petites villes mais pas seulement – apparaît comme très compliquée à tenir. « Nous ne voulons surtout pas priver nos concitoyens de cette possibilité de prendre la parole et de débattre autour de nous, mais à la fois, certains maires craignent qu’en montant en première ligne et en apparaissant localement comme des co-organisateurs des débats, cela puisse se retourner contre eux si rien ne se passe après trois mois de discussion » reconnaît Christophe Bouillon. Avant de conclure : « Le président Macron a déclaré son amour aux territoires et aux maires, mais en amour il faut aussi donner des preuves. Là dessus nous serons très vigilants ».
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Une quinzaine de maires ruraux ont averti lundi Emmanuel Macron qu' »il faudra impérativement que le gouvernement tienne compte » des conclusions du grand débat, après lui avoir exposé les doléances exprimées dans les cahiers ouverts en décembre.
« Il faudra impérativement que le gouvernement en tienne compte car si c’est uniquement pour recueillir des doléances… Dire dans un grand élan de générosité +Je vous ai compris+, sans qu’il se passe quelque chose derrière, ça risquera de poser problème », a résumé Michel Fournier, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et maire des Voivres (Vosges) après la réunion à l’Elysée.
Les maires ruraux se sont dit prêts à être les « facilitateurs » du débat en se posant comme « les interlocuteurs les plus reconnus », a précisé Vanik Berberian, le président de l’AMRF.
« Comme on dit dans nos villages il faut au moins se causer. Donc causons! », a lancé M. Fournier.
« On peut comprendre la réticence » de certains maires, qui est « le résultat du peu de considération des élus depuis trop longtemps. Et certains ne veulent pas être associés à un éventuel échec de ce grand débat. Chacun fera comme il l’entend. Mais il nous semble indispensable que ce débat ait lieu », a souligné M. Berberian.
« Nous restons les élus les plus respectés. Nous avons encore cette reconnaissance de la population. C’est pour cela que nous avons pensé que nous pouvions être les seuls interlocuteurs. Et nous avions démarré les cahiers de doléances dès le 8 décembre », a souligné M. Fournier.
Ceints de l’écharpe tricolore, les maires sont arrivés a l’Elysée avec une immense clé USB — en forme de vraie clef — contenant les doléances de leurs administrés.
Les questions qui reviennent, ont-ils expliqué, sont l’injustice sociale et fiscale, l’évasion fiscale et l’étiolement des services publics.
M. Berberian, maire centriste de Gargilesse-Dampierre (Indre), a qualifié lundi matin la lettre du président de « rampe de lancement » du grand débat qui « pose bien le diagnostic », tout en disant craindre au final un simple « raccommodage ».
Emmanuel Macron a publié dimanche une lettre aux Français dans laquelle il propose une trentaine de questions pour baliser le débat et participera mardi dans l’Eure à sa première réunion avec des maires, lors d’un échange où il sera à l’écoute de leurs demandes.
« Il est dans une phase d’écoute, il nous a dit qu’il n’avait pas l’intention de parler, sauf sur des sujets très ponctuels », a relevé M. Berberian.
« C’est une reconnaissance de l’utilité des maires. Le mépris des maires ne date pas d’aujourd’hui. Il y a une aristocratie de l’Administration, une aristocratie politique qui impose ses manières de voir et ça commence à bien faire », a-t-il conclu.
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