Internet et le livre numérique menacent-ils les librairies?

Le livre est vivant, mais des librairies qui lui servent d’écrin meurent à petit feu. Dominique Lagarde en a fait la dure expérience à Cahors. Elle le souligne, et surligne les maux des livres et des libraires.

Bienvenue sur ces lignes et surtout bon voyage dans le temps. Imaginez-vous un instant en 2030 dans un monde sans livres. Un univers sans librairies avec certes, encore et toujours des lecteurs mais qui assouvissent leur passion pour la lecture seulement à l’aide de tablettes, liseuses et autres écrans. Cela fait froid dans le dos. Retour en 2018.

La vision d’horreur décrite ici est en train de se dessiner.

Les librairies, quant à elles, sont en train d’être décimées.

Pour quel dessein ? Les intérêts financiers des boutiques virtuelles sur internet ? Amazon ?

Dans ce chifoumi moderne (le fameux jeu pierre-feuille-ciseaux), il semblerait qu’internet joue le rôle du ciseau pour couper l’élan du livre papier et briser tout espoir d’avenir.

Cette situation n’a pas manqué de faire réagir les premiers touchés à Cahors : la librairie Lagarde. Fermée depuis le mois de juin dernier, elle avait pignon sur rue au numéro 36 du boulevard Gambetta depuis près de soixante ans.

Cette librairie était appréciée pour le vaste choix d’ouvrages qu’elle proposait et le conseil de ses professionnels.

Un effet destructeur

Dominique Lagarde a rédigé un message fort et lourd de sens sur une affichette posée sur sa vitrine où subsistent des étagères orphelines de leurs œuvres.

Extraits : «La librairie est définitivement fermée. Non, ce n’est pas un départ à la retraite. Oui, les achats sur internet et ailleurs pénalisent très gravement le commerce des centres-villes. Non, nous n’avons pas réussi à maintenir notre métier entre les choix personnels de ne plus acheter les livres neufs, de lire sur écran… Oui, nous avons essayé pendant des années de trouver des solutions inexistantes. Non, il n’y aura pas d’autre librairie à cette adresse. Oui, toutes les petites librairies sont menacées de la même façon», déplore l’ancienne libraire.

Contactés hier, Dominique Lagarde et deux autres experts littéraires défendent le livre papier (lire notre encadré).

Si les librairies sont peu à peu gommées par internet, cela signifie-t-il que le livre papier ne sera un jour qu’un vieux souvenir «encré» dans les mémoires ? Chacun peut s’interroger sur cet effet destructeur, ou bien mettre du cœur à l’ouvrage… si la défense de l’ouvrage papier vous tient à cœur.


Ils croient dur comme fer en l’avenir du livre papier

Agnès Nicolle est la fondatrice du blog «Douceur littéraire» (douceurlitteraire.com) au cœur duquel elle partage son amour de la lecture, des mots et des émotions que les auteurs ont le don de lui procurer. Elle ne se contente pas d’apprécier et de ressentir un récit. «Le livre a une odeur, une vie. J’ai testé le livre numérique. J’ai aimé les histoires, mais pas comme si j’avais lu celles-ci sur le papier. Dès qu’un livre qui paraît en version numérique commence à être connu, il sort ensuite en format broché. Les personnes avides de littérature préféreront toujours le livre papier», assure sans rature cette «dévoreuse de livres».

Dominique Lagarde est éprise de livres. Ils représentent toute sa vie et son envie de voir battre leur cœur dans un corps de papier et non sous un écran de verre. Elle croit à la survie du livre papier, malgré l’érosion de la vente des livres en librairie. «Les gens préfèrent aller sur des sites comme Amazon et viennent moins dans les boutiques. 2 livres sur 5 sont achetés sur internet, 1 sur 5 dans une grande surface ou ailleurs, 1 via le marché public des livres scolaires et le dernier en librairie. Avant 4,8 livres sur 5 étaient achetés en librairie», détaille-t-elle, résumant l’impact économique du livre numérique et des achats sur internet.

François Thirion, représentant d’une maison d’édition, rencontré hier à Cahors devant la librairie Lagarde, s’est ému de cette fermeture. «Tout est juste sur l’affichette apposée sur cette vitrine. C’est le lot de tous les libraires. Le premier client des éditeurs, c’est Amazon, il faut le savoir. Cela ne signifie pas la mort du livre papier, mais reconnaissons que les clients ne veulent plus s’embêter à venir dans les centres-villes lorsqu’il est aussi difficile de s’y garer», conclut-il sans toutefois écrire le mot «fin» pour le livre papier.