Jacques Mézard au ministère de la Cohésion des territoires
Le remaniement intervenu mercredi 21 juin a propulsé Jacques Mézard au ministère de la Cohésion des territoires, en lieu et place du démissionnaire Richard Ferrand. Julien Denormandie, un proche du président de la République, a pour sa part été nommé secrétaire d’Etat et accompagnera le sénateur radical de gauche dans sa lourde tâche d’atténuer les fractures françaises et de mettre sur pied une véritable politique d’aménagement du territoire.
Le sénateur du Cantal, Jacques Mézard, n’avait pas l’habitude de mâcher ses mots contre les gouvernements successifs – de gauche comme de droite – et leurs politiques de « déménagement du territoire. » Le voici désormais aux commandes. A 69 ans, il quitte le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation où il avait été nommé le mois dernier et s’empare du fauteuil laissé vacant par Richard Ferrand au ministère de la cohésion des territoires. Un sujet que cet avocat, président (PRG) de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, ne connaît que trop bien.
Rééquilibrer la politique d’aménagement face à la métropolisation
Vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation lorsqu’il siégeait encore au Palais du Luxembourg, celui qui réclamait une « Loi pour l’égalité des territoires » lors du dernier quinquennat a longtemps bataillé contre la réforme territoriale. Au point de ne pas voter la loi NOTRe, dont il ne partageait pas franchement la philosophie. L’été dernier, au Sénat, une passe d’armes l’opposa à Manuel Valls et au directeur de France Stratégie, Jean Pisani-Ferry, pourtant tout deux macron-compatibles aujourd’hui, sur le délicat sujet de la métropolisation.
« Prenons l’exemple du Massif central, qui est de plus en plus enclavé et fragilisé. Croyez-vous réellement que la métropole de Lyon puisse faire quelque chose pour l’agglomération d’Aurillac ? La fusion des régions a constitué un élément négatif en termes de proximité. Et ce ne sont pas les maisons de services au public et les maisons de santé qui vont permettre d’inverser la courbe ! […] Ce sont les territoires ruraux qui souffrent le plus des réformes actuelles. Je crois que, quelle que soit la sensibilité au pouvoir, il est nécessaire d’avoir enfin une vraie politique d’aménagement du territoire » exhortait-il. « Les gouvernements successifs, de toutes sensibilités, ont oublié qu’il était nécessaire de faire l’égalité, non par les discours, mais par les actes. Les rapports ou les textes ne manquent pas. Ce qui manque, c’est la volonté politique ! »
Des inégalités régionales, intercommunales et infra-urbaines
Avec l’autorité sur le Commissariat général à l’égalité des territoires, Jacques Mézard devra donc freiner l’accentuation des inégalités territoriales entre les grandes métropoles et le « désert français », mais aussi entre les villes et leur proche couronne, ainsi qu’à l’intérieur même des centres urbains, entre centre-villes et quartiers populaires. Bref, charge à lui de repenser une politique d’aménagement « équilibré » du territoire, alors que l’abandon de ce chantier a produit « des effets aujourd’hui visibles et dommageables pour la nation et la République. » La tâche n’a evidemment rien de simple. Si bien que sa connaissance du sujet ne sera pas de trop. Fin 2012, déjà, Jacques Mézard était monté au créneau en soumettant une proposition de résolution relative au développement par l’Etat d’une politique d’égalité des territoires.
Cette résolution proposait notamment de « revoir la politique de zonage des territoires », faisant état d’un bilan « accablant pour les zones urbaines sensibles [renommés quartiers prioritaires de la politique de la ville en 2014] comme pour les zones de revitalisation rurale. La distinction obsolète entre l’urbain et le rural doit disparaître de la politique d’aménagement du territoire, qui pourra ainsi être conçue de manière globale. » Autres pistes formulées à l’époque : le renforcement des politiques de péréquation, ou encore l’accès minimum aux services publics de base que sont la sécurité, la justice, l’école, la santé ou les transports.
« Mieux d’Etat plutôt que plus d’Etat »
C’est peu dire que ces propositions et la tonalité du propos de Jacques Mézard n’ont guère été reprises par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle. Mais celui qui s’est opposé à une candidature du Parti radical de gauche et apporté son soutien dès l’automne 2016 à celui qui allait devenir le prochain président de la République s’est toujours montré réaliste sur le sujet. « Sachant qu’égalité ne saurait en aucun cas se confondre avec égalitarisme », Jacques Mézard précisait déjà à l’époque que sa résolution ne consistait pas à « soutenir que chaque citoyen, dans chaque commune, doit pouvoir accéder de la même manière et dans le même temps à tous les services. »
Mais ce nostalgique de la DATAR attaché à l’égalité républicaine ne s’en faisait pas moins le chantre, jusqu’à peu encore, d’un Etat planificateur mettant en œuvre une véritable politique d’aménagement du territoire : « nous ne voulons pas forcément plus d’Etat mais mieux d’Etat. »
Un secrétaire d’Etat novice
Reste à savoir si Julien Denormandie – un proche parmi les très proches du nouveau président de la République –, nommé à ses côtés en qualité de secrétaire d’Etat (sans fonctions précises définies), l’épaulera ou le freinera dans sa tâche. Cet ingénieur des Ponts, Eaux et Forêts de formation, également diplômé en économie, est passé par plusieurs ministères depuis 2012 avant de devenir directeur de cabinet adjoint d’Emmanuel Macron à Bercy à l’été 2014.
Agé de 37 ans, celui dont le profil « techno » tranche pour le moins avec l’élu du Cantal fût donc l’un des principaux artisans de la « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » dite « Loi Macron », mais n’a pas franchement d’appétence connue pour la question de la cohésion territoriale ou du logement.
Jacques Mézard, ce fervent partisan du cumul
Au Sénat, Jacques Mézard n’avait pas eu de mots assez durs contre la limitation du cumul des mandats parlementaire-exécutif local. Dès septembre 2013, c’est l’ensemble du groupe RDSE réuni autour de son président Jacques Mézard qui s’était violemment élevé contre l’idée « de remplacer les élus de terrain par des professionnels de la politique, des cumulards par des parachutistes »… Peine perdue puisque la disposition allait être définitivement votée et donner lieu à loi anti-cumul du 14 février 2014.
Pas de quoi déposer les armes pour le sénateur Mézard qui déposait deux ans et demi plus tard, en août 2016, une proposition de loi qui permettrait aux parlementaires, députés comme sénateurs, de cumuler avec une fonction exécutive locale jusqu’à extinction du mandat local, à savoir 2020, au lieu de 2017. A ce jour, le texte n’a toutefois pas franchi l’étape du simple dépôt au Sénat, pas même examiné en commission. En revanche, la nouvelle Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, déposera bientôt au Parlement un projet de loi limitant notamment le cumul dans le temps…
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