La cuisine, une affaire de management?
Thierry Marx était invité à Souillac ce lundi pour venir former les chefs cuisiniers de demain au management. Un cours plus théorique que pratique qu’il vient donner tous les deux mois.
La cuisine est aussi une recette de compétences managériales. C’est ce que vous souhaitez enseigner ?
Aujourd’hui j’ai poussé les jeunes de ce bachelor dans l’erreur managériale, à s’appuyer sur une compétence métier qu’ils ne maîtrisent pas pour qu’ils se rendent compte qu’il leur manque des savoirs. La cuisine apparaît comme une affaire d’Etat alors que finalement ça ne tient à pas grand-chose : cuire, assaisonner, dresser. Gérer une entreprise, ça, c’est tout autre chose. Ils doivent apprendre à déléguer, à être efficaces pour la croissance de leur entreprise, à maîtriser les coûts, à être à la fois rêveur, comptable et vendeur.
La génération que vous formez est-elle d’autant plus réceptive à l’enjeu de la saisonnalité, de la ruralité et des circuits courts ?
C’est une génération de l’engagement. Ils sont déjà mobilisés sur les enjeux environnementaux, ils ont envie de continuer à vivre sur cette planète. Ils savent qu’il y a encore du travail à faire sur la logistique des circuits courts : comment fait-on pour l’acheminement dans un département comme le Lot où l’on est pénalisé par le manque de moyens de transport ?
Cette génération biberonnée aux émissions de télé comme Top Chef n’a-t-elle pas tendance à fantasmer l’univers de la cuisine ?
Pas forcément, chacun vient chercher des choses bien différentes dans les émissions de télé comme Top Chef mais aussi comme les Carnets de Julie. Pour autant, il est vrai qu’aujourd’hui on consomme davantage un style et une image : le pêcheur barbu qui n’a jamais mis un pied sur un bateau, le spécialiste de la permaculture parfaitement manucuré…
C’est un monde qui a évolué donc, notamment sur les réseaux sociaux…
Le phénomène de food porn (N.D.L.R. photographier sa nourriture) sur Instagram est quelque chose qui m’effare, il y a une vraie attractivité à montrer ce que l’on mange. De façon générale, mes élèves maîtrisent déjà très bien les réseaux sociaux, ils sont assez lucides sur les enjeux qu’ils impliquent en termes de visibilité et de dangers. Ils ont de la ressource grâce à leur cerveau supplémentaire, situé dans leur poche arrière grâce auquel ils googlisent une vidéo et un ingrédient sur Wikipédia. Et en termes d’emploi, ils ont des attentes bien différentes. Ils ont vu leurs parents avoir un rapport sacrificiel au travail et ils n’en veulent pas pour eux. Ils veulent avant tout du fun. Ils ne veulent plus commencer par un CAP où l’on apprend à émincer une échalote.
Le Lot pour vous c’est aussi une valeur sûre en termes culinaires…
J’ai une affection toute particulière pour ce département où j’ai passé chaque année mes trois mois d’été entre Saint-Céré et Lacapelle-Marival. J’ai toujours trouvé le cabécou formidable, comme la noix, l’huile de noix et la prune. En petit Parisien, j’avais l’impression qu’on ramenait à chaque fois des tonnes de girolles quand on partait dans les bois. Mais pour moi cette forêt, c’était déjà l’aventure amazonienne. J’ai le souvenir de l’omelette à la truffe, des produits cuits au feu de bois, du pain trempé dans la soupe et des bouts de cantal qu’on rajoutait dedans.
Vous n’allez sûrement pas repartir les valises vides…
Certainement pas. Je suis allé à Lalbenque. La truffe est exceptionnelle cette année.
« Une chance inouïe »
Raphaël Daubet, le président de Cauvaldor a souligné « la chance inouïe pour le Lot que d’avoir ce bachelor, ce n’est que la première pierre d’un futur édifice mais déjà la greffe entre lui et le territoire s’est opéré ». Gilles Libéus, le maire de Souillac se félicite de ce « renouveau » et de « cette possibilité de faire venir et de garder des jeunes pour du travail ».
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