La préfète lève le voile sur l’arrivée des migrants dans le Lot.
Même si, la préfète du Lot l’assure, le sujet de l’accueil des migrants dans le Lot n’est pas tabou, le dossier reste compliqué à évoquer. Depuis le démantèlement de la jungle de Calais et l’annonce de l’arrivée de migrants à Cahors, aucune information précise n’avait filtré de la part des services de la préfecture Hier à l’occasion de son petit-déjeuner de presse mensuel, Catherine Ferrier a levé le voile et révélé que 23 migrants étaient bien arrivés à Cahors la semaine dernière. «Sur ces 23 personnes, une a déjà le statut de réfugié, quatre autres sont demandeurs d’asile. Ils sont donc 18 pour lesquels on va instruire leur dossier» a précisé la préfète du Lot qui ne souhaite pas communiquer sur le lieu d’accueil des migrants à Cahors. Majoritairement Soudanais, ces 23 réfugiés ont vécu dans la jungle de Calais avant de partir à Paris et être finalement orientés vers le Lot. «Ils viennent de Calais indirectement, ils séjournaient à Stalingrad» a précisé la préfète.
A ce jour, le sol lotois accueille donc 18 migrants à Figeac qui devraient bientôt partir et 23 autres personnes à Cahors. La préfète a fait les comptes : «En tout le Lot a vu passer 73 migrants».
Pour les demandeurs d’asile, 81 places sont ouvertes dans le département, à Cahors et à Figeac en CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile). Toutes occupées, des places supplémentaires ont été demandées par la préfète du Lot. «Comme partout, on a demandé des places en plus, a annoncé hier Catherine Ferrier. Nous pensons avoir 39 places supplémentaires en CADA». Ces 39 ouvertures seront réparties entre Cahors, Figeac mais aussi Gourdon
La Dépêche AL
Le FN et son conseiller régional lotois Emmanuel Crenne sont toutes griffes dehors contre l’arrivée et l’intégration de réfugiés, notamment à Cahors.
En dépit du caractère très sensible de cette question qu’il est logique de traiter humainement, le parti bleu-Marine balaie cette idée-là et s’attaque frontalement (c’est une spécialité maison) au maire socialiste de Cahors.
«Nous observons une très grande opacité autour des modalités d’accueil des réfugiés dans le Lot. La préfecture en annonce 23 à Cahors. Nous demandons au maire Jean-Marc Vayssouze d’organiser une réunion publique pour clarifier cette situation», a lancé Emmanuel Crenne, mercredi, lors d’une conférence de presse où les oreilles du maire de Cahors ont dû siffler. Deuxième charge du FN : «Un maire peut s’opposer à l’accueil de migrants dans sa ville. Or Jean-Marc Vayssouze ne le fait pas», grommelle Emmanuel Crenne avant de se radoucir un tantinet. à peine.
«Le FN n’a rien de personnel contre les migrants, nous condamnons simplement une politique migratoire inacceptable», lance-t-il. Faut-il le croire ?
La réponse est dans cette nouvelle et dernière question choc du FN. Âmes sensibles s’abstenir : «À leur départ de Calais, des migrants ont mis le feu au camp. Qui nous dit que ceux de Cahors ne brûleront pas aussi leur maison ?», ironise Emmanuel Crenne en s’agitant.
S’agiter, c’est le contraire de la sagesse. Voici donc Emmanuel Crenne face à ses contradictions.
Au final, le FN a adressé mercredi un courrier à Jean-Marc Vayssouze pour lui réclamer cette fameuse réunion publique.
Bien sûr les réfugiés sont ici, loin de Calais et surtout en paix.
Mais dans un contexte où le FN s’acharne à raviver avec insistance la flamme des souffrances des migrants, le maire peut-il raisonnablement organiser une réunion publique ? Là aussi, la réponse est dans la question.
J.-L.G. La Dépêche
Batoul, c’est la petite Syrienne. Elle parle Français. Cela lui permet d’apprendre la langue de Molière à ses parents et à ses sœurs. À Cahors cette famille a trouvé un toit… et la paix.
Dans ce modeste appartement du quartier de Terre Rouge, à Cahors, ce n’est pas la vie de château, mais trois petites princesses y ont pourtant élu domicile avec leurs parents.
Le décor est dépouillé : un canapé, un matelas posé au sol, quelques chaises et une table basse d’où s’échappent les vapeurs d’un thé aussi chaud que la chaleur humaine qui se dégage de cette famille.
Bienvenue dans le cocon de la petite Syrienne, Batoul (9 ans). Nous attendons son retour de l’école. Elle a deux sœurs : Ruola (6 ans) et Rana (21 mois).
Dans cette famille, Batoul est celle qui comprend le mieux le français. Elle le parle et l’écrit. L’aide du traducteur, Abdu, Kurde Irakien (lire ci-dessous), nous est donc précieuse avant l’arrivée de la fillette. Nous partageons le thé avec ses parents, Bilal et Shadia et savourons leur sens de l’hospitalité.
En Syrie Bilal était agent commercial. Il nous montre sa carte professionnelle qui le liait à une Chambre de commerce syrienne. «J’ai d’abord besoin de papiers pour trouver du travail. Il le faut car nous vivons avec 500 € par mois pour cinq personnes. Nous n’avons pas été séparés. Nous sommes vivants, en sécurité et en bonne santé. C’est l’essentiel. Je suis heureux de tout cela. Travailler me permettra d’améliorer notrevie», insiste-t-il. «Je suis triste pour mon pays et mon peuple, mais ici j’aime notre liberté. Des personnes nous aident. Je les remercie beaucoup pour leur humanité», poursuit Bilal.
La récré après l’enfer
Le bien-être exprimé par Bilal anime aussi la petite Syrienne.
La porte d’entrée s’ouvre.
Batoul apparaît. L’écolière a le sourire. En Syrie, elle a connu l’enfer. La France, pour elle, c’est une récré permanente.
Elle aime «les amis, Cahors, l’école, la musique et le chanteur français Jul». À la question : «Qu’as-tu commencé à apprendre à tes parents ?»,
Batoul s’exclame spontanément : «La lettre A bien sûr !».
Elle a raison, c’est évident !
Autant commencer par le début pour cette fillette qui veut écrire, à Cahors, les plus belles pages de sa vie d’enfant. L’histoire de Batoul est touchante.
Elle s’occupe de ses sœurs et sert de professeur à ses parents. La vie de la petite Syrienne n’est pas encore un conte de fées en France, mais elle s’en approche.
Ils ont fui Homs , leur ville en ruine
La barbarie de l’État islamique, puis les bombardements de l’armée syrienne et de la coalition internationale ont réduit la ville natale de la petite Syrienne et des siens à l’état de ruine. Cette famille a tout perdu. Homs, 3e ville de Syrie, qui comptait une population de 900 000 habitants, a été presque intégralement rayée de la carte. Cette guerre a fait plus de 300 000 morts. Après avoir fui cette ville en état de siège, échappé à la traque inlassable menée par les soldats fanatiques de Daech et enfin surmonté les dangers de l’exode vers la France, il n’est pas étonnant que cette famille syrienne miraculeusement saine et sauve apprécie désormais la paix d’un nouveau foyer. Les rejeter, c’est briser leurs sourires, casser leurs espoirs et les renvoyer dans la gueule du loup. Les accepter, c’est faire front contre la haine de ceux qui ont banni le mot humanité de leur vocabulaire.
Repères
Le chiffre : 179
SIGNATURES > Droits de l’homme. Le manifeste de la ligue des droits de l’homme, «Je soutiens l’accueil des migrants», a recueilli à ce jour 179 signatures d’élus locaux.
Jean-Luc Garcia
Abdu a retrouvé la liberté
Il nous attend au pied de l’appartement de la petite Syrienne. C’est notre traducteur. Migrant lui aussi, Abdulla Fatah, qui préfère qu’on l’appelle Abdu, vient également d’une terre meurtrie.
Ce jeune Kurde Irakien, qui réside aujourd’hui à Cahors, aurait toutes les raisons d’être fébrile et fragile. Au contraire, il cultive une détermination sans faille. Abdu est heureux de se rendre utile. La guerre a laissé des traces indélébiles en lui.
Mais ce jeune homme les cache sous une volonté farouche de stabiliser sa situation et de trouver un travail afin d’améliorer son quotidien.
Premier bon point : son français. Il n’est pas encore impeccable certes, mais suffisamment correct et en progrès constant pour communiquer. Deuxième point positif : son attitude volontariste et son courage : «Je cherche un travail. Je suis prêt à tout faire pour m’en sortir. Je fais des demandes à Pôle Emploi ici à Cahors, puis au Geiq BTP pour travailler dans le bâtiment. Je me débrouille avec environ 200 € par mois. Ce n’est pas évident pour moi, alors imaginez pour cette famille syrienne avec 500 € pour cinq. Le travail et les papiers, c’est le plus important pour nous tous», confirme-t-il.
Troisième bon point pour Abdu : la dignité et la fierté. Il ne se plaint jamais.
Devant nous, en endossant le rôle de traducteur, ce jeune homme a toujours gardé le sourire et s’est préoccupé de traduire les propos de la famille de Batoul sans évoquer les tumultes de sa propre vie. Au terme de cette rencontre, nous lui proposons de le reconduire à son domicile cadurcien. Il décline notre offre. «Je prends le bus, ce n’est pas un problème». Il est comme ça Abdu. Fort et fier d’avoir pu nous aider. C’est lui qui nous a assistés. Pas le contraire. Que retenir d’autre de ces rencontres ? Ceci : l’attitude profondément humaine et volontaire que démontrent les réfugiés est la meilleure arme pacifique contre les propos nauséabonds qui tentent de polluer leur intégration.
J.-L.G.