La représentante du syndicat des enseignants s’exprime

À la veille d’une nouvelle manifestation départementale ce samedi à Cahors pour la défense des écoles dans le Lot, Christine Laverdet (représentante du syndicat des enseignants — UNSA) répond aux questions de La Dépêche.

Déléguée départementale pour le syndicat enseignant de l’UNSA (SE-UNSA), Christine Laverdet a exprimé des points de vue différents de ceux entendus lors des multiples manifestations hostiles à la carte scolaire proposée par l’ex-Dasen, Guillaume Lecuivre. Elle s’exprime aujourd’hui dans nos colonnes.

L’UNSA est parfois accusée de «faire le jeu» de l’inspecteur d’académie dans le Lot, qu’en pensez-vous ?

Je l’ai effectivement entendu. Ce sont des propos tenus par des interlocuteurs qui ne sont pas d’accord avec nous. Ils réclament du débat, mais n’acceptent pas qu’un point de vue diverge du leur.

Votre point de vue est celui du Dasen ?

Parfois, et nous assumons nos positions. Nous sommes attentifs aux projets quels qu’ils soient ; ensuite c’est une négociation, faite de propositions et de contre-propositions. Nous sommes dans une démarche qui vise à avancer, pas dans une posture de blocage.

ça ne veut pas dire que l’UNSA est aveuglément favorable aux propositions de l’administration. Notre devise : ni non par principe, ni oui par habitude.

Pour la prochaine rentrée, des fermetures d’écoles et des suppressions de postes sont prévues : dans la mesure où le Lot n’avait pas de postes à rendre cette année, était-ce vraiment indispensable ?

Oui, dans le cadre d’une réorganisation de l’enseignement sur le département, ça ne me paraît pas être une ineptie.

Je pense que les classes multiniveaux ne sont plus d’actualité, et il est logique d’en réduire leur nombre autant que possible¹. Peut-être faut-il aussi poser la question aux parents : la formule d’une classe à 3 ou 4 niveaux les intéresse-t-elle ? Ou risquent-ils de se tourner vers d’autres solutions (enseignement privé par exemple) ?

Aujourd’hui, l’école est devenue un bien de consommation. Si le «produit» proposé ne convient pas, le «consommateur» se tourne vers autre chose. Je le déplore, mais c’est un fait, et nous devons en tenir compte.²

La comparaison a souvent été faite entre le Lot et un département voisin : la Dordogne perd des élèves mais gagne des postes. Comment cela s’explique-t-il ?

C’est une information partielle et partiale. Effectivement la Dordogne enregistre la création de huit postes supplémentaires, alors qu’elle perd 408 élèves.

Mais malgré cela, la Dordogne fermera 5 écoles (10 fermetures sur trois ans). Et le taux d’encadrement reste meilleur dans le Lot qu’en Dordogne (5.97 pour le Lot contre 5.61 pour la Dordogne à la rentrée 2017).

Le «protocole» signé entre l’administration et le département du Lot est parfois mis en cause. La situation ne serait-elle pas meilleure sans ce protocole ?

N’ayons pas la mémoire courte : le protocole a été signé après deux années catastrophiques (37 postes perdus en 2 ans).

Sans ce protocole, les effectifs prévisionnels nous conduisaient à rendre 48 postes en trois ans ! Avec le protocole, il était prévu d’en rendre 18 postes et au final, nous en avons rendu 13. Notre taux d’encadrement est en progrès : il est passé de 5,91 à 5,97.

L’allongement des temps de transports et la taille des structures scolaires envisagées font partie des éléments contestés : trop longs ? trop grosses ?

Les temps de transports existent déjà, avec les RPI. Et lorsque la démonstration est faite que le temps de transport est trop important, l’inspections académique n’insiste pas : nous en avons eu l’exemple avec le projet de Cahus, qui a été recalé parce qu’il imposait des déplacements trop longs. J’invite chacun à faire le comparatif de temps de transport sur des RPI éclatés actuels et sur des RPI concentrés. Le plus souvent, le temps de transport est réduit.

Concernant la taille des écoles, j’ai entendu parler «d’écoles usines», de «cités scolaires» C’est tellement excessif que ce n’est pas crédible. Quand je vois des classes de maternelles sur la région toulousaine à plus de 30 élèves, j’ai du mal à entendre l’argument. Dans le Lot, on en est loin : les nouvelles structures restent sur des dimensions à taille humaine (3, 4 voire 5 classes).

Les communes estiment que les écoles jouent un rôle essentiel dans l’attractivité, vous n’êtes pas d’accord ?

Bien sûr que l’école joue un rôle. Mais elle ne peut pas être le seul pôle d’attractivité d’un village : elle peut y participer, mais pas l’assumer seule³. Et n’oublions pas que le cœur de notre réflexion, c’est l’élève.

Par ailleurs, je suis un peu surprise : ceux qui réclament le maintien de l’attractivité via les écoles sont les mêmes qui rejettent d’autres projets à vocation économiques, susceptibles de faire vivre le territoire… Je comprends qu’on ne peut pas accepter tout et n’importe quoi, mais attention à ne pas transformer le Lot en une gigantesque maison de retraite ! C’est ce qui risque d’arriver si on refuse tous les projets.

À votre avis, le Lot devra-t-il de nouveau rendre des postes dans les années à venir ?

Je ne sais pas, mais c’est un risque qu’on ne peut pas éluder.

La création des regroupements pédagogiques intercommunaux était une première étape : les élus de l’époque se sont lancés dans des démarches de regroupements qui avaient déjà conduit à fermer des écoles pour faire face non seulement à la baisse démographique mais aussi éviter d’avoir dans chaque commune une école à classe unique du CP au CM2.

Aujourd’hui, la baisse démographique se poursuit. C’est un nouvel enjeu que nous devons collectivement relever ; les élus en premier.

La question qui se pose est simple : faut-il attendre qu’une classe soit réduite à 12 élèves pour se prendre en main ?

Si on répond oui, si on laisse la situation actuelle perdurer, nous serons assurés de perdre des postes chaque année et de dégrader les conditions d’apprentissage des élèves.

À l’UNSA, on préfère anticiper et travailler à de nouvelles organisations de l’offre éducative adaptées à l’école de 2017 sur le territoire.