L’ancien maire de Salviac consacre un livre aux mystères de la Vierge de l’Olm 

Alain Faucon publie un passionnant ouvrage intitulé La Dame de l’Olm. Ce livre est l’occasion pour celui qui fut élu de Salviac pendant 25 ans de transmettre l’histoire de son village et celle d’une communauté, avec ses croyances et ses espérances.

Le livre élucide de nombreuses questions : quand l’actuelle chapelle de l’Olm a-t-elle été bâtie ? Qui a ordonné sa construction ? Qui fut le commanditaire au XVIIe siècle de la Vierge à l’enfant et surtout que représentait cette statue pour les habitants ? Comme l’explique dans la préface l’ethnologue et muséographe Malika Bordes-Boudellal : « À la manière d’un détective, mêlant recherches, lectures, hypothèses et avec modestie, Alain Faucon a réussi à rassembler dans ce livre l’essentiel de cette aventure. »

Alain Faucon s’est toujours passionné pour l’histoire des hommes et des femmes qui ont fait Salviac. En 1989 il se signalait déjà par une exposition « La révolution » à Salviac. Il participa ensuite à la création de l’association Animation et Culture pour mettre en valeur l’église Saint-Jacques-le-Majeur et son Trésor dont certains objets sont désormais protégés au titre des Monuments Historiques. Alain Faucon est aussi un membre actif de l’association Rocamino qui a pour objectif de promouvoir et d’organiser le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle par Rocamadour. Pendant son mandat, il a favorisé l’organisation des fouilles de sauvegarde du site archéologique gallo-romain des Plantades et la restauration de l’église mais aussi de la chapelle de l’Olm et de son retable. Enfin, Alain Faucon a contribué à la réhabilitation de Louis Benoît injustement fusillé pour l’exemple en 1916 et à l’élévation d’une stèle pour la reconnaissance des Justes de la commune. Il pourrait faire sienne la devise de l’Unesco : « Transmettre pour donner un sentiment d’appartenance individuel et collectif : à une histoire, à un village. »

Un mariage et une chapelle pour sceller la paix

Actu : Comment expliquez-vous l’implantation de la chapelle de la Vierge de l’Olm telle que nous la connaissons aujourd’hui ?

Alain Faucon : Ce modeste édifice a été construit à l’emplacement d’une ancienne chapelle qui elle-même avait remplacé un culte gallo-romain installé dans un orme creux, en Occitan un olm au bord du Ruisseau de Pâques. Ce sanctuaire fut, selon la légende, christianisé par Saint Genulphe vers le Ve siècle et doté d’une première statue de la Vierge. Mais l’actuelle chapelle de l’Olm date de la Renaissance et fut érigée en 1572. Dans le contexte politique de l’époque, en pleine Guerres de Religion, les alliances se nouent et se dénouent, au gré des événements et des intérêts de chacun. C’est ainsi que mettant à profit une situation d’apaisement et de victoire militaire, Armand de Gontaud-Biron, en janvier 1572, décide de marier sa nièce et filleule, Charlotte, devenue orpheline, fille de son frère Foucaud du parti protestant, à Geoffroi de Durefort-Boissière, fils du seigneur catholique de Salviac, Jacques 1er de Durfort-Boissière.

Construite à cette occasion, la chapelle signerait donc le retour, dans le parti catholique, de la fille de Foucaud de Gontaud-Biron ?

A. F. : C’est probable et éminemment politique. Car quoi de plus symbolique, à cette époque, pour montrer sa « bonne foi » que d’édifier au siège de l’archiprêtré de Salviac ? qui administre près de 26 paroisses de la Bouriane ? et dans le fief le plus important de la seigneurie, une chapelle dédiée à la Vierge Marie, le symbole le plus combattu par les protestants ? Ce mariage, de Geoffroy et de Charlotte précède de quelques mois à l’échelle locale, ce que le roi Charles IX et la reine mère Catherine de Médicis vont tenter pour apporter la paix dans le royaume : le mariage du chef des protestants, le futur Henri IV, devenu roi de Navarre à la sœur du roi Marguerite de Valois, ? la reine Margot. Hélas, ce mariage royal qui se voulait un pacte de paix précède de cinq jours l’horrible massacre de la Saint Barthélémy.

D’ailleurs, en ces temps de Guerres de Religion, même la nouvelle chapelle n’est pas épargnée ?

A. F. : En effet. Ainsi en 1588, le maréchal Arnaud de Biron se replie à Salviac avec son armée et assiège Cazals et Gindou, places fortes protestantes. Il détruit leurs fortifications. Après son départ, une expédition punitive va venir saccager Notre Dame de l’Olm. Et il faudra attendre l’Édit de Nantes, puis la nomination en 1636 d’Alain de Solminhiac comme évêque de Cahors, dans une Bouriane ruinée par 36 années de guerre civile pour que la restauration de la chapelle de l’Olm puisse s’envisager. C’est probablement à Alain de Solminhiac et dans le cadre de la contre-Réforme qu’on peut attribuer la commande d’une nouvelle statue de la Vierge à l’Enfant, sans doute à l’atelier familial des Tournié, ébénistes de Gourdon très renommés.

Un lieu d’intercession

Que représentaient cette chapelle et sa statue pour les Salviacois ?

A. F. : Plus j’avançais dans mes recherches pour ce livre plus j’étais frappé par l’importance de cette chapelle dans l’histoire de Salviac. Très tôt, vu la dureté des temps, la chapelle et sa statue sont prisées des habitants de Salviac et des alentours. Notre Dame de l’Olm recueille leurs prières et leurs espérances ainsi placées sous la miséricorde de Dieu et confiées à l’intercession de Notre Dame de l’Olm. Ces pauvres Salviacois en ont bien besoin ! Car la Guerre de Cent ans, la peste, les Guerres de Religion puis la Guerre de Trente ans n’ont cessé d’amener de nouveaux malheurs et morts aux modestes habitants de la Bouriane. La réputation de Notre Dame de l’Olm devient celle d’une grande protectrice des femmes et des enfants, intercédant dans les accouchements difficiles. Elle va se répandre dans la région. À partir de 1847, des offices seront régulièrement célébrés dans la chapelle jusqu’à la fin du XIXe siècle lors des fêtes mariales. On y vient en pèlerinage. On y dépose des ex-voto. On y passe en se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle, depuis Rocamadour jusqu’à La Romieu. Les femmes, mères, épouses, viennent encore prier Notre Dame de l’Olm pendant les guerres de 1870 et celle de 14-18 qui fauchera la vie de 70 jeunes gens de la commune. Mais la chapelle finit par être abandonnée. En 1937, la voûte s’écroule. Les demoiselles Passefond, Marie et Jacqueline, héritières et gardiennes du temple, font réparer mais l’humidité fait des ravages et abîme le retable. Elles finiront par la vendre à la famille Mazières.

Quelles furent les principales étapes de son sauvetage ?

A. F. : La chapelle sera inscrite au registre des Monuments Historiques en juin 1954. La statue de la Vierge est alors mise à l’abri pour éviter un éventuel pillage et de nouvelles dégradations. En 2010, un bail emphytéotique est enfin signé entre la famille propriétaire et la commune. Sous l’impulsion du Conservateur Départemental des Antiquités et Objets d’Art, de la DRAC et des Bâtiments de France, la restauration est engagée. La statue devient l’élément central du trésor de l’église Saint-Jacques-le-Majeur. Le retable de la chapelle a été restauré par l’atelier Radez et Moreau de Montauban. Ces derniers mois, une souscription a permis de réaliser une copie en résine de Notre Dame de l’Olm, qui va permettre à l’œuvre de retrouver sa place dans le retable lors d’une inauguration prévue pour le 21 août prochain. Pour Salviac et ses habitants ce sera une nouvelle rencontre avec Notre Dame de l’Olm à ne pas manquer.

Une histoire de transmission

Doté d’une très belle iconographie et de bois gravés empruntés au registre de la Chapelle de l’Olm, l’ouvrage d’Alain Faucon, nous offre une intrigue dont la modeste chapelle et la magnifique vierge de l’Olm sont les principales protagonistes. Mais ce livre nous parle aussi de l’acharnement du chercheur, de la manière dont une mémoire collective et une identité locale se reconstituent, se transmettent ou se perdent faute de passeurs. Ainsi, des 54 feuillets écrits par Jacques de Salviac, étudiant à Cahors à la fin du XVIe siècle à Émile Conduché qui en assurera la transcription, le livre convoque toute une chaîne de chroniqueurs et de croyants, tous animés par une volonté de sauver à chaque fois in extremis ce qui peut l’être. Et le miracle est que ni les guerres, ni les épidémies de peste, ni les révolutions, ni l’oubli, ni les barbaries anciennes ou nouvelles ne sont parvenues à effacer cette volonté mémorielle. Derrière la modeste chapelle de Notre Dame de l’Olm et sa statue, c’est donc tout un pan de l’histoire de Salviac qui se laisse deviner.

Cette chapelle, cette Vierge de l’Olm et ce nouveau livre constituent une invite à prendre la mesure de ce que des femmes et des hommes à la foi patiente nous ont laissés en partage. Le livre d’Alain Faucon se clôt d’ailleurs sur une magnifique adresse aux passants par Émile Conduché, grand précurseur de la sauvegarde de notre patrimoine bourian :

« Passant, arrête-toi devant ce minuscule sanctuaire où toute une race de paysans français a porté ses souffrances et ses joies pendant dix siècles. »

Le livre La Dame de l’Olm est proposé au prix coûtant de 10 € et vous pouvez le consulter dès à présent au relais postal de Salviac.

Et quand on demande à Alain Faucon s’il a des projets, il répond avec un sourire malicieux :

Peut-être une histoire de Salviac, si je trouve l’énergie ! Et le temps…

LUC GÉTREAU Actu.fr