Le Conseil d’Etat bride les maires dans la lutte contre le Covid-19

Dans une décision prise le 17 avril contre un arrêté du maire de Sceaux qui imposait de se couvrir nez et bouche dans l’espace public, la haute juridiction a drastiquement limité le pouvoir des maires de prendre des mesures supplémentaires dans la lutte contre le Covid-19. Une question de cohérence et de lisibilité des règles nationales selon le Conseil d’Etat.

« Les maires ne peuvent prendre des mesures supplémentaires de lutte contre le covid-19 que si des circonstances propres à leur commune l’imposent ». Ainsi le Conseil d’Etat a-t-il confirmé le 17 avril la décision du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, saisi par la Ligue des Droits de l’Homme, avait suspendu l’exécution de l’arrêté du maire de Sceaux, Philippe Laurent. Ce texte imposait depuis le 6 avril aux habitants de la commune des Hauts-de-Seine de se couvrir la bouche et le nez lors de toute sortie dans l’espace public.

Davantage qu’une condamnation d’une initiative localisée, la décision des juges du Palais-Royal se veut bien plus large, enjoignant aux maires de s’en tenir aux mesures d’urgence décidées par l’Etat. Certes, « les maires peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées par l’Etat sur le territoire de leur commune, notamment en interdisant l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements. En revanche, ils ne peuvent, de leur propre initiative, prendre d’autres mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales les rendent indispensables et à condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité de celles prises par les autorités de l’État », prévient la plus haute juridiction administrative.

« Pas de raisons impérieuses » locales 

Se faisant, le juge des référés du Conseil d’Etat valide la logique selon laquelle la loi d’urgence du 23 mars 2020 a confié à l’État la responsabilité d’édicter les mesures générales ou individuelles de lutte contre le covid-19 », en vue, notamment, d’assurer leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation ». Comme probablement d’autres arrêtés imposant le port du masque ou instaurant des couvre-feux locaux, « l’arrêté du maire de Sceaux n’est pas justifié par de telles raisons et risque de nuire à la cohérence des mesures nationales et des messages de prévention », tranche le juge.

 

Les circonstances invoquées par Philippe Laurent « tenant à la démographie de sa commune et la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit, ne constituent pas des raisons impérieuses liées à des circonstances locales justifiant que soit imposé le port du masque dans l’espace public de la commune, alors que les autorités de l’État n’ont pas prévu une telle mesure à l’échelle nationale », développe-t-il. Auparavant tant le ministre de l’intérieur Christophe Castaner que le président de la République, Emmanuel Macron, de manière plus allusive, avaient fait part de leur désapprobation sur ce type de de décisions locales.

Un « risque de confusion » au regard des règles nationales

« Les maires deviennent de simples exécutants a pesté, en réaction, Philippe Laurent. Car, au-delà du cas localisé de Sceaux, le Conseil d’Etat estime cette initiative territoriale contre-productive car nuisible à la cohérence nationale des mesures d’urgences : « l’édiction, par un maire, d’une telle interdiction, est susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises par les autorités sanitaires, dans un moment où l’État est, en raison d’un contexte contraint, amené à fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d’autres types de masques de protection », développe le Palais-Royal.

Et la haute juridiction d’enfoncer le clou : « en laissant entendre qu’une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l’arrêté du maire de Sceaux est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par les autorités sanitaires ». Le Conseil d’Etat « donne libre cours à une interprétation très contestable de l’intention du maire, qui a au contraire défendu l’exact inverse dans l’ensemble de sa communication auprès de la population », a réagi par communiqué le maire de Sceaux.

Courrier des maires

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