Le dernier hommage à Massou
Il est retourné en terre , mercredi, entouré par celles et ceux qui avaient compris son art et son message.
Il rêvait d’une nature humaine moins violente n’habitait pas seulement dans la nature. Il était naturellement habité par elle.
C’était certes l’homme de la forêt. Mais La formule est trop réductrice pour qualifier la personnalité peu commune d’un artiste qui, même s’il a vécu dans les bois de Marminiac, ne peut être réduit qu’à un simple fidèle serviteur de cette nature.
Sa pyramide et son gouffre contemplent les années de travail acharné de Jean-Marie Massou. Ses galeries qu’il creusait en étant persuadé qu’elles menaient vers un monde meilleur, puis ses pierres sculptées dont l’une des plus belles orne sa tombe, sont autant de trésors qu’ont su apprécier et comprendre ses amis qui ont accompagné le défunt dans sa dernière demeure. Sa seule. La terre.
Il repose sous les arbres, lui le « grand chêne » solide comme les rocs qu’il soulevait le plus souvent à mains nues. Massou était une force de la nature, parce que la nature lui avait donné cette force.
« S’il te plaît Jean-Marie, arrête de creuser » a lancé avec humour et émotion Rachel French, maire de Maminiac, au terme de son discours empli de compassion pour celles et ceux qui partageaient sa peine parmi la quarantaine de personnes présentes.
La promesse d’André à la mère de Massou
« Jean-Marie était un homme hors du temps. Un homme des bois avec des éclats de génie et des idées qui nous dépassaient. Il n’aurait pas pu survivre à ce monde violent si Dédé (André Bargues, ex-maire) ne s’était pas occupé de lui avec beaucoup de courage et d’ouverture. Jean-Marie savait où il allait avec une certaine clairvoyance » a souligné Rachel French.
André Bargues avait fait une promesse à la mère de Jean-Marie Massou. Celle de ne pas abandonner son fils. Promesse tenue et de la plus belle des manières, puisque l’artiste a été honoré dans un documentaire signé Antoine Boutet projeté à Gindou et à travers une œuvre musicale enregistrée avec Olivier Brisson.
Les deux hommes étaient présents au cimetière de Marminiac mercredi pour rendre hommage à leur ami qui a passé 45 de ses 70 ans de vie dans les bois. Son habitat naturel. L’écrin de ses trésors.
Quand Jean-Marie Massou nous perdait dans sa forêt du Lot
Jean-Marie Massou est mort le 28 mai 2020, à l’âge de 70 ans, dans la forêt de Marminiac, dans le Lot. Au fond de cette forêt où il attendait les extraterrestres, il pratiquait le chant, la sculpture et le collage : une œuvre sauvage, comme lui. Voici l’histoire de notre rencontre avec lui, en 2017.
Je voudrais préciser quelques petites choses et ainsi participer moi aussi à la statue qu’on est en train d’élever à la mémoire de Jean-Marie Massou. Que ces hommages posthumes sont touchants, que toutes ces amitiés qui pointent sont belles ! Cela doit bien l’amuser, l’homme des bois, il doit rire de son gros rire la bouche pleine de terre…
Mes parents habitent relativement près du défunt en question, ils sont un de ses voisins directs et partagent avec lui une frontière dans les bois. Et bien je peux vous le dire qu’ils vivent, eux, avec soulagement la disparition de cet homme, homme qu’ils ont craint et dont ils ont subi « les humeurs » pendant bon nombre d’années.
Car si les langues se délient, exigeons l’honnêteté, et avouons, nous qui l’avons fréquenté ou subi de plus ou moins loin, que Massou était un homme violent, imprévisible et qui terrorisait son voisinage. Que ne raconte t-on pas dans les chaumières d’histoires liées à Massou ! Massou qui débarque à un mariage et jette ses béquilles sur l’assemblée, qui va déterrer sa mère au cimetière, qui poursuit le facteur de son fusil, etc. Oh, bel homme des bois qu’on encense aujourd’hui, grand artiste édifiant par sa vie une oeuvre pleine de sens et de symboles (je cite!) ! Les journalistes se font plaisir, les « amis » sont à l’aise maintenant que sa force brute n’est plus…
Dans le jardin de mes parents, c’était une lampe de poche qui se promenait les nuits de pleine lune, des clôtures régulièrement arrachées, une porte de la maison saccagée, la voiture rayée. Et toutes les nuits dans ce voisinage n’étaient pas tranquilles, vous le comprendrez. Je me souviens de cette promenade dans les bois, avec deux de mes enfants, petits, quand Massou nous agressât, projetant vers nous comme pour nous intimider des pierres grosses comme ça… Oui, il était fort, et il était aussi perdu, seul, en colère c’est certain, car abandonné de tous, depuis toujours.
Car les autorités locales que mes parents avaient contactées (politiques ou médicales) n’y pouvaient rien nous disaient-elles, elles le craignaient (elles, aujourd’hui qui se disent, vieux et grands amis de Massou !), sa nourriture lui était déposée au bout du chemin comme à un chien. Massou était seul, amusant parfois une galerie faite de quelques excentriques, et pour quelques initiés, c’est vrai. Mais il en voulait aussi à ceux-là de leur curiosité, et de faire du profit sur son dos. Comme pour ce court-métrage diffusé au festival de Gindou et dont il était le héros, mais auquel, paraît-il, il n’avait même pas été convié.
Bref… Ne réécrivons pas trop glorieusement l’histoire, et à notre profit, comme pour nous donner bonne conscience. L’histoire de Massou est une histoire triste, violente, qui aurait pu encore plus mal se finir, et dont nous devrions avoir honte je crois. Il était seul, abandonné, en colère encore une fois, il n’a certainement connu que l’amour de sa mère, il est mort comme il a vécu.
Par respect pour lui donc et pour ceux qui l’ont craint, cessez votre vacarme, cessez de réécrire l’histoire par manque de sources et de probité.
Merci à Perot de rétablir la vérité! Il est plus aisé de magnifier les disparus que de reconnaitre ce qu’ils étaient vraiment. Massou? Un génie peut-être mais comme beaucoup de génies ( Dali, Verlaine, Van Gogh…)un « illumine » hors normes et hors du temps. Difficile de composer avec eux de leur vivant, en tout cas une belle pathologie psychiatrique qui aurait mérité d’être traitée ! Personne n’a à s’honorer de ce qu’il était !
Nous avons diffusé le film sur Jean-Marie Massou, « Le Plein Pays » d’Antoine Boutet en 2009, aux 25es Rencontres Cinéma de Gindou, et Jean-Marie Massou a bien évidemment été convié !!! et il était présent, vous pouvez voir une photo avant la projection ici : https://lc.cx/QObiej-z9
Je mets la photo en question (Jean Marie Massou à Gindou) dans l’article
Que de méconnaissance et de manque de recul dans ces propos et combien de mensonges pour faire valoir l’état de victime, (… il doit rire de son gros rire la bouche pleine de terre…) c’est méchant et irrespectueux . De tels propos de la part de cette personne que je n’ai jamais rencontrée montre bien l’ignorance de l’histoire de JM Massou. Et si on le rencontre avec de tels a priori qu’il va forcément déceler en vous, alors évidemment il se méfiera comme un animal ressent les émotions ou les menaces.
Les refus des lettres de sa mère implorant le secours des médecins ou des services sociaux pour une aide ou une prise en charge de son état et les suspicions à son égard ont façonné Massou. Il est devenu un homme « sauvage » dans le sens noble car la société l’a laissé de côté c’est vrai. Il est le miroir de celui qui le regarde: vous en avez peur? il se demande pourquoi; vous le fuyez? il pense que vous avez quelque chose à vous reprocher; vous ne lui dites pas bonjour? il en déduit que vous êtes indifférent … Il pouvait rester chez lui, seul, il l’a fait depuis plus de 40 ans mais il lui a manqué simplement la compagnie, l’amitié, l’éducation, mais certainement pas l’intelligence qui lui a permis de réaliser « son travail ». La notion d’art qu’il soit brut naïf ou tout autre, intervient quand une personnes est livrée à elle même sans subir le formatage de la société, elle en devient le miroir, ou la contradiction, mais elle ne laissera pas indifférent. Massou est de ceux-là. Il ne se décrétait pas artiste, il voulait témoigner et faire passer un message: il ne souhaitait pas de naissances car pour lui c’est mettre au monde des enfants qui seront malheureux lorsque la société leur rendra la vie compliquée, lorsque les maladies les menaceront ou les emporteront et lorsque la pollution les empêcheront de vivre sainement. Les galeries qu’il creusaient, c’était la recherche d’un passage vers un monde meilleur, ses sculptures, c’est pour témoigner de façon durable de la recherche de ce monde meilleur, celui qu’il n’a pas eu. Et il était ravi de travailler avec Antoine pour son documentaire qu’il a apprécié lors de sa projection à Gindou où il était évidemment. Il a été enthousiaste pour collecter ses chants avec l’aide d’Olivier, Julien, Mathieu et Dominique. Il a toujours donné son accord et participé activement, personne n’ a fait de profit sur son dos, c’est vraiment une preuve de méconnaissance que de l’affirmer.
Un voisin, un seul! a contacté le Maire, donc moi à l’évidence, et je n’ai pas souvenir de plaintes déposées ni de lettres contre Jean-Marie Massou de la part d’autres personnes. Accompagner Jean-Marie Massou depuis le décès de sa mère et sur une promesse qui lui a été faite avant de mourir en 1998, ce n’est pas le craindre, c’est l’assister, toutes les semaines, sans le perdre de vue et faire ce que personne ne voulait faire. J’ai tenu ma promesse, n’en déplaise à certains et sans compter quoi que ce soit. Ça lui a permis de vivre, certes de façon particulière mais comme il le souhaitait et je n’ai pas du tout honte de ce que je lui ai permis de faire. Il n’a jamais agressé ou touché quelqu’un, il n’espionnait pas les voisins, il n’arrachait certainement pas les clôtures, il n’a jamais poursuivi le facteur avec un fusil (il n’en avait pas), il n’a jamais rayé de voiture, et il a déplacé sa mère du cimetière parce que une autorisation tout à fait légale, reçue le jour même, le lui permettait (certes la forme et le moment étaient peu communs). Le panier des commissions était laissé en bout de son chemin car il venait au-devant pour le prendre, ou bien il était absent. Il suffit de discuter avec les fournisseurs qui ont été exemplaires à son égard.
Voilà très brièvement une mise au point sur l’histoire de Jean-Marie, cet homme « sauvage » tant redouté et si peu connu. Mais faudrait-il enfermer tous ceux qui un jour pourraient devenir dangereux ou simplement ceux qui ne sont pas conformes à ce que souhaite la société? Je crains que la liste ne soit trop longue et que la notion de dangerosité n’ait plus de limite. Ce serait rechercher un autre monde sans commune mesure avec celui de Jean-Marie et autrement plus destructeur et liberticide. A chacun son utopie.
André Bargues
Maire de 1995 à 2020
Merci de nous révéler la (vérité) face cachée de l’Artiste, dont je me doutais bien… car l’on ne devient pas un homme des bois juste pour le plaisir, mais c’est plutôt (souvent) un repli (recentrage) sur soi suite à une rupture avec notre société qui broie les plus faibles ou les plus vrais !
Le seul fait que son activité d’artiste était souterraine est aussi, pour moi, très significative, demandez à des spéléologues ce qu’ils en pensent (certains s’y sont d’ailleurs mis après la disparition de leur mère) 😉
Ce personnage en effet, peut laisser beaucoup de ressentis différents mais je veux juste rectifier
les propos inexacts. en ce qui concerne le film, Il a été forcément d accord pour le tournage puisque ce film a été fait sur plusieurs périodes et selon les moments où Il avait décidé de recevoir l’équipe cinéma.Et lors de la projection à Gindou, il était présent !..et apparemment heureux de voir le film. . j y étais !
je me permets une petite réponse, puisque je suis avec quelques camarades à l’origine de l’édition des enregistrements de Jean-Marie Massou sur disque, et fait donc, de ce fait, partie de ceux qui soutiennent la grande valeur du travail créatif de Jean-Marie, après Antoine Boutet, l’auteur du documentaire Le Plein Pays, mais déjà bien avant lui des journalistes, des spéléologues qui ont pu présenter le travail herculéen de Jean-Marie dans divers journaux. Déjà en 84 Walter Lewino écrivait une page entière sur lui dans Le Nouvel Obs. Nous ne sommes pas les premiers donc à être particulièrement sidéré par l’ampleur de son « oeuvre ». Dire cela ne sous-entend absolument pas que l’on nie, et la violence et la souffrance qui le traversaient et celle qu’il ne pouvait contenir dans ses relations avec le monde environnant, et donc, bien évidemment, avec son voisinage le plus proche en premier lieu.
L’aspect « extra-ordinaire » de son oeuvre, réside surtout dans la masse colossale d’énergie qu’il a mis à creuser, à graver, à dessiner, à enregistrer… chacune de ces activités, il s’y est investi comme personne. c’est pas une petite galerie par-ci, un petit trou par là, c’est des heures, des semaines, des années à se mettre à la tâche. On imagine facilement, et même tout simplement, on sait bien, que cette énergie qui le débordait, il est plus facile de la regarder par le prisme de ses créations que dans ce qu’elle pouvait créer comme peur autour de lui. Nous ne sommes pas dupes de tensions créées par ses « certitudes », des conflits, etc.
Mais je vous rejoins dans l’idée de ne pas réduire la complexité de l’homme, ni à son « génie », ni à d’ailleurs à sa seule solitude ou à la précarité de ses conditions de vie. Nous n’avons pas que ri avec lui, mais ça nous est arrivé de bien nombreuses fois, nous n’avons pas fait les fiers parfois, mais nous avons aussi été très heureux à chaque fois de le retrouver. Nous avons fait un tout petit bout de chemin avec lui ces quelques dernières années, nous sommes tout à fait conscients que pour lui, ce compagnonnage devait lui paraître bien piètre quant à ce qu’il aurait voulu qu’on fasse.
Après, pour la projection du film d’Antoine Boutet à Gindou il y était, pour les courses, elles lui sont le plus souvent données en main propre (pas dernièrement avec le confinement) et c’était l’occasion de prendre et donner des nouvelles, j’en ai été témoin plusieurs fois.
Il n’y a pas d’idéal, c’est vrai. L’histoire de Jean-Marie Massou n’est pas un scénario de film Disney même s’il en aurait été ravi, et la force de son implication créatrice est sûrement l’autre nom des tensions qui l’habitait, avec les dommages collatéraux dont vous parlez et que je reconnais tout à fait.
Quant à la question psychiatrique, domaine que je connais bien, ce qui est certain c’est que ce que le service publique de santé mentale aurait pu proposer à Jean-Marie Massou n’aurait clairement pas « traiter » ce qui l’animait mais aurait sûrement éteint l’homme tout court.