Le Dr Hengy, alerte sur la réforme conduisant à une médecine 2 vitesses

Dans une lettre ouverte nationale adressée aux élus de la République Française et les préfets, le Dr Gabrielle Hengy, représentant le mouvement « Médecins pour demain », au niveau départemental, souhaite, attirer l’attention de l’ensemble de la population du Lot, sur les conséquences qu’aurait l’adoption de la proposition de loi, concernant la réforme du système de santé en France

Lettre ouverte sur les conséquences de la réforme du système de santé

« Le 10 janvier 2023 ont débuté à l’Assemblée Nationale les séances publiques de discussion concernant la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, n° 362. Nous, médecins libéraux de proximité, réunis au sein du collectif « Médecins pour demain », mesurons l’urgence et la gravité de la situation sanitaire de notre pays. C’est pour sauver ce qui reste garant de la qualité des soins que nous vous demandons de rejeter ce texte.

L’article premier, propose d’ouvrir un accès direct aux infirmiers en pratique avancé (IPA). En plus du suivi des maladies chroniques dites « stabilisées », ils prendraient en charge les pathologies aigües dites « bénignes ». Or, ces diagnostics de stabilité ou de bénignité relèvent d’une expertise médicale.

Selon la loi en vigueur (1)

Le médecin, après concertation avec le ou les infirmiers exerçant en pratique avancée, détermine les patients auxquels un suivi par un infirmier exerçant en pratique avancée est proposé. Cette décision est prise après examen du dossier médical du patient et en référence aux compétences attestées par le diplôme d’Etat de l’infirmier en pratique avancée, délivré par l’université. Le médecin et l’infirmier exerçant en pratique avancée partagent les informations nécessaires au suivi du patient en application de l’article L. 1110-4. Le médecin met à la disposition de l’infirmier exerçant en pratique avancée le dossier médical du patient. Les résultats des interventions de l’infirmier exerçant en pratique avancée sont reportés dans le dossier médical et le médecin en est tenu informé. La transmission de ces informations se fait par des moyens de communication sécurisés. 

C’est un cadre indispensable que la proposition N°362 ferait disparaître et ce dans l’urgence alors que l’expérimentation n’est pas terminée. L’expertise diagnostique médicale ne se délègue pas. La primo-prescription qui en découle immédiatement non plus. L’exercice de cette pratique serait soi-disant sécurisé car seulement possible au sein d’une structure coordonnée. Il existe un flou juridique autour de la responsabilité des médecins membres d’une CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), lors de la signature d’un protocole signé par la CPTS avec un IPA. Qui contrôlera alors le suivi ? Quel médecin en endossera la responsabilité et comment sera-t-il informé des modifications de traitements ? Le cadre doit rester celui des Maisons de Santé ou des équipes de soins primaires. Du temps médical serait-il libéré ? Il est à craindre que nous ayons surtout à coordonner et superviser plus encore. De plus, nous espaçons déjà aujourd’hui les suivis au maximum pour nos patients équilibrés (trimestriel ou semestriel selon les pathologies) et augmenter ces délais pourrait les mettre en danger. Nous mesurons l’intérêt potentiel des IPA, comme celui de l’IDE ASALEE, afin de renforcer le suivi, l’éducation thérapeutique, la prévention pour nos patients chroniques. Malgré cela, il ne peut se substituer au médecin pour le diagnostic et la prescription qui en découle et c’est une erreur majeure de penser qu’il constituerait un gain de temps médical ou encore une économie de santé. L’erreur initiale est que ce texte, partant du constat d’un déficit de médecins, propose que des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non-médecins. Ces professionnels auraient accès aux champs de compétence et de prescription en toute autonomie via le statut d’Infirmier en pratique avancée qui se substituerait au médecin traitant. Cette disposition créera de fait un accès aux soins inégalitaire et sera source de perte de chance dès la porte d’entrée dans le système de soin. Le risque serait celui d’une médecine à deux vitesses : celle des Français ayant un médecin et celle des Français n’en ayant pas. Faisant du même coup disparaître statistiquement les patients sans médecin traitant, suivi par une « équipe de soins traitante ».

Nos propositions, elles, donneront accès à un médecin pour tous et en particulier pour nos patients en Affection Longue Durée (ALD) en libérant factuellement du temps médical. Si nous considérons les 650 000 patients en ALD sans médecin traitant, il faudrait entre 4000 et 6000 médecins traitants pour couvrir les besoins de cette population… Cela correspond aux 28 millions de rendez-vous non honorés chaque année, mais également aux 4000 médecins sur les 9000 diplômés chaque année qui ne s’installent pas du fait de la perte d’attractivité du métier. L’augmentation récente, via le numérus apertus, du nombre de médecins formés chaque année, ne changera rien en termes de nombre total de médecins installées sur le territoire si la proportion de médecins non-installés poursuit sa dynamique.

L’urgence n’est donc certainement pas d’un démantèlement de la profession de médecin traitant mais plutôt à la revalorisation du métier de médecin libéral de proximité afin de créer un choc d’attractivité. Nous ne réfutons aucunement la pertinence de développer le métier d’IPA, mais il ne peut pas devenir une alternative au médecin traitant. L’IPA doit travailler en coordination avec l’équipe médicale, mais à l’initiative de celle-ci, sans accès direct ni primo-prescription, sur le modèle des IPA en spécialité ou hospitaliers. Plus particulièrement, le médecin généraliste traitant, comme identifié dans le décret 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancé, est et doit rester à la fois la porte d’entrée, la pierre angulaire du soin coordonné, mais aussi le garant de la qualité des soins, ce qui passe par une nécessaire supervision des actes de soins médicaux et donc par un nécessaire et indispensable adressage vers l’IPA. Ne vous y trompez pas, cette proposition peut constituer un danger mortel. Elle impliquerait, en cas de validation, un nivellement par le bas de la qualité des soins proposés sur le territoire français et augmenterait les inégalités. Elle aggraverait la défiance et détournerait les jeunes médecins de leur vocation de soigner, aggravant la pénurie de médecins libéraux de proximité. Mesdames, Messieurs les élus et les préfets, vous avez le pouvoir et la responsabilité de sauver la médecine libérale de cette loi aussi extravagante qu’elle augurerait d’un recul majeur pour notre système de soins. »

Le Collectif Médecins pour Demain

medecinspourdemain@gmail.com

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000038549827/

Par Jean-Claude Bonnemère Actu.fr

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