Le frelon asiatique fait toujours des dégâts dans le Lot
La mobilisation aujourd’hui doit être plus importante que jamais pour lutter contre le fléau du frelon asiatique. Un couple d’apiculteur professionnel, Guillaume et Élisabeth Lavoriero, qui s’est installé sur la commune de Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, dans le sud du Lot, tire la sonnette d’alarme : « il est urgent de se mobiliser autour du danger que représente le frelon asiatique ». Il met à mal tout un environnement qui sera lourd de conséquences. Avec les températures douces de l’hiver, il arrive que des nids soient encore actifs jusqu’au mois de janvier.
Un nuisible coriace
Le frelon asiatique est arrivé accidentellement en France en 2004, dans le Lot-et-Garonne. Aujourd’hui, il est considéré comme une espèce invasive qui a su s’adapter au climat, à l’environnement, en prenant une ampleur exponentielle, que l’on pourrait qualifier d’exceptionnelle. À titre d’exemple il aura fallu plusieurs étapes et des centaines d’années avant que le frelon européen arrive sur le territoire français, alors qu’en à peine une dizaine d’années, le frelon asiatique (vespa velutina) a envahi toute la France et continue sa progression, d’environ 100 km par an. Il dépasse largement les frontières pour envahir l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Italie et l’Angleterre.
Actuellement, il représente une menace accrue pour les apiculteurs, d’autant qu’il n’existe aucune méthode de lutte aujourd’hui qui soit assez efficace. Et ce qui est encore plus inquiétant ce sont toutes les variétés d’abeilles sauvages, qui en silence, disparaissent de cette biodiversité.
Un constat navrant
En 2019, le couple d’apiculteurs a perdu des ruches, décimées par les frelons asiatiques. En tant que professionnels, pour eux cette situation n’est pas vivable. Garant de notre maintien de vie sur terre, tout un avenir repose sur les frêles ailes des abeilles qui luttent depuis longtemps déjà contre de multiples agressions (pesticides, varoa, teigne, sécheresse…). C’est pourquoi, le couple Lavoriero souhaite sensibiliser les consciences sur ce problème et déployer tout ce qui est possible pour lutter aux côtés des abeilles contre les frelons asiatiques. Élisabeth souligne : « le frelon asiatique est un souci majeur. Dans les Alpes-Maritimes, nous avons dû déplacer des ruches cet été où il y avait une vingtaine de frelons, asiatique, devant chacune de nos quarante ruches. Par contre sur Castelnau-Montratier, nous n’avons pas eu à souffrir de l’attaque de frelons durant l’été. On a constaté sa présence dès que l’on a commencé à rapatrier les ruches des différents sites. Nous pensions avoir été épargnés mais non. Et dans la vallée, sur une distance de 6 km, 4 nids sont visibles, dont deux non loin de maisons d’habitation à environ 500 m ».
Action – réaction
« Aujourd’hui les apiculteurs sont désespérés. De plus il n’y a pas de syndicat au niveau national donc c’est compliqué d’avoir les retours de tous les apiculteurs, de recenser les problèmes et de faire entendre nos voix » déplore Élisabeth Lavoriero. Mais il en faudrait plus pour décourager le couple. Elle poursuit : « ce que nous voulons c’est informer, sensibiliser pour comprendre l’importance, les risques et les problèmes pour savoir quoi faire. Donner les informations vers qui se tourner quand on constate les nids. Que les élus et acteurs locaux prennent conscience du problème et élaborent un plan de destruction de nids ainsi qu’une mise en place au niveau communal des piégeages et un référent formé dans ce sens ». Le coût de destruction ne doit pas être un frein. Depuis avril 2017, la destruction des nids est à la charge de l’État. Certaines communes ne se sentent pas concernées ou ne veulent tout simplement pas intervenir. D’autres attendent l’automne tout en sachant que les reines quittent le nid et que ce dernier sera détruit pendant l’hiver.
Le GDS du Lot propose même une aide financière pour aider à la destruction des nids de frelons asiatiques. D’ailleurs dans ce souci d’information en partenariat avec l’Union Nationale de l’Apiculture Française, la Chambre d’agriculture, le GDS du Lot, et d’autres soutiens, le couple Lavoriero organisent une réunion d’information à Pau le samedi 25 janvier 2020 de 9 h à 12 h. Ils envisagent aussi d’en faire une sur Cahors.
Info ou intox
C’est bien un des drames de croire que les nids durant l’hiver n’ont aucune activité. Avec le réchauffement climatique, les températures douces, certains nids continuent d’avoir une activité. Des entreprises spécialisées dans la destruction de nids de frelons l’assurent, jusqu’à mi-janvier certaines sont intervenues sur des nids actifs. Mais dès qu’un nid est à l’abandon, lorsque les reines sont allées s’enterrer, les larves et le couvain sont la proie des oiseaux (mésange charbonnière, merle…). Le nid se délite et ne résiste plus à l’assaut du temps. Par contre, il arrive qu’au bout de quelques années, le nid se reconstruise à l’endroit exact de la première colonie. Un phénomène qui n’est pas avéré dans chaque cas mais qui pose quelques interrogations. Les professionnels font en sorte, lors de la destruction, de « désinfecter » l’endroit où la colonie s’est installée pour éviter qu’avec les phéromones laissées, ils viennent rebâtir un nid.
Et attention à tout ce qui circule sur Internet, on y voit tout et surtout n’importe quoi. C’est toujours avec beaucoup de prudence qu’il faut prendre les informations qui circulent. Certains affirment des vérités qui en fait n’en sont pas. D’où l’intérêt de se rapprocher de professionnels qui suivent de très près l’actualité. Ils sont aussi parfois accompagnés par des chercheurs. De fait leur jugement est plus avisé.
Les piégeages
Il n’existe pas de piégeages « miracles ». Ceux qui sont installés au printemps ont malheureusement leurs limites car des espèces d’insectes autres que le frelon asiatique, se font prendre. Celui qui semble prouver son efficacité, c’est le piégeage par protéine (carapaces de crevettes…) installé dès septembre et ce jusqu’à décembre. Les reines fécondées qui partent du nid cherchent assez de nourriture pour passer l’hiver. D’un autre côté des chercheurs travaillent encore sur le piégeage par phéromone.
« Il est urgent de passer à l’action. Toute la chaîne de pollinisation est mise en danger. Les communes doivent se mobiliser pour recenser les nids mais aussi les détruire. Ce n’est pas notre seul intérêt mais bien celui de tous : voisins, agriculteurs, vignerons, population… » renchérit Élisabeth Lavoriero.
Les parents de Guillaume Lavoriero, eux-aussi apiculteurs recevaient, à l’Élysée, vendredi 17 janvier 2020, des mains du président Macron, le 3e prix d’excellence à l’occasion du 150e anniversaire du concours agricole. Ils profitaient de cette occasion pour sensibiliser le chef de l’État sur le problème du frelon asiatique. Le président leur a assuré que « le problème serait pris avec sérieux ».
Le frelon asiatique continue inlassablement de gagner de nouveaux territoires même en montagne. Si rien n’est fait c’est une véritable catastrophe écologique qui se trame.
MARIE-FRANÇOISE PLAGÈS
Ressources : Allô frelon Mercuès (Guillaume Castagné), Figeac guêpes frelon et Landes guêpes frelon (Étienne Roumailhac).
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