Le maire de Figeac: « Sur les capteurs CO2, il faut qu’on ait une position concertée »
les capteurs de CO2
Alors que l’on sait depuis plus d’un an que le Covid-19 se transmet essentiellement par voie aérienne, les capteurs de CO2, permettant de savoir si l’air d’un espace clos est correctement renouvelé, ont mis plusieurs mois à convaincre les autorités. Ils pourraient pourtant être de bons alliés pour lutter contre le virus.
Le gaz carbonique est un gaz expiré lors de la respiration humaine qui s’accumule dans les espaces clos mal ventilés. La mesure de la concentration de CO2 dans l’air permet donc d’apprécier facilement si le renouvellement d’air est suffisant ou non.
Nous avons souvent peu conscience de la pollution de l’air dans notre classe .
Il ne faut pas confondre capteur de CO2 et purificateur d’air ce n’est ni la même utilité ni le même coût (Le prix d’un capteur de CO2 peut varier de 50 à 400 euros)
Surveiller la qualité de l’air et aérer en conséquence est un geste barrière tout aussi nécessaire que le port du masque ou la distanciation physique. Nous voici en septembre 2021, et collectivités, écoles et universités sont de plus en plus nombreuses à se doter de détecteurs. Comment en est-on arrivé là ? Quel est l’intérêt de mesurer la qualité de l’air ? Franceinfo revient sur l’histoire de cet outil, qui a fini tant bien que mal par devenir un allié dans la lutte contre la pandémie.
Tout commence à la fin du mois de mars 2020, alors que la France est confinée. L’aération des espaces clos est alors loin d’être systématiquement indiquée par les autorités sanitaires dans les visuels de prévention sur les gestes barrières. « Au départ, on a pensé que le virus se transmettait à courte distance, se souvient Fabien Squinazi, médecin biologiste et membre du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Mais le virus survit bien dans les gouttelettes qui restent en suspension dans l’air, beaucoup plus longtemps que ce que l’on pensait. »
Au fil des premières études scientifiques, la transmission du Covid-19 à distance est de plus en plus évoquée, via les aérosols, ces micro-gouttelettes expulsées par une personne qui tousse, parle, chante ou respire profondément. Et qui peuvent rester en suspens durant plusieurs heures dans une pièce confinée. « Comme on évoquait déjà la possibilité qu’il y ait une contamination par aérosols, un collègue a eu l’idée selon laquelle le destin des aérosols est le même que celui des molécules de CO2, raconte Bertrand Maury, chercheur au CNRS. Et que si on mesure l’un, on mesure l’autre, même s’il n’y a pas de coefficient de proportionnalité bien connu. S’il y a beaucoup de CO2, il y a beaucoup d’aérosols. »
Une lente prise de conscience
Rapidement, plusieurs groupes de travail se mettent en marche. Et notamment au HCSP, qui publie dès avril 2020 ses premières recommandations sur l’aération des espaces fermés. Des dizaines de chercheurs et de spécialistes se réunissent en collectifs, comme Projet CO2 qui a pour but de rassembler les connaissances et diffuser des conseils, notamment sur l’utilité des capteurs de dioxyde de carbone.
« La littérature scientifique s’est étoffée depuis un an, ça a clairement explosé, se réjouit Bertrand Maury, également membre du Projet CO2. On a découvert de vieilles archives du XIXe siècle, la qualité de l’air était un sujet dont les gens étaient très conscients. Cela a quasiment disparu il y a quelques dizaines d’années, et le Covid-19 a fait que ce sujet est revenu au goût du jour. »
Mais si les travaux scientifiques progressent, le sujet a du mal à percer auprès de toute la population. « Le message de l’aération est arrivé assez tard dans la communication gouvernementale », regrette Fabien Squinazi, du HCSP. Au fil des différents avis du Haut Conseil, de l’arrivée des pictogrammes « Aérez les pièces » dans les plaquettes de prévention des autorités, la qualité de l’air est de plus en plus prise au sérieux. Et avec elle, l’utilité des détecteurs de CO2.
Concrètement, un capteur de CO2 est un boîtier simple, dont la taille varie entre celle d’une grosse éponge et celle d’un boîtier plus imposant. Son prix peut varier de 50 à 400 euros en fonction notamment de ses fonctionnalités qui diffèrent selon les modèles : de simples voyants rouges qui s’allument lorsque le seuil de 800 parties par million (ppm), recommandé par le HCSP, est dépassé ; ou un système plus élaboré de sauvegarde et d’analyse des données.
Ces capteurs existaient avant le Covid-19 : dans les lieux accueillant du public, la loi prévoit déjà des seuils à ne pas dépasser. « Dans la règle générale, c’est 1 300 ppm, explique Fabien Squinazi. Mais le HCSP a été encore plus exigeant, il a demandé à descendre encore plus bas. » A 800 ppm, donc, et même dans des lieux où le port du masque est obligatoire, car il ne filtre pas la totalité des aérosols.
Popularité croissante
La courbe montrant l’évolution de la recherche des termes « capteur CO2 » sur Google en témoigne : ce n’est qu’en 2021 que le sujet intéresse le plus. Au début, en avril 2021, plusieurs études scientifiques confirment la transmission du Covid-19 par voie aérienne. Dans le même temps, l’usage des capteurs de CO2 est recommandé par différents pays, comme la Suisse.
Pendant les vacances de Pâques, la ville de Paris a annoncé qu’elle installait environ 500 capteurs dans 230 établissements, de la crèche au collège. Si aérer les salles de classe est déjà une habitude pour de nombreux enseignants, l’objectif de ce dispositif est d’interroger ces pratiques et de produire une analyse en partenariat avec Airparif et des chercheurs du CNRS. « On a vu que ça avait un impact en termes de comportement. Les enseignants étaient surpris de voir qu’il fallait ouvrir si régulièrement », se réjouit Anne Souyris, maire adjointe en charge de la santé publique.
Les données enregistrées ont été analysées et résumées dans un rapport publié le 3 septembre. Il indique que la majorité des mesures sont comprises entre 800 et 1 600 ppm, mais « pour certaines classes en école, des niveaux de CO2 atypiques ponctuellement supérieurs à 3 000 ppm peuvent être observés ».
Autre mesure, aux conséquences radicales, racontée par Bertrand Maury, dans une université. « Certains bâtiments sont modernes, mais d’autres bien plus vétustes. Un confrère a fait des mesures dans une salle d’examen dans laquelle la ventilation était en panne. Le capteur affichait un taux de l’ordre de 2 000. La réaction a été nette, la salle n’a plus été utilisée », explique-t-il.
Mais c’est en cette rentrée 2021 que l’intérêt pour les capteurs de CO2 a explosé. Le protocole sanitaire élaboré par le ministère de l’Education nationale est clair : « La mesure de la concentration en CO2 à l’aide de capteurs permet d’évaluer facilement le niveau de renouvellement d’air. Il est recommandé d’équiper les écoles et les établissements scolaires de capteurs mobiles afin de déterminer la fréquence d’aération nécessaire pour chaque local. » Mais pas d’obligation, regrettent certains médecins et enseignants. Dans une tribune publiée par Le Monde, un collectif insiste. « La recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle », écrivent-ils.
Lot : les capteurs de CO2 boudés par les collectivités
À grands coups de spots publicitaires, le gouvernement le martèle : l’arme fatale contre la Covid-19 c’est l’aération. Un grand bol d’air… frais, en ce moment, pour limiter la propagation et les contaminations notamment dans les établissements scolaires. Jean-Michel Blanquer incite donc fortement les collectivités à se doter de capteurs de CO2. Ces appareils avertissent quand le taux de CO2 monte trop dans une pièce, les signaux passent au rouge et l’alarme retentit. Le gouvernement a ainsi décidé en décembre dernier de débloquer 20 millions d’euros pour aider les collectivités à s’équiper. Selon le ministère à la mi-décembre seulement 20% des écoles, 38% des collèges et 54% des lycées étaient actuellement dotés de ces capteurs.
Vayrac, l’exception
Dans le Lot, les collectivités semblent loin d’être convaincues par ce dispositif. Une poignée d’écoles lotoises en serait équipée. Fin décembre, moins de 10 % des mairies avaient fait la demande pour obtenir les subventions de l’Etat. D’autant plus que cela reste une aide plafonnée à 50 euros. Le maire de Vayrac, Loïc Lavergne-Azard, est l’un des rares à avoir fait la démarche. « Ce n’est ni une demande des parents, ni du corps enseignant, puisqu’on applique déjà le protocole sanitaire et l’aération des classes. C’est une volonté de la mairie d’équiper les sept classes des écoles maternelle et élémentaire. Une volonté motivée par l’accélération de l’épidémie ces dernières semaines et le courrier reçu en décembre notifiant qu’on pouvait avoir une aide. » explique le maire. Ainsi Vayrac a choisi des capteurs à 150 euros pièce soit 700 euros au total à débourser en déduisant l’aide de l’Etat, un investissement sur l’avenir. « On ne va pas ruiner la commune ! C’est un petit effort, et on pourra toujours s’en servir par la suite pour mesurer la qualité de l’air dans nos classes, tout aussi importante. Il faut relativiser, à côté de cela, on a reçu 80 % de subventions de l’Etat pour les travaux des sanitaires de l’école. » termine l’élu.
Le bon sens des maires
Le maire de Figeac, André Mellinger, a lancé un appel à Jean-Marc Vayssouze, président de l’AMF 46, en début de semaine. « Sur les capteurs CO2, il faut qu’on ait une position concertée. Je vois mal comment expliquer à des parents pourquoi une classe est équipée à Figeac mais pas à Lunan. Si on doit faire quelque chose, ce sera donc de façon concertée ». Mais le maire de Cahors reste sceptique. « Il faut faire confiance aux maires et à leur bon sens. Il n’y a pas forcément besoin de capteurs pour dire qu’il faut aérer, nous le faisons déjà. Sauf peut-être dans les salles qui ont des difficultés pour être aérées correctement. Chacun identifie ses besoins, mais cela reste une recommandation et non une obligation. »
Pas de capteurs dans les collèges
Depuis le mois d’octobre, le Département du Lot a lancé un plan sur la qualité de l’air intérieur dans les 20 collèges pour s’assurer que l’aération est techniquement possible dans tous les locaux et sensibiliser les équipes enseignantes et les agents. L’aération reste le principe fondamental. « Plutôt que de recourir aux capteurs, si bien conçus soient-ils, le Département a choisi de faire appel au sens pratique des enseignants et de ses agents dans les collèges pour assurer l’aération régulière. Nous avons la chance de vivre dans un territoire où l’air extérieur est de bonne qualité, ce qui permet qu’une solution simple soit apportée à ce problème. » soutient-il.
Enfin depuis la rentrée scolaire en septembre, chaque lycée de la région Occitanie est équipé d’un capteur de CO2 mobile. Ces équipements fournis par des sociétés de la région seraient utilisés prioritairement dans les salles de restauration, avait alors précisé Carole Delga, la présidente de la Région.
Sarah Nabli ladepeche.fr
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