Le non cumul des mandats ne concernerait pas les petites communes
Selon la réforme « pour la confiance dans la vie démocratique » présentée par le Garde des Sceaux le 1er juin, il sera impossible à un parlementaire ou président « d’un grand exécutif local » de cumuler trois fois de suite le même mandat. Les petites communes seraient exonérées, le seuil restant à définir. La réserve parlementaire serait supprimée et une « banque de la démocratie » créée pour financer les partis politiques et les soustraire aux « intérêts privés », ambitionne François Bayrou.
Il ne s’agira donc pas d’une réforme de « moralisation de la vie politique » mais d’une réforme « pour la confiance dans la vie démocratique ». La volonté selon le Garde des sceaux, François Bayrou, de prendre acte « que les institutions ne sont pas faites pour rendre les gens vertueux, mais pour éviter que les faiblesses humaines ne contaminent le corps social ». Dit de manière moins philosophique, il s’agirait « de ne pas laisser penser que l’on va régler la morale individuelle par un texte ; la morale est une question de conscience personnelle ». Une entrée en matière lors de sa conférence de presse Place Vendôme qui a précédé une longue explication de texte(s)… et les multiples questions des journlistes sur « l’affaire Ferrand » que le ministre a eu bien du mal à contenir.
Le Garde des Sceaux a fixé trois objectifs :
- « En finir avec un système où la responsabilité publique s’exonère des règles que les citoyens sont obligés de respecter » et ainsi mettre fin « deux poids deux mesures » ;
- « Régler les conflits d’intérêt pour empêcher que la décision qui doit être d’intérêt général se trouve confisquée par des intérêts privés » ;
- « Assainir et garantir l’exercice équilibré de la démocratie ».
Pas plus de trois « gros » mandats identiques de suite
C’est à ce dernier chapitre que semble liée la mesure phare touchant la sphère publique locale : serait désormais interdire le cumul dans le temps de trois mandats successifs et identiques. Et la mesure s’appliquerait aux députés, sénateurs et « grands exécutifs locaux ». « Le Parlement analysera le seuil retenu pour les petites communes » qui seraient exonérées de cette interdiction de cumul dans le temps, a indiqué le Garde des Sceaux. Celui-ci s’est toutefois aventuré à évoquer trois hypothèses : 1 000 habitants, 3 500 ou même 9000. La raison de ce régime d’exception pour les petites voire moyennes collectivités ? « La difficulté à trouver des candidats » dans celles-ci. A l’heure actuelle, le texte ne précise pas si la mesure serait rétroactive, a indiqué François Bayrou, confiant au Parlement la charge « d’en discuter ».
Autre nouveauté : sera intégrée dans la loi la règle, instaurée oralement par le chef de l’Etat, qui veut qu’aucun ministre ne soit président d’un exécutif local.
La fin de certains emplois familiaux…
Second grand chapitre : la prévention des conflits d’intérêts. Seraient interdits « au Parlement et dans les grands exécutifs locaux » les emplois familiaux, dans le périmètre « ascendants, descendants et conjoints ». Chaque assemblée parlementaire aura à instaurer des règles de déport, à l’image de ce qui se fait dans les assemblées délibératives des collectivités, lorsqu’un élu se met à l’écart d’un vote sur un sujet, un projet, sur lequel un conflit d’intérêt peut intervenir.
Le système des indemnités pour frais de représentation (IRFM) serait modifié pour être remplacé par des « remboursements de frais au réel : en présentant factures et justificatifs », chaque assemblée étant chargée de définir les contrôles. Le Garde des Sceaux encourage d’ailleurs vivement la création « de déontologues ou de comité de déontologie ».
…et de la réserve parlementaire
Sujet à polémique quant à son utilisation par les députés et sénateurs depuis plusieurs années, la réserve parlementaire serait supprimée pour « mettre fin aux dérives clientélistes ». Pour cela, l’exécutif veut modifier la loi organique relative aux lois de finances, la « Lolf ». Les fonds ne seraient pas pour autant perdus pour les collectivités car l’équivalent du montant de la réserve serait transféré « à un fonds d’action pour les territoires, notamment ruraux, et des projets d’intérêt général. Et soumis à des critères précis et publics et définis par l’Assemblée nationale », ambitionne le ministre de la Justice.
Par ailleurs, le garde des Sceaux veut instaurer des peines d’inéligibilité de 10 ans pour les élus coupables « d’atteinte à la probité ».
Une banque publique pour les partis politiques
Enfin, l’exécutif veut s’atteler à une refonte du financement de la vie politique. Du côté du contrôle, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) verrait ses moyens renforcés et les partis politiques obligés de faire certifier leurs comptes « à partir d’un certain seuil ». Ces partis se verraient aussi imposer de séparer les fonctions d’ordonnateur et de comptable.
Mais l’exécutif veut aussi faciliter leur financement « et éviter les démarche parfois humiliantes auprès des banques privées » décriées par le patron du Modem. Mesure phare : la création « d’une banque de la démocratie, adossée, comme la Banque publique d’investissement, à la Caisse des Dépôts, pour financer la vie publique », et donner ainsi aux partis politiques « le meilleur moyen d’exercer leur action constitutionnelle », et notamment le financement des campagnes électorales. Le dispositif consisterait en un « mécanisme assurantiel » accordé par cette banque en cas de refus de prêt d’une banque privée, voir la mise en place de « cautions partagées » et de « financements mutualisés », toutes ces pistes ayant pour but de « soustraire les partis politiques au bon plaisir d’intérêts privés ».
Trois projets de loi dont deux discutés à l’été
Toutes ces réformes composeront un important train législatif composé d’une loi ordinaire, d’une loi organique et d’une loi constitutionnelle, cette dernière incorporant notamment la limitation du cumul dans le temps, la suppression de la Cour de Justice de la République ou l’interdiction faite aux anciens chefs de l’Etat de siéger au Conseil constitutionnel.
Cette loi constitutionnelle nécessitera d’être adoptée par Parlement réuni en Congrès à une majorité qualifiée des deux tiers, François Bayrou laissant le soin au chef de l’Etat de se prononcer sur l’utilité ou non d’un référendum. Et ce à l’horizon « de la rentrée » de septembre.
Quant aux deux premiers textes, ordinaire et organique, qui réuniront certaines des dispositions intéressant les exécutifs locaux et les territoires, ils seront discutés « cet été », probablement lors d’une session extraordinaire.
L’ensemble des textes seront par ailleurs soumis à consultation publique, via une plateforme numérique, comme le fut la loi Numérique d’Axelle Lemaire.
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