Le vote du budget de l’état sous le signe du 49.3 – Mode d’emploi.
Les députés examineront le projet de loi de finances pour 2023 à partir de lundi 10 octobre. Sans majorité absolue au Palais Bourbon et alors que les oppositions annoncent leur intention de voter contre le budget, les débats auront lieu sous le signe du 49.3.
Texte majeur, qui doit être examiné chaque automne et adopté avant Noël, le projet de loi de finances fonde la politique du gouvernement. Traditionnellement, les députés de la majorité votent donc « pour », tandis que les élus de l’opposition votent « contre ». Sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, l’équation s’annonce particulièrement compliquée pour l’exécutif qui prévoit déjà d’utiliser l’article 49.3 de la Constitution, qui permet au gouvernement d’engager sa responsabilité. A partir de ce moment-là, le texte est considéré comme adopté, sans vote, sauf si une motion de censure est déposée par l’opposition.
Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure doit être approuvée par la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale soit 290 députés. Depuis le début de la Ve République, en 1958, une seule motion de censure a été adoptée, c’était en 1962.
Le budget : calendrier et procédure
L’examen du projet de loi de finances obéit à une procédure et à un calendrier particuliers.
Sur la forme, le budget est présenté et examiné en deux parties :
– La première partie , prévoit les recettes de l’État et autorise la perception des impôts.
– La seconde partie, prévoit les dépenses, fixe pour chacune des missions du budget le montant des crédits et, par ministère, le plafond des autorisations d’emplois.
En matière de procédure législative:
– Le projet de loi de finances est systématiquement examiné en « procédure accélérée », ce qui signifie qu’une Commission Mixte Paritaire, composée de députés et de sénateurs, est convoquée par le Premier ministre à l’issue d’une seule lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, (alors que dans la procédure classique cette commission est convoquée après deux lectures dans chaque assemblée).
Le nombre de députés et de sénateurs est fixé, en accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à sept titulaires et à sept suppléants pour chaque assemblée.
La composition de la délégation de chaque assemblée obéit à des considérations techniques, politiques et d’équilibre entre les groupes :
La CMP se révèle d’une grande efficacité, en ce qu’elle parvient à concilier deux objectifs qui, à première vue, pourraient paraître contradictoires :
• d’une part, permettre à chaque chambre de faire valoir son point de vue ;
• de l’autre, favoriser le rapprochement des positions lorsqu’un désaccord apparaît au cours de la navette.
A défaut d’accord en CMP, une nouvelle navette a lieu entre le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg, puis le dernier mot revient à l’Assemblée nationale en lecture définitive.
La discussion en séance publique en première lecture devant l’Assemblée nationale porte sur le texte présenté par le gouvernement et non sur le texte adopté par la commission des finances.
Un calendrier précis :
– Le projet de loi de finances de l’année est déposé obligatoirement sur le bureau de l’Assemblée nationale, ( prioritaire) sur le Sénat, avant le premier mardi d’octobre.
– Le Parlement dispose d’un délai de 70 jours pour statuer sur le projet de loi de finances : 40 jours pour la première lecture à l’Assemblée nationale, 20 jours pour la première lecture au Sénat, 10 jours pour la navette parlementaire. Passé ce délai, si le dépassement est imputable au Parlement, le gouvernement peut recourir à une ordonnance pour mettre en œuvre le projet de loi de finances.
Cette année, la première partie du budget sera examiné dans l’hémicycle du lundi 10 au mercredi 19 octobre en première lecture, avec un vote solennel le mardi 25 octobre.
Le 27 octobre, les députés entameront l’examen de la seconde partie du texte avec, à l’issue, un vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances prévu le 15 novembre. Un calendrier qui ne tient pas compte de l’éventuel – et plus que probable – recours l’article 49.3.
Le 49.3 sur le budget . Comment ça marche ?
Depuis 30 ans, tous les gouvernements ont disposé d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce qui leur a assuré de pouvoir faire voter le projet de loi de finances sans avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Sans majorité absolue, le gouvernement d’Elisabeth Borne se prépare à utiliser le 49.3 pour la première fois depuis 1993 dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de finances.
Jusqu’à la réforme constitutionnelle de 2008, le gouvernement pouvait utiliser l’article 49.3 aussi souvent qu’il l’estimait nécessaire. Depuis cette date, son utilisation a été restreinte à un texte par session parlementaire hors textes budgétaires. Pour le projet de loi de finances, ainsi que pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, indispensables au fonctionnement du pays, le gouvernement garde donc la possibilité d’avoir recours au 49.3.
Concrètement, si tel doit être le cas , après une délibération du Conseil des ministres, la Première ministre Élisabeth Borne pourra engager la responsabilité de son gouvernement, à tout moment lors de l’examen du projet de loi de finances et sur tout ou partie du texte.
Une fois l’article 49.3 déclenché, les débats dans l’hémicycle seront immédiatement stoppés : le texte sera alors considéré comme adopté, sauf si 58 députés (au minimum) déposent une motion de censure dans les 24 heures.
Dans la configuration actuelle de l’Assemblée, Le Rassemblement national (89 députés), La France insoumise (75 députés) éventuellement appuyée par ses alliés de la Nupes, ainsi que Les Républicains (62 députés) sont en capacité de le faire.
Une fois déposée, une motion de censure ne peut pas être étudiée moins de 48 heures après son dépôt, puis doit être débattue dans l’un des trois jours de séance qui suivent ce délai. Et pour être adoptée elle doit être approuvée par la majorité absolue, soit 289 députés. Une hypothèse qui semble, à ce stade, peu probable
Le 49.3, quand et combien de fois ?
L’article 49.3 n’ayant pas été utilisé depuis 30 ans dans le processus budgétaire et la Constitution ayant été réformée depuis, une certaine prudence s’impose sur le moment et l’usage que pourrait décider d’en faire le gouvernement.
D’ores et déjà une source gouvernementale envisage que l’exécutif puisse avoir recours au 49.3 jusqu’à cinq fois, c’est-à-dire à chacune des étapes de l’examen du projet de loi de finances, comme lorsque Michel Rocard était Premier ministre en 1989
Source LCP
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