Les accouchements à la maternité de Cahors suspendus ce précédent week-end
A la suite d’un absenteisme imprévu de pédiatres, la maternité de Cahors a du suspendre les accouchements ce week-end, les parturiantes ont été transférées à Montauban, Villefranche-de-Rouergue et Brive ( plus d’une heure de transport).
Marie Piqué et Aurélien Pradié ont vivement réagi.
La maternité de Cahors tourne grâce à un gynécologue-obstréticien et deux pédiatres. Pour une population de 170.000 habitants.
Nombre d’accouchements par an à la maternité de Cahors: 760. Voir ci-dessous, rapport préconisant la fermeture des petites maternités (moins de 1.000 accouchements par an)
ENQUETE. Un rapport préconise la fermeture des petites maternités
Un rapport préconise la fermeture d’une centaine de petites maternités, pour orienter les patientes vers des structures plus équipées. Avec comme conséquence l’allongement du temps de trajet vers la maternité pour les femmes enceintes, notamment en milieu rural.
Toutes les petites maternités de France doivent-elles fermer ? C’est ce que préconise un rapport remis il y a quelques jours à l’Académie de médecine par un grand nom de l’obstétrique, qui ne veut plus de ces maternités qui assurent moins de 1 000 accouchements par an. Mais dans les villes concernées, le personnel des maternités et les femmes enceintes ne sont pas d’accord.
Ainsi, à Autun, dans le Morvan, la maternité manque de personnel et l’hôpital a donc décidé de suspendre son activité. Les femmes enceintes de plus de sept mois sont orientées vers d’autres maternités, parfois à plus d’une heure de route de chez elles.
L’anxiété de la route jusqu’à la maternité
C’est ce qui arrive à Marie : enceinte de huit mois, elle a déjà une petite fille et le trajet jusqu’à la maternité du Creusot la stresse énormément. « Nous avons appris que la maternité fermait et cela a été un gros coup dur moralement : il faut avoir une sacrée organisation, on ne peut pas se permettre de partir au milieu de la nuit, soupire-t-elle. Ce n’est vraiment pas facile… »
« Depuis, je fais beaucoup de crises d’angoisse. Le Creusot, ce n’est pas si loin que cela, mais c’est de la petite route, qui peut être dangereuse. C’est plus angoissant qu’autre chose. »Marie
à franceinfo
Pour apporter un peu de confort aux femmes enceintes qui habitent loin de la maternité, la Sécurité sociale leur propose des nuits d’hôtel, juste avant d’accoucher. Mathilde Lalarme, sage-femme à la maternité d’Autun, trouve cela surréaliste. « C’est complètement farfelu !, se désespère-t-elle. Comment on ose proposer cela à des familles ? La Sécu prévoit un hébergement de cinq jours, comme si toutes les femmes accouchaient dans les cinq jours qui précèdent la date théorique du terme. Pas du tout ! Les femmes qui ont déjà eu des enfants, à 38-39 semaines, elles accouchent ! Comment on va faire ? On ne va pas les isoler pendant trois semaines ! Je ne vois pas comment humainement on peut proposer cela. »
Le trajet, un « faux problème »
Le risque d’accoucher en route, parce que la maternité est trop loin, est infime : trois accouchements sur mille, mais cela reste évidemment angoissant pour les femmes concernées. Ce problème des temps de trajet pour aller à la maternité la plus proche est un faux problème, d’après le Pr Yves Ville, chef de la maternité de Necker à Paris, auteur de ce rapport qui préconise la fermeture des petites maternités. Il y préconise de transformer une centaine de petites maternités en centre périnatal où les femmes seraient suivies avant et après l’accouchement. Le Pr Ville estime que si son plan est mis en œuvre, moins de 1% de la population se trouvera à plus d’une heure d’une maternité.
« Le totem du temps de trajet pour aller à la maternité est un totem qui doit tomber. Le risque n’est pas dans l’allongement du temps de trajet de quelques minutes voire d’une demi-heure, mais dans l’endroit où on accouche : il faut accoucher au bon endroit. »Pr Yves Ville
à franceinfo
D’après lui, le bon endroit pour accoucher sont les maternités de type 2 ou 3, mieux équipées pour faire face à un accouchement qui se passe mal que les petites maternités.
Un mouvement de fond depuis dix ans
D’après ce rapport, il faudrait donc fermer une centaine de petites maternité partout en France : cela donnerait un coup d’accélérateur à un mouvement de fond, puisque 30% des maternités qui font moins de 1 000 accouchements par an ont disparu en dix ans. Celles qui restent ouvertes fonctionnent difficilement, avec du personnel intérimaire. C’est cela qui est dangereux, souligne la présidente du Conseil national des gynécologues-obstétriciens français, le Dr Joëlle Belaish-Allart :
« Proximité, cela ne rime pas toujours avec qualité : oui, il faut fermer les trop petits établissements. Il n’y a pas le personnel suffisant, ni l’expertise suffisante. »Dr Joëlle Belaish-Allart
à franceinfo
« Si vous êtes deux ou trois obstétriciens dans une maternité et qu’il y en a un qui a par exemple le Covid ou qui se casse une jambe, explique-t-elle, il n’en reste que deux pour prendre les gardes. Et obligatoirement, un médecin fatigué prendre de moins bonnes décisions qu’un médecin reposé. »
Certaines femmes accoucheraient seules
Au nom de la sécurité, les représentants de médecins sont favorables à la fermeture des petites maternités, à condition que les moyens soient renforcés pour les autres. Mais ce mouvement risque d’avoir des effets pervers, notamment dans les zones rurales comme au cœur du Morvan, où certaines femmes qui se retrouvent à plus d’une heure et demie d’une maternité préfèrent accoucher toutes seules chez elles. C’est ce qu’a entendu la sage-femme d’Autun Mathilde Lalarme. « Il y a des patientes qui m’ont dit qu’elles se préparaient à accoucher à domicile, en disant qu’au pire, il y avait le vétérinaire ou l’agriculteur du coin pour les aider s’il y avait un problème, s’indigne-t-elle. Moi, en 2023, je ne peux pas entendre ça, c’est insupportable. » Voilà où en sont certaines femmes qui habitent très loin d’une maternité : elles comptent sur le vétérinaire ou l’agriculteur du coin pour venir les aider en cas de problème quand elles accoucheront toutes seules chez elles.
Rappel de Jean-Marc Vayssouze sur l’état de nos hôpitaux dans nos villes:
» À Sarlat, la maternité hospitalière a récemment été contrainte de fermer ponctuellement ses portes. À Montauban, la maternité de la clinique du Pont-de-Chaume est définitivement fermée. À Villefranche-de-Rouergue, le service pédiatrie a dû faire face au manque de soignants. À l’hôpital de Nevers, des médecins du CHU de Dijon ont été acheminés par avion pour faire face au manque cruel d’effectifs. À Niort, à La Rochelle, à Bergerac, à Carpentras, à Vitré, les urgences ont été contraintes de fermer la nuit ou le week-end. Nous sommes arrivés à la fin d’un système qui ne tient plus. Tous les territoires, toutes les spécialités médicales et tous nos concitoyens sont touchés.
Extrait de Medialot