Les agriculteurs et la crise
L’agriculture lotoise n’est pas au fond du trou, mais elle semble souffler le chaud et le froid. D’un côté certains exploitants se réjouissent à juste titre que la fermeture provisoire des frontières favorise la vente, dans l’hexagone, de produits issus du terroir lotois, tandis que d’autres aimeraient pouvoir faire revenir les travailleurs étrangers qu’ils avaient l’habitude de faire travailler dans leur exploitation.
Allez comprendre !
D’autre part, les infos qui se répandent ici et là sur le web semblent indiquer que les exploitants recrutent à la pelle. Donc logiquement toute personne de bonne volonté qui demandera un job saisonnier dans une exploitation ne prendra pas un râteau! La réalité ne démontre pas forcément cela. Info ou intox ? Trois spécialistes s’expriment sur ces questions agricoles et les tendances actuelles.
Christophe Canal, président de la Chambre d’agriculture du Lot
« La plupart des agriculteurs qui avaient besoin de main-d’œuvre sont arrivés à trouver localement les saisonniers qu’ils souhaitaient. Parfois il s’agit de personnels qui n’ont pas l’habitude d’accomplir ce genre de missions, mais ils y parviendront. Ce sont des fonctions relativement faciles. Néanmoins, outre quelques recrutements, de nombreuses exploitations font appel à leur famille, leurs amis et leurs saisonniers habituels. La crainte demeure sur la production de l’asperge où l’on pourrait avoir des besoins de renforts. Mais là encore les exploitants ne font forcément appel au service de remplacement des agriculteurs du Lot, ils s’organisent par leurs propres moyens. Concernant les ventes de fruits et légumes, nous sommes en discussion avec les maires du Lot et la préfecture afin de trouver des solutions pour ouvrir les marchés du Lot. Ceci car nous comptons de nombreux producteurs qui vendent leurs produits frais exclusivement sur les marchés. Nous devrions en ouvrir un maximum dans les règles de l’art en privilégiant les producteurs locaux. Je veux être clair : il ne faut pas stocker mais arriver à consommer maintenant. Les gens ne mangeront pas deux fois plus après ! ».
André Bedou, président du Service de Remplacement agricole du Lot
« Nous savons surtout, actuellement, que les filières de l’élevage rencontrent de gros problèmes. C’est, pour l’instant, notre souci majeur. Ces filières agricoles ont de réels besoins de main-d’œuvre durant toute l’année. Ce sont des emplois à temps partagé. Les cueillettes débutent aussi. Dans ce secteur (fruits et légumes) les problématiques sont liées à l’impossibilité de faire travailler les saisonniers étrangers. Des familles entières venaient du Portugal et de l’Espagne notamment pour travailler dans le Lot. Les frontières étant complètement bloquées, les exploitants ne peuvent par conséquent pas faire appel à cette main-d’œuvre. Certes, tous n’ont pas forcément besoin de ce type de personnel. Ceux qui procédaient ainsi se débrouillent autrement. Apparemment, beaucoup s’en sortent. On vit un drôle de moment. Une période très paradoxale avec une forte demande des consommateurs, mais des difficultés pour assumer le service ».
Ludovic Lascombes, responsable de l’EARL de Gendrou (Saint-Martin-Le-Redon, Soturac, Bonaguil, Vire-sur-Lot…)
« À cause du confinement, de nombreux dispositifs de ventes directes sont à l’arrêt, sauf les magasins de producteurs (exemple : la boutique des Lo’cavhors, à Cahors, dirigée par Bérangère Belon). Notre produit phare c’est la fraise. C’est la grosse production du moment. Le point positif, c’est que puisque les frontières sont bloquées cela ne pourra que favoriser et privilégier la vente de la fraise 100 % françaises sur nos territoires. Cependant, il faut prendre conscience du coût de production et fixer les règles de façon plus équitable. Tous les producteurs de fraises vont s’efforcer d’avoir le moins de casse possible pour pouvoir retomber sur leurs pieds. Mais nous savons très bien que si rien n’est fait, les saisons suivantes feront les frais de celle-ci. Il faudra à l’avenir travailler en très majeure partie avec la fraise française pour soutenir les productions de nos exploitations locales. La fraise est une production très coûteuse. Lorsque l’on observe nos marges, on s’aperçoit vite que l’on gagne très peu d’argent sur le marché de gros. Les prix de vente chez les grossistes ne couvrent pas nos frais. Seule la vente directe nous aide un peu. On ne doit pas se louper sur la cueillette de la fraise de printemps. Nous avons embauché de la main-d’œuvre. J’ai réussi à recréer une équipe, mais nous savons que nous devrons libérer certains employés parce qu’ils sont au chômage partiel dans leur société et qu’ils reprendront leur travail. Pour l’instant nous comptons sur toute notre équipe ».
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