Les cimetières fleurissent
Séparé du centre-ville par les remparts, le cimetière de Cahors est un des lieux emblématiques de la ville, racontant entre ses pierres tombales, deux siècles d’histoire.
C’est là que repose la mère d’Aragon. Sur sa tombe, à moitié recouverte par la mousse, est gravé un poème de l’écrivain. Tous les ans, un inconnu y dépose une plante pour la Toussaint. Adossé aux remparts de Cahors, le cimetière est devenu un lieu aussi bien de recueillement que de promenade. «Au début du XIXe siècle, on s’est rendu compte que les cimetières posaient un problème d’insalubrité et la plupart ont été déplacés hors-les-murs. Dans le cas de Cahors, littéralement», souligne Laure Courget, directrice du service Patrimoine de la ville. Créé en 1807, le cimetière ne fait alors que quelques mètres carrés. Aujourd’hui, après quatre extensions, les progrès de l’urbanisation lui interdisent tout nouvel agrandissement et les places se font de plus en plus rares.
Dans les allées bordées de cèdres et de cyprès, les deux essences emblématiques de la période romantique, toutes les générations se côtoient. Et avec elles, les modes funéraires. «À travers ce cimetière, on retrouve la fascination de nos ancêtres pour l’Histoire», assure Laure Courget. «Il y a tous les courants.» Au début du XIXe siècle l’inspiration vient de l’Antiquité. Des monuments copiant ceux de la Via Appia à Rome émergent du sol, arborant toute une panoplie de détails décoratifs : colonnes brisées, feuilles d’acanthe, volutes, etc. Elles seront remplacées quelques décennies plus tard par des chapelles, symbole du nouveau modèle de l’époque : le Moyen-Age. «Ces chapelles donnent les grands marqueurs de l’image que le citoyen veut transmettre dans le temps, de son importance dans un rang social», explique la spécialiste. Si, avec le temps, les sépultures ont gagné en simplicité, s’appuyant notamment sur la grande révolution architecturale de l’époque, le fer, leur lecture reste la même.
Ici un caveau en forme de temple de Salomon arbore les signes distinctifs des francs-maçons. Là, les armoiries d’une famille sont fièrement gravées dans la pierre. Ailleurs, un prie-dieu, témoigne de la dévotion du défunt – à défaut de sa richesse. Des médaillons, des drapés, des sculptures de madones, d’anges… autant de symboles à interpréter qui ont su traverser les âges.
La guerre du granit
«Une sépulture qui n’a plus de concessionnaire tombe dans l’abandon», martèle Laure Courget. Dans ce cas-là, une solution possible est la reprise. C’est souvent le cas des sépultures en pleine terre. «Ces reprises sont souvent récentes et sont donc souvent des tombes en granit. Elles sont malheureusement tendance à uniformiser le cimetière, à lui enlever de cet éclectisme que lui avait offert le XIXe», déplore la directrice, pesant ses mots. «Aujourd’hui, les reprises passent par un cahier des charges pour la restauration».
Le chiffre : 160
sépultures > historiques. C’est le nombre de tombes anciennes recensées dans le cimetière.
Autrefois les cimetières étaient au centre de village, autour de l’église
L’ossuaire du cimetière de Peyrilles
En 1885, le maire de l’époque, Étienne Rodes décide de mettre en service un nouveau cimetière, afin de fermer l’ancien autour de l’église. Etienne Rodes propose une solution plus originale que la translation de toutes les sépultures, la construction d’un ossuaire. Bien que notaire de profession et non architecte, il dessine lui-même le projet.
Résultat : un petit édifice hétéroclite, proche du temple gréco-romain, orné d’éléments d’inspiration gothique. Aucun symbole religieux et, lors de l’inauguration le 7 juillet 1903, le maire comparera le petit édifice à une « nécropole, République de parfaite égalité, où tout est confondu, les cendres du riche avec celles du pauvre, celles du savant et de l’ignorant, du maître et du serviteur.
Visite du cimetière de Cahors
La première des curiosités est le rempart, contre lequel le cimetière est adossé, qui lui donne un sacré caractère. La porte principale du cimetière est majestueuse, car taillée justement dans ce rempart.
Une des particularités locales et omniprésente est celle des toits en zinc qui couvrent de nombreuses tombes. Ces toits ont des formes variés.
L’intérêt de la visite réside dans la variété des tombeaux anciens. Ici comme ailleurs, néoclassicisme, néogothisme et formes plus contemporaines se côtoient.
La statuaire est en revanche quasiment absente. Deux exceptions cependant :
Tombeau Beragne Garcia Le médaillon est signé Capistron.
Tombeau du docteur Ausset Médaillon réalisé par Cyprien Antoine Calmon.
Le tombeau le plus mis en avant de ce cimetière est celui de la mère du poète Louis Aragon (Marguerite Toucas). Elle s’était réfugiée pendant la guerre à Cahors en 1940, et elle y mourut deux ans plus tard. Sur sa dalle très simple est gravé un poème de son fils : Ici repose un cœur en tout pareil au temps, qui meurt à chaque instant de l’instant qui commence, et qui se consumant de sa propre romance, ne se tait que pour mieux entendre ce qu’il attend. Rien n’a pu l’apaiser jamais ce cœur battant, qui n’a connu du ciel qu’une longue apparence, et qui n’aura vécu sur la terre de France, que juste assez pour croire au retour du printemps. Avait-elle épuisé l’eau pure des souffrances, Sommeil ou retrouvé ses rêves de vingt ans, Qu’elle s’est endormie avec indifférence, Qu’elle ne m’attend plus et non plus ne m’entend, lui murmurer les mots secrets de l’espérance, ici repose enfin celle que j’aimais tant.
Histoire des cimetières
La présence des cimetières depuis des milliers d’années montre l’importance de la place que l’homme accorde à ses ancêtres. L’évolution de la société et de ses lois a clairement influé sur l’histoire des cimetières, des plus anciens aux plus récents.
Les cimetières les plus anciens datent de bien avant le christianisme
Le terme de « cimetière » provient du grec « koimêtêrion » et signifie « dortoir ». Cela s’explique par le fait que dans la croyance chrétienne, le défunt n’est pas réellement mort, il attend seulement sa résurrection.
Bien avant la christianisation, l’Homme pratiquait le culte de la mort en enterrant ses défunts. Dès la Préhistoire, l’inhumation se pratiquait en des lieux symboliques, les protagonistes principaux (chefs, religieux) disposant d’édifices améliorés (nécropole, tumulus*). Certains cimetières sont très anciens et datent de plus de 16 000 ans.
L’histoire des cimetières dans la période antique
Durant l’Antiquité, les chrétiens sont inhumés à l’extérieur des cités, pour des raisons d’hygiène. Au Vème siècle avant J-C., l’application de la « Loi des Douze Tables » prévoit en effet que «L’homme mort n’est ni enseveli ni brûlé dans la ville ». Avec la chute de l’Empire Romain, les nécropoles sont peu à peu abandonnées au détriment des cimetières rapatriés au centre des villages, près des lieux de culte. Selon la croyance, la proximité du corps avec l’église déterminait le degré de protection de Dieu.
Par conséquent, les demandes d’enterrement à l’intérieur ou aux abords de l’église étaient nombreuses, bien que réservées dans un premier temps aux évêques, aux abbés et aux prêtres puis, plus tard, aux laïcs.
L’histoire des cimetières du Moyen-Âge à nos jours
Au Moyen-Age, les cimetières sont de grands espaces ouverts, peu à peu délimités par des murs. Au XVIIIème siècle, la présence des morts parmi les vivants est mal tolérée. Les sépultures retournent en périphérie des villes. En 1776, un décret royal interdit définitivement les sépultures dans l’église. A Paris, par exemple, face à la promulgation de cette loi et à la fermeture des cimetières de villes (Saint-Sulpice, Les Innocents), des cimetières sont créés, comme celui du Père Lachaise en 1804.
Le cimetière devient laïc et passe donc du ressort de l’église à celui de la commune. Que les cimetières soient anciens ou récents, ils restent avant tout des lieux de repos, de recueillement et de mémoire.
*la nécropole est un groupe de sépultures ; le tumulus est un amas artificiel de terre ou de pierres recouvrant une sépulture.
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