Les députés votent l’interdiction des néonicotinoïdes à partir de septembre 2018
Les députés ont tranché, jeudi 17 mars, dans l’épineux débat au sujet des néonicotinoïdes, qui divise jusqu’au gouvernement. Un amendement interdisant cette famille de pesticides, nocifs notamment pour les abeilles, a été adopté en commission, à 30 voix contre 28. Si elle est confirmée, l’interdiction entrerait en vigueur le 1er janvier 2018, un an après la date initialement avancée.
Un courrier de Le Foll pour faire renoncer les députés
Plusieurs centaines d’études scientifiques ont prouvé la nocivité des néonicotinoïdes sur les abeilles et pollinisateurs sauvages, mais aussi sur les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les oiseaux et finalement l’être humain, ont argumenté les écologistes et certains socialistes.
Ce dossier divise le gouvernement. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait adressé une lettre aux députés, vendredi 11 mars, pour les appeler à ne pas procéder à des « interdictions brutales » au seul niveau français, qui pourraient désavantager les agriculteurs par rapport à leurs homologues européens. La ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, avait exprimé sa surprise au sujet de cette méthode, et critiqué « les combats d’arrière-garde ».
A l’initiative de la France, l’Union européenne avait déjà restreint certains des usages des néonicotinoïdes en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés.
C’en est fini des néonicotinoïdes dans les champs français. A partir du samedi 1er septembre, ces pesticides sont bannis en France, afin de protéger les colonies d’abeilles décimées par l’usage de ce produit chimique.
Disponibles depuis le milieu des années 1990, les néonicotinoïdes, ensemble de sept insecticides neurotoxiques (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame, nitenpyrame et dinotéfurane), sont devenus les insecticides les plus utilisés dans le monde. Betteraves, blé, colza, arbres fruitiers, vigne… Ils sont utilisés pour débarrasser les cultures des chenilles, cochenilles, pucerons ou insectes mangeurs de bois.
Mais depuis l’arrivée de cet insecticide, les apiculteurs français constatent une hausse de la mortalité dans leurs ruches. Les néonicotinoïdes qui s’attaquent au système nerveux des insectes affectent les pollinisateurs : abeilles et bourdons désorientés, sperme des mâles altéré…
Face à cette situation, l’Union européenne (UE) a décidé en avril d’interdire pour les cultures de plein champ l’utilisation de trois substances (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride). La décision, qui permet toutefois les usages sous serres, entrera en vigueur complètement le 19 décembre.
Les agriculteurs dénoncent une impasse « dramatique »
Mais la France a décidé d’aller plus loin. La loi biodiversité de 2016 prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes à partir de ce 1er septembre. Un récent décret d’application précise que les cinq substances jusqu’alors autorisées en Europe pour des usages phytosanitaires sont concernées (les trois visés par l’UE, plus le thiaclopride et l’acétamipride). Des dérogations sont possibles au cas par cas jusqu’au 1er juillet 2020. Mais elles ne seront délivrées que pour des produits à base d’acétamipride, et dans de « faibles volumes », assure le ministère de la transition écologique.
Des dérogations inacceptables pour les ONG, qui réclament l’interdiction d’autres pesticides. « Ne nous limitons pas à cette famille. Beaucoup d’autres devraient être interdits », plaide François Veillerette, de Générations futures. Dans son viseur, notamment, des produits parfois appelés « néonicotinoïdes de nouvelle génération » : la flupyradifurone, non autorisée en France, et le sulfoxaflor, substance active de deux produits, que l’association a fait suspendre la vente par la justice l’an dernier.
Mais pour plusieurs syndicats agricoles, dont la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), les paysans se trouvent aujourd’hui dans une impasse « dramatique », assurant ne pas avoir de solutions de remplacement. Un « très grand nombre de producteurs » se retrouvent « dans une impasse technique dramatique », ont-ils dénoncé.
« Il faut aux producteurs des solutions avant toute interdiction ! Encore une fois, ces décisions, non assorties de propositions de substitution, vont accentuer les distorsions de concurrence avec les producteurs européens et non européens. »
Les producteurs de betteraves et de maïs réclament ainsi une dérogation. Mais selon un rapport récent de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), il existe des alternatives « suffisamment efficaces, et opérationnelles », chimiques ou non chimiques, pour la grande majorité des 130 usages phytosanitaires des néonicotinoïdes.
Le Monde