Les transports, une question de « survie » pour les petites villes
Gare à ne pas fermer les petites lignes ou laisser les infrastructures dans un état sinistré pour ne pas condamner les petites villes ! Agitant le chiffon rouge des fractures territoriales comme de la crise démocratique, les élus de l’Association des Petites Villes de France demandent à l’Etat d’agir au plus vite sur l’offre de mobilités.
« Nous souhaitons mettre fin à l’exclusion par les transports et éviter l’assignation à résidence des habitants des petites villes. La mobilité ne doit pas être un frein au développement des territoires, avec des chefs d’entreprises avant tout préoccupés par les questions de desserte. Elle ne doit pas davantage être un frein à l’épanouissement des habitants, dont certains ont déjà dû refuser des emplois. » Au vu des mots employés devant la presse, mardi 15 mai, le député (PS) Christophe Bouillon a parfaitement épousé le discours de l’Association des Petites Villes de France (APVF) dont il est récemment devenu président.
Preuve en est, son discours sur l’importance des mobilités pour les petites villes se retrouve quasi mot pour mot dans leur dernière contribution sur le prochain projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) et la réforme ferroviaire. L’association ajoute tout de même une couche supplémentaire, plus politique : « ne pas être en capacité de se déplacer librement, dans une société de plus en plus mobiles, conduit inexorablement à l’exclusion et au déclassement. » Sans le dire trop fort, les élus des petites villes n’hésitent ainsi pas à faire le lien avec le creusement des fractures territoriales et sociales mais aussi « le développement de comportements électoraux de rupture – l’abstention ou le vote extrémiste. »
Ré-investir dans les « petites lignes » ?
Bref, le sujet des mobilités est essentiel pour l’Association des Petites villes de France. Les élus, réunis mardi 15 mai dans les locaux de l’APVF à Paris, disposent de marges de manœuvre, par exemple pour « accompagner la mutation des usages liés à la voiture individuelle (covoiturage) », mais ils attendent surtout, dorénavant, un geste de l’Etat central. Et les voilà que certains comme le maire de Saint-Flour, Pierre Jarlier, se prennent à rêver d’un « grand plan d’investissements » permettant de « remettre à flot les infrastructures du quotidien en mobilisant des investissements exceptionnels de l’Etat sur les lignes ferroviaires et routières le nécessitant, y compris les plus petites. » Comment ? En créant une redevance poids-lourds, une taxe sur le kérosène des liaisons aériennes ou bien encore en faisant participer financièrement les sociétés d’autoroutes au financement des infrastructures de transport.
Prenant acte des « mots rassurants » du gouvernement concernant le rapport Spinetta et l’éventuelle fermeture de petites lignes, l’APVF demeure, en attendant, plus que vigilante. « Attention : le gouvernement ne doit pas se contenter de transférer la responsabilité de fermer certaines petites lignes aux régions. Cela représenterait une double-peine pour les habitants des territoires ruraux, qui doivent déjà faire face à l’explosion des prix du carburant » avertit le vice-président de l’association. Le gouvernement ferait bien mieux d’investir dans les petites lignes pour assurer une meilleure qualité de service, à entendre les membres de l’association. « Ne rien faire pour les petites lignes et les petites villes coûtera plus cher demain » prédit Pierre Jarlier, faisant référence aux millions voire milliards d’euros mobilisés pour la lutte contre la désertification des territoires et la revitalisation des centres-bourgs comme des centres-villes.
De la nécessité d’améliorer la qualité de service
Christophe Bouillon réclame donc audit exhaustif des petites lignes « ne se contentant pas simplement de rentabilité et des chiffres de la fréquentation. » « Quand vous avez un réseau exsangue et dégradé débouchant sur une offre dépourvue de qualité, et des horaires ne correspondant pas aux usages, il ne faut pas s’étonner d’une faible demande » abonde Jean-Michel Morer, maire de Trilport. Pour l’APVF, les décideurs devraient également prendre en compte le potentiel de développement des territoires avec les projets urbains et économiques prévus, les avantages environnementaux ou encore le potentiel de basculement vers le train des automobilistes « râlant contre la congestion routière. »
Autre sujet de préoccupation : la gouvernance des différents réseaux de mobilités et particulièrement des gares. L’APVF demande que les communautés de communes soient ainsi habilitées à agir en matière de mobilité « dans les territoires, notamment ruraux, ne disposant pas à ce stade d’une autorité organisatrice. » Conscient que l’avenir d’un certain nombre de petites lignes se jouait notamment dans leur articulation avec d’autres réseaux ferrés, il n’oublie pas pour autant qu’elles doivent aussi être mieux connectées aux autres modes de mobilité. Objectif : corriger des ruptures et certaines incohérences en réfléchissant à la mise en place de « bassins de mobilité » pouvant connecter plusieurs bassins de vie ou intercommunalités.
« La gare est essentielle à toutes les mobilités, pas qu’aux trains » explique Christophe Bouillon. Le député de Seine-Maritime et président de l’APVF se dit « très heureux de la tenue des Assises de la mobilité qui nous ont permis de faire remonter nos propositions, même si nous aurions préféré que les parlementaires débattent de la loi d’orientation des mobilités (LOM) avant la réforme ferroviaire, afin de pouvoir défendre une vision globale dans laquelle s’intègre le ferroviaire. » « L’avenir des gares réside dans leur caractère multimodal. Elles doivent devenir de véritables plateformes de mobilité. C’est pourquoi nous souhaitons donc que les maires soient associés à leur gouvernance, à leur commercialisation, aux aménagements urbains à proximité » revendique Jean-Michel Morer.
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