L’extraordinaire vol des chauves-souris
Le mercredi 5 février a eu lieu la première Soirée Faune au Jardin Bourian. La salle était comble ; nombreuses étaient les personnes venues écouter Yannick Beucher, spécialiste du vol des oiseaux et des chauves-souris. Le comportement de ce petit mammifère volant intrigue. Quels itinéraires et quelles distances parcourt-il la nuit ?
Yannick Beucher, écologue et agronome, a créé le bureau d’études environnementales Exen en Aveyron. Aujourd’hui, ils sont 40 à étudier le vol d’oiseaux et de chauves-souris face aux éoliennes. Le suivi de la mortalité faunique liée à ces infrastructures est obligatoire en France. Ces recherches apportent beaucoup de connaissances et permettent de mieux comprendre et protéger les chauves-souris.
Une écologie surprenante
Compte tenu de leur écologie, il y a de quoi être fasciné. Au cours de l’évolution leurs mains se sont considérablement allongées jusqu’à devenir le seul mammifère volant. Ils émettent des ultrasons pour s’orienter dans l’espace et capturer leurs proies en vol. De plus, ils ont une longévité remarquable qui contribue à la survie de leur espèce ; c’est dû à leur capacité à régénérer leurs cellules.
Un autre aspect intrigant est leur organisation dans la colonie. Au printemps, les femelles se groupent pour élever leurs petits dans ce qu’on appelle des nurseries, véritables crèches. Leur comportement est social : les femelles prennent également soin des autres petits.
Des vols à différentes altitudes
Toutes les sous-familles de chauves-souris ont des schémas de vol différents : certaines volent très haut, comme les noctules, d’autres restent au-dessus des lisières ou des cours d’eau. Ce sont les structures dans le paysage qui les aident à s’orienter. La Pipistrelle commune, une chauve-souris minuscule que l’on retrouve souvent autour de nos maisons, a un vol à la cime des arbres et peut parcourir une distance de chasse d’environ deux kilomètres par nuit. Les chauves-souris aiment généralement suivre les cours d’eau remplis d’insectes, leurs proies préférées, mais elles y vont aussi pour s’hydrater.
Découverte de la Grande Noctule
L’équipe de Y. Beucher a le mérite d’avoir localisé pour la première fois la Grande Noctule en France. En 2013, ils souhaitaient trouver leur lieu de mise-bas. Ensemble, ils ont passé une semaine entière dans les bois. Ils ont finalement trouvé plusieurs femelles avec leurs jeunes dans une loge de Pic noir. Le réalisateur Pascal Gaubert les a suivis pour réaliser son film Noctulambule.
Depuis, ils ont découvert que cette colonie se déplace presque tous les trois jours d’un endroit à un autre, utilisant 80 nids de pics. Elles ont donc besoin de nombreux vieux arbres. Ces trous dans les arbres sont des lieux de coexistence ; les chauves-souris peuvent être dans le haut du creux sans gêner le pic plus bas !
Les spécialistes ne savent pas comment elles communiquent pour se déplacer. En revanche, ils commencent à distinguer leurs cris et leurs communications. Il est très probable qu’une meneuse guide la colonie.
Vols très lointains
La taille de la Grande Noctule est comparable à celle d’un merle. Cela présente des avantages pour la recherche puisque l’équipe peut installer un émetteur GPS de trois grammes sur leur dos. Lorsque les Grandes Noctules changent de nids, les cordistes de l’équipe grimpent aux arbres pour retrouver ces petits trésors d’informations qui tombent au bout de quelques jours d’utilisation. Les itinéraires de leurs vols sont ensuite matérialisés sur des cartes topographiques. Quelle surprise de découvrir qu’une Grande Noctule a parcouru pendant une nuit une distance de 120 kilomètres pour revenir au nid d’origine !
Les techniques GPS évoluent vite et vont aider à connaître encore mieux les parcours et les moments des vols. Grâce à ces études, on peut programmer des temps d’arrêt des éoliennes et leur meilleure orientation. Selon les chiffres, cela a déjà considérablement réduit la mortalité.
Les effets des coupes à blanc
A la fin de la séance, plusieurs membres du public ont exprimé leur inquiétude quant aux effets du déboisement. Cela a évidemment un impact négatif sur l’habitat, a-t-il répondu. Si ces coupes sont réalisées au printemps ou en été dans des zones peuplées, cela est fatal pour la colonie.
Une autre question concernait l’utilité de placer les gîtes d’été contre une façade. Yannick Beucher a expliqué que l’exposition doit être sud-est pour capter la chaleur matinale. Les chauves-souris auront peut-être besoin de temps pour découvrir ce gîte. Compte tenu de leur longévité et du fait qu’elles peuvent revenir plusieurs années, il est préférable de leur fournir des abris durables dans le temps, a-t-il conseillé à l’auditoire captivé par ses explications.
Deux films à voir en août
Le film « Noctulambule », réalisé par Pascal Gaubert en 2013, retrace l’aventure de l’équipe de Yannick Beucher pour trouver les nurseries de la Grande Noctule. Dix ans plus tard, ce réalisateur a réalisé un court métrage sur les émetteurs GPS utilisés par Exen. Ces deux films seront projetés en août au Jardin Bourian, lors de la prochaine Nuit de la Chauve-Souris, événement national
Le mercredi 5 mars 2025, la deuxième Soirée Faune aura pour invitée l’écrivaine Fabienne Raphos sur l’importance du vivant dans sa vie en son œuvre. Renseignements, tel : 06 18 34 69 34 ou jardinbourian@gmail.com.
De gauche à droite : Tineke Aarts, bénévole au Jardin Bourian et organisatrice de la soirée, Aline Gillard, coordinatrice et Yannick Beucher.