Nouvelle grève chez les médecins généralistes du Lot, pour une semaine au moins…

Après la première grève du début du mois de décembre, les médecins généralistes adhérents du mouvement spontané « Médecins pour demain » né en septembre dernier, accentuent leur démarche à l’échelle nationale, en déclenchant une grève pour une semaine. Le Dr Gabrielle Hengy, médecin généraliste à Limogne-en-Quercy, représentante du collectif « Médecins pour demain » revient pour ActuLot.fr sur les enjeux face auxquels se trouvent confrontés les médecins généralistes.

Un mouvement de grève national

Après les deux jours de grève des 1er et 2 décembre 2022, qui ont connu un large écho chez les médecins généralistes, en même temps qu’ils accentuaient les inquiétudes au sein de la population, quant au devenir de cette profession en France, une nouvelle grève débute ce vendredi 23 décembre 2022, qui pourrait voir le mouvement s’élargir et se durcir. Les entretiens menés à Toulouse par une délégation de médecins grévistes et les représentants de la CPAM, de l’ARS, du Conseil national de refondation, sont restés lettre morte et le budget de la Sécurité sociale a été voté avec passage en force (article 49.3), sans prise en compte des revendications. Le collectif « Médecins pour demain » (mouvement asyndical et apolitique), déplore que l’État fasse la sourde oreille alors que la désertification médicale gagne du terrain.

Incompréhension face aux décisions du Gouvernement

« Pourquoi rallonger les études d’une 4e année d’internat, alors qu’il y a un besoin criant de médecins généralistes à travers l’ensemble du territoire national », déplore le Dr Hengy. Cette décision du Gouvernement suscite une vive incompréhension au sein de la population et jusque dans les rangs des facultés où ont eu lieu plusieurs grèves, ces dernières semaines.

« Notre objectif c’est de prendre en charge, le mieux possible, le maximum de patients, or en l’état actuel des choses, la situation est bloquée, par manque de moyens », précise le Dr Hengy. Les médecins généralistes font valoir un encombrement de l’exercice de la médecine par des contraintes administratives et mettent en avant diverses propositions : notamment, disposer de locaux adaptés afin de procéder à l’embauche d’une assistante médicale qui prendrait en compte le volet administratif et la préparation des patients avant les consultations.

Pourquoi cette demande d’augmenter les honoraires ?

« Or, tout ce que nous pouvons mettre en place pour améliorer l’organisation de notre travail, diminuer les temps administratifs représente un coût et ce n’est pas en laissant le prix de la consultation bloqué à 25 € que nous y parviendrons » observe le Dr Hengy. Par ailleurs, des honoraires à 25 € n’ont plus d’effet attractif auprès des étudiants en médecine, de plus en plus nombreux à rechercher des alternatives, à l’étranger ou vers d’autres orientations… Autre revendication, l’arrêt des forfaits fixés par la CPAM sur des objectifs de santé publique.

À partir de ce vendredi 23 décembre, tous les médecins qui suivent le mouvement « Médecins pour demain » laisseront leur cabinet fermé, durant toute la semaine de Noël. Dans un premier temps, cette grève est appelée à durer jusqu’à vendredi 30 décembre 2022, voire si les négociations restent bloquées, avec des prolongations…

Des statistiques alarmantes sur le mal-être des médecins

« Actuellement, les médecins travaillent en moyenne 55 heures par semaine et plus de 20 % du temps de travail se passe hors consultation : administratif, gestion du cabinet », insiste le Dr Hengy. Le résultat des études menées au niveau national fait froid dans le dos. Ainsi, sur le plan de la santé, un médecin sur deux « souffrira, a souffert ou souffre d’épuisement professionnel ». Le taux de suicide dans la profession est 2,6 fois supérieur au reste de la population. Cette souffrance touche également de jeunes médecins, puisqu’un interne se suicide tous les 16 jours en moyenne. La profession médicale va mal ; alors qu’elle assure 90 % des soins et 96 % des urgences. « Avec 25 €, nous ne pouvons pas : louer des locaux spacieux aux normes, acquérir du matériel de qualité, embaucher du personnel pour libérer 10 à 15 h de temps médical. Dans ces conditions, les médecins craignent de s’installer. 10 % seulement s’installent à la fin de leurs études, 40 % ne feront jamais de médecine libérale. Cette situation fait écho à une pénurie médicale croissante. Premièrement, par le vieillissement des médecins et deuxièmement par le manque de jeunes médecins. « Certes la situation ne date pas d’hier et découle de décisions politico-économiques en cours depuis 30 ans » observe le Dr Hengy.

Les principales propositions du collectif « Médecins pour demain »

Devant le constat évoqué précédemment, a été créé en septembre 2022 un groupe de réflexion, sous la houlette du Dr Christelle Audigier. À force de discussions, sondages multiples, débats, des propositions ont émergé issues des médecins de terrain. Ils étaient 5 au départ créant le collectif « Médecins pour demain », lequel regroupe à présent plus de 15 000 médecins. Leurs propositions :

Toutes charges et imposition déduites, le retour financier des honoraires de consultation des médecins généralistes dépasse à peine les 10 €. « Ce n’est pas avec ces bénéfices que nous serons en mesure d’investir, ni sur le matériel ni sur les locaux, et encore moins sur l’embauche de personnel. Or le souci qui se présente à nous c’est de constater une réduction constante du nombre de confrères en exercice.

« Médecins pour demain » demande :

– La consultation de base à 50 € remboursée, aux dépens des forfaits coercitifs. La revalorisation des consultations des spécialités où celles-ci sont particulièrement longues et complexes comme la pédiatrie, la psychiatrie, l’endocrinologie et la rhumatologie par exemple.

– le renoncement à la coercition à l’installation en faveur d’une aide à l’installation. Nous proposons de créer un guichet unique en ligne avec un interlocuteur dédié afin de simplifier les démarches.

– nous défendons le cumul des actes puisqu’actuellement le deuxième est à moitié prix et le troisième gratuit.

– nous souhaitons une baisse des charges administratives : par l’emploi, possible grâce à la revalorisation des honoraires, et la responsabilisation des patients. Le site declare.ameli.fr a permis pendant le COVID une autodéclaration des arrêts de travail. Ceci pourrait être appliqué avec les arrêts de moins de 3 jours et les jours enfants-malades.

– un autre point important pour nous : l’accès aux soins pour tous, notamment pour les patients particulièrement précaires et fragiles que sont ceux en affection longue durée et les personnes handicapées. Un médecin pour chaque patient est faisable. Mais où sont ces patients ? Nous proposons d’établir une cartographie ou une géolocalisation afin de pouvoir mieux orienter les patients vers les médecins du territoire.

– il serait également important de lever la limite de télé consultation de 20 % qui permettrait un meilleur accès aux soins, bien que de moindre qualité, ainsi que pour les psychiatres.

– il nous paraît important de lutter contre les rendez-vous non-honorés. Pour rappel, ce chiffre s’élève à 48 millions par an de rendez-vous non-honorés soit l’équivalent de 4000 médecins à temps plein. 4000 médecins ! Devant la perte de chance inacceptable pour les autres patients et l’impact de santé publique, il s’agirait d’instaurer une pénalité pour responsabiliser ces patients n’honorant pas leurs rendez-vous.

Tout le monde le perçoit au quotidien, le nombre de médecins généralistes n’est pas en mesure de faire face à la demande. Les représentants de « Médecins pour demain » proposent des solutions venant du terrain et s’interrogent à savoir qui se sentirait mieux placé qu’eux pour préconiser des solutions adaptées aux réalités du territoire ; des administrations ? Des cabinets ministériels ? Ceux-là mêmes qui n’ont rien vu venir pendant 30 ans ?

Cabinets médicaux fermés

Au cours de cette semaine de grève, les cabinets médicaux seront fermés. Une permanence de soins sera assurée le soir et le week-end. En cas d’urgence les appels basculeront sur le 15.

Par Jean-Claude Bonnemère Actulot.fr

Crédit photo : Dr Gabrielle Hengy  (©JCB )