Petites et moyennes villes, cibles prioritaires du Rassemblement national aux municipales
Sociologie et géographie importent beaucoup
Pour Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, il existe des raisons sociologiques et géographiques à ce constat.
« Dans les villes les plus peuplées, la part des diplômés du supérieur, des cadres et des professions intermédiaires est très significative, or il s’agit des catégories de la population les plus réfractaires au vote frontiste. La part des employés et surtout des ouvriers dans la population locale est, en revanche, plus importante dans les communes de taille petite ou moyenne, or c’est dans les milieux populaires que le RN bénéficie du plus de soutien » détaillent les auteurs. Les deux acolytes de l’Ifop constatent également que la part de la population issue de l’immigration au sein du corps électoral est souvent plus importante dans les grandes villes que dans les villes petites et moyennes, ce qui constitue à leurs yeux un « handicap structurel » à la croissance du vote RN en milieu urbain. Et pour cause : ces populations représentant en effet « un électorat opposé au parti lepéniste ».
D’un point de vue géographique, les auteurs constatent que les plus petites villes sont essentiellement des communes rurales ou périurbaines souvent en prise avec des questions liées à l’accès au marché du travail, aux services publics et où un fort sentiment de relégation domine : « des ingrédients constituant un terreau fécond pour le vote RN » notent-ils encore.
L’effet de réputation
Mais si les plus petites villes, comptant une présence immigrée « réelle mais limitée », apparaissent clairement comme le cœur de cible de l’électorat RN, il est paradoxalement aujourd’hui assez compliqué pour le parti de « monter » des listes dans ces communes.
Fourquet et Manternach démontrent en effet que, qu’à l’instar d’autres partis, le RN ne dispose pas du maillage militant suffisant pour « présenter des listes dans les très nombreuses communes de moins de 5000 habitants ». « À ce handicap commun aux autres partis, vient s’ajouter le fait que la dé-diabolisation est loin d’être achevée. Figurer sur une liste du RN n’est pas anodin et est loin d’être banalisé. Dans de nombreux territoires, et notamment dans les petites communes, le risque de réputation demeure et afficher son appartenance ou sa proximité au frontisme ne va pas de soi et peut être source de tensions avec son entourage familial, amical, professionnel ou de voisinage » pointent les auteurs.
Chances de victoires dans les bastions historiques
Le sondeur et le géographe estiment ainsi que les potentialités de victoire du RN lors du prochain scrutin municipal se concentrent surtout dans les villes de 5000 à 50 000 habitants. En se basant, sur les résultats des précédentes élections, Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach estiment « qu’il faut que le RN ait au moins réalisé un score de 35% dans la commune aux dernières élections européennes pour pouvoir espérer l’emporter aux municipales de 2020. » Des villes qui, géographiquement, se situent le plus souvent dans les Hauts-de-France et le pourtour méditerranéen au cœur des bastions historiques du parti lepéniste.
Toujours d’après ces deux analystes, la conquête de villes de 5000 à 50 000 habitants est très stratégique pour le RN, d’abord, car se frotter à la gestion municipale permet au parti de former des cadres ce qui est « absolument décisif pour un parti comme le RN qui ne dispose pas d’un vivier important d’administrateurs ou de cadres territoriaux encartés ou sympathisants. »
Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach notent enfin que la conquête de villes moyennes lors du scrutin de 2014 (Béziers ou Hénin-Beaumont) a permis, grâce à « un effet domino », d’essaimer plus facilement et de conquérir aux élections suivantes, les départementales de 2015, certains cantons : « la commune constitue un maillon-clé dans les processus de conquête électorale d’un territoire. »
Enquête du politologue Jérôme Fourquet et du géographe Sylvain Manternach Courrier des maires
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