Pollution des grottes du Lot à cause de l’épandage
Dans son dernier ouvrage « Naissance de la vie : une lecture de l’art pariétal » aux éditions Rouergue, Michel Lorblanchet, ancien directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l’art préhistorique dresse un constat sans appel. Pour l’historien Lotois, par ailleurs membre de l’Observatoire scientifique participatif de la méthanisation dans le Lot, il y a urgence à préserver les grottes menacées par la pollution. Celui qui se décrit comme un « vieil aborigène du Quercy » de 85 ans se veut aussi lanceur d’alerte. Avec 800 000 visiteurs par an dans les grottes, le patrimoine culturel du Lot est aussi un patrimoine économique.
Je suis inquiet pour l’avenir de ces grottes qui contiennent des peintures exceptionnelles. Et je suis d’autant plus inquiet que le patrimoine que nous possédons dans le Quercy est extraordinaire : une trentaine de grottes ornées de peintures, une cinquantaine de grottes contenant des habitats préhistoriques et des sépultures ainsi que près de 80 grottes renfermant des espèces d’animaux disparus avec des ossements. C’est un patrimoine qui permet de retracer l’histoire humaine et naturelle de notre région depuis des millions d’euros avec une richesse incomparable.
Et ce patrimoine est aujourd’hui menacé ?
Oui, il est victime des épandages car tout ce qui est déposé à la surface de ces plateaux calcaires, le lisier et le digestat notamment, s’infiltre dans les sols. Ces influents liquides dangereux pénètrent dans les couches archéologiques. J’ai observé des écoulements de ces produits dans les rivières souterraines ou baignent les gisements préhistoriques comme à Foissac dans l’Aveyron où une cinquantaine de squelettes stagnent dans les eaux. Résultat : ils se retrouvent souvent recouverts de purin, tant et si bien que les visites sont obligées d’être interrompues tant l’odeur est désagréable. Cette pollution s’est aggravée depuis plusieurs années à cause de l’utilisation du digestat lié à l’élevage industriel. À Padirac, une pollution aux algues blanches liée à une accumulation de phosphates se déclare aussi sans que l’on ne sache encore à quoi elle est liée. Des analyses sont réalisées très régulièrement.
Quels sont les risques ?
Les vestiges sont contaminés et les couches sont imbibées de ces produits chimiques polluants donc les datations au carbone 14 ne pourront plus se faire. Ces produits sont agressifs et acides, ils attaquent les ossements. Voir une nécropole de 5 000 ans avant J-C baignée dans des matières fétides c’est inacceptable. C’est d’autant plus grave que ces grottes sont classées monuments historiques.
Pour les préserver, faut-il pour autant faire la même chose qu’à Lascaux, c’est-à-dire interdire les cultures, les routes, les parkings et les constructions autour ?
Pas à ce point. Je préconise un périmètre de protection avec une étude géologique à réaliser en fonction des strates pour interdire les épandages au-dessus de la grotte. Il y a d’ailleurs une exception. À Pech-Merle qui reçoit 70 000 visiteurs par an, des spécialistes travaillent et étudient l’atmosphère de la grotte avec des appareils enregistreurs pour détecter les signes de pollution et pour l’instant elle est en parfait état. Mais si elle reste aussi bien préservée c’est parce que cette équipe étudie le milieu souterrain avec la plus grande vigilance et que la municipalité suit les consignes. Les visites y sont d’ailleurs limitées.
On pourrait vous reprocher de faire de l’agribashing…
Je ne veux pas jeter le discrédit sur les agriculteurs, j’ai vécu avec eux toute ma vie. Mais l’évolution industrielle peut être dangereuse. Je ne suis pas contre les paysans, je suis favorable à la « méthanisation à la ferme » mais pas à la méthanisation industrielle.
L’Observatoire de la méthanisation s’en empare
Hélène Hargitai, la sous-préfète de Gourdon assure que cette question est prise au sérieux par l’Etat : « Nous avons déjà été alertés sur le risque de dégradation des grottes qui contiennent des dessins rupestres, cette problématique sera traitée dans un des six ateliers de l’Observatoire de la méthanisation. Une analyse scientifique sera menée pour distinguer ce qui relève réellement de la pollution, on doit d’abord caractériser le risque et à partir de là, on en tirera des conséquences ».
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