Pourquoi les prix de l’essence et du diesel sont en hausse. Le kérosène pas taxé?
A la pompe, les prix du diesel et de l’essence ont augmenté pour les automobilistes. Deux raisons expliquent cette hausse, qui impacte le pouvoir d’achat des Français.
A la pompe, en faisant le plein de leur véhicule, les automobilistes voient en ce moment leur pouvoir d’achat diminuer. Le prix moyen du litre de sans plomb 95 était jeudi de 1,599 euro en France et celui du gazole s’affichait à 1,550 euro. Selon des chiffres officiels du ministère de la Transition écologique et solidaire publiés lundi, le prix du gazole vendu dans les stations-service françaises s’affichait en moyenne la semaine dernière à 1,5331 euro le litre, soit 1,14 centime de plus que la semaine précédente.
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Montée des prix du pétrole et hausse des taxes en France
C’est la première des raisons : la hausse mondiale des cours du pétrole, qui dépassait mercredi matin les 80 dollars le baril contre seulement 57 dollars il y a un an. Le prix des carburants varie en fonction des cours du brut, du taux de change euro-dollar, du niveau des stocks ou encore de la demande.
Mais ce n’est pas la seule raison. En France, cette augmentation est en fait couplée avec une hausse de la fiscalité, qui pèse pour 60% sur le carburant. L’exécutif a en effet augmenté en 2018 les taxes sur l’essence et sur le diesel, respectivement de 4 et 7 centimes d’euros par litre, pour favoriser une convergence fiscale entre ces carburants et lutter contre le réchauffement climatique. Cette politique devrait être renforcée en 2019, avec des hausses de 6 centimes pour le diesel et 3 centimes pour l’essence, puis à nouveau jusqu’en 2022, l’objectif étant de rendre l’essence moins onéreuse que le diesel, jugé plus polluant. Cette progression s’explique notamment par la hausse de la contribution climat énergie (CEE), sorte de taxe carbone intégrée aux taxes sur les carburants et le fioul.
Ce qu’assume Edouard Philippe. « C’est un choix politique et je pense que c’est un bon choix », avait déclaré le Premier ministre il y a un mois sur France Inter, évoquant aussi « l’évolution des prix des matières premières » qui ne relève absolument pas du gouvernement.
« Double peine » pour les Français qui roulent au diesel
« Le fait qu’il y ait un rattrapage du diesel sur l’essence pour des raisons de santé publique ne nous pose pas de problème, c’est même assez logique », assure à l’AFP François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV. « Le problème, c’est qu’aujourd’hui on cumule de fortes augmentations de taxe et la flambée des prix du pétrole », ajoute ce dernier, qui appelle l’exécutif à geler les hausses prévues l’année prochaine pour éviter de pénaliser les contribuables, « notamment dans les zones rurales
Car si l’essence a augmenté, le prix du diesel est passé au-dessus ces derniers jours dans plusieurs stations-service. Un phénomène inquiétant pour le portefeuille des contribuables, car le gazole représentant 80% des volumes de carburant vendus en France. Pour eux, « c’est la double peine », constate Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile. « Ils subissent à la fois les prix du carburant qui augmentent et une valeur résiduelle de leur voiture qui baisse fortement parce que le marché des véhicules diesel d’occasion s’effondre. »Les Français étaient incités par le gouvernement, jusqu’à il y a encore cinq ans, à privilégier le diesel au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, rappelle Flavien Neuvy. Ces motorisations consomment environ 10% de carburant en moins et émettent donc moins de CO2. Mais leur bilan moins favorable en matière d’émissions d’oxydes d’azote, des gaz nocifs pour la santé, a incité le gouvernement à inverser totalement sa politique depuis la loi sur la transition écologique votée en 2014.
Sur le marché du neuf, la part du diesel est tombée sous la barre des 40% en septembre, contre 73% en 2012.
Une « difficulté » pour le pouvoir d’achat des Français
Reste que ces hausses ont un impact sur le pouvoir d’achat des Français. « Une bombe atomique », selon le député Les Républicains Marc Le Fur. Une « flambée dangereuse », pour l’association 40 millions d’automobilistes… « Il y a une vraie difficulté, je le reconnais », a concédé mercredi le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, disant « entendre » les problèmes rencontrés par « les personnes qui prennent leur véhicule diesel pour se rendre au travail le matin ».
Pas question pour autant de revenir sur le calendrier fiscal du quinquennat. « Soit la maison brûle, soit elle ne brûle pas. Mais si la maison brûle, il est temps de s’en occuper et d’apporter des réponses », a insisté le ministre lors de la séance des questions à l’Assemblée nationale.
Toutefois, plusieurs pistes ont été avancées ces derniers jours par la majorité pour compenser les pertes de pouvoir d’achat ou renforcer les dispositifs d’accompagnement des contribuables, à l’image du chèque énergie. Lors des débats en commission sur le projet de budget 2019, le député LREM Mathieu Orphelin a ainsi proposé d’aider les ménages des zones rurales et périurbaines en cas de forte hausse des prix sur une période de plusieurs mois. D’autres ont suggéré d’utiliser le gain de TVA lié à la hausse du prix du pétrole pour accroître les aides à la transition énergétique, et notamment la prime à la conversion automobile. Une proposition à laquelle Bruno le Maire s’est dit « favorable ».
Instaurée le 1er janvier, la prime à la conversion prévoit le versement de 1.000 euros voire 2.000 euros pour les ménages non imposables en cas de mise au rebut d’un vieux véhicule. Elle connaît un net succès, avec plus de 170.000 dossiers déposés mi-septembre. Cela suffira-t-il à calmer la grogne des automobilistes? Cette proposition va « dans le bon sens » mais cela reste « largement insuffisant », estime François Carlier, qui rappelle que les taxes sur les énergies fossiles rapportent près de 23 milliards d’euros par an à l’Etat.
(avec AFP) le 18 octobre 2018
Pourquoi le gouvernement ne taxe-t-il pas le kérosène des avions ?
C’est une interrogation qui revient à chaque nouvelle flambée des prix à la pompe : pourquoi le kérosène englouti par les avions de ligne n’est-il pas taxé comme tous les autres carburants ? Il échappe en effet à la Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) ainsi qu’à la TVA.
C’est pourtant l’un des carburants les plus polluants, puisque le transport aérien émet 14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée, note le Réseau action climat (RAC). Ainsi, un vol aller-retour Paris-Pékin émet 1 239 kg d’émissions de CO2 par passager, soit l’équivalent des émissions d’une famille pour se chauffer pendant un an en France.
Une taxation des vols intérieurs en France permettrait de recueillir quelque 500 millions d’euros par an. Et le manque à gagner se monte à 3 milliards d’euros par an si l’on prend en compte tous les vols au départ et à l’arrivée sur le territoire français, analyse le RAC. Pourquoi le kérosène est-il épargné par les taxes ? Elements de réponse.
Parce que des accords internationaux empêchent toute taxation
Cette particularité remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous explique Ouest-France, quand les Etats-Unis ont voulu donner de l’activité à leurs usines d’avions militaires en favorisant l’aviation civile et les liaisons internationales. La Convention de Chicago, adoptée en 1944, prévoit ainsi que le carburant d’un avion ne peut pas être taxé à l’arrivée. Et cette convention ne peut être modifiée que par un vote unanime des 191 Etats membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
De nombreux pays ont par ailleurs signé des accords bilatéraux excluant la taxation au départ comme à l’arrivée. Pour autant, cela n’a pas empêché les Etats-Unis, le Japon, le Brésil ou la Suisse de taxer les vols intérieurs. En France, le carburant utilisé pour l’aviation est lui totalement exonéré de taxe intérieure sur la consommation, mais aussi de TVA. « Ainsi le kérosène est le seul carburant d’origine fossile dont la consommation ne supporte aucune taxe », regrette le Réseau action climat.
Parce que le secteur aérien est déjà mis à contribution
Si le carburant est exempté de toutes taxes, ce n’est pas le cas des autres composantes du secteur aérien. L’avion est ainsi le seul mode de transport à financer intégralement le coût de ses infrastructures par des taxes et des redevances. Les contrôles de sûreté dans les aéroports sont également financés par ces taxes, rappellent Les Echos, alors que normalement cette tâche est du ressort de l’Etat. Le coût de la sûreté aéroportuaire est estimé à 800 millions d’euros par an, rappelle La Tribune. Un chiffre qui pourrait doubler avec l’installation d’ici à 2020 de nouveaux équipements, imposés par Bruxelles.
L’avion est également le seul moyen de transport assujetti à une taxe de solidarité imaginée par Jacques Chirac. Elle permet de financer l’organisme international Unitaid, une organisation internationale d’achats de médicaments à destination des pays en voie de développement. Sans oublier la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Créée sur le principe « pollueur-payeur », cette taxe doit être payée par tout exploitant d’aéronef et ses recettes sont théoriquement affectées, dans leur intégralité, au financement des aides versées aux riverains de l’aéroport concerné.
Parce que les tentatives de taxation ont toujours échoué
En 2012 et 2015, des députés écologistes ont tenté de supprimer progressivement l’exonération de taxe dont bénéficie le carburant des avions. En vain. Cet amendement au projet de loi de finance a été rejeté en commission : la mesure devait en effet augmenter de 12 % le prix d’un trajet en avion en France.
L’objectif est évidemment de protéger les compagnies aériennes françaises face à la concurrence des compagnies à bas coût qui peuvent se ravitailler à l’étranger. Ainsi, pour Air France, dont le court courrier est déjà la principale source de pertes, cela représentait une charge fiscale supplémentaire de 300 à 400 millions d’euros par an.
GROGNE –
La mobilisation en vue d’un blocage national le 17 novembre ne cesse de prendre de l’ampleur. Les automobilistes en colère affichent des gilets jaunes sur leur tableau de bord en signe de ralliement à la protestation.
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