Prévention contre la corruption au niveau local
Le parlement et le gouvernement comptent reporter de quelques années la mise en place du registre du lobbying auprès des élus locaux, prévue en juillet 2018. Le temps pour les PME et l’Etat de se préparer.
Nouveau recul dans la lutte anti-corruption ou geste de bienveillance vis-à-vis des PME et des pouvoirs publics ?
Le gouvernement et les parlementaires envisagent de glisser un amendement discret dans l’article 38 du projet de loi sur le droit à l’erreur. Il annule l’entrée en vigueur au premier juillet 2018 de l’obligation de transparence des lobbyings auprès des élus locaux pour repousser cette mesure de trois ans à 2021. Une commission mixte paritaire devait entériner ce changement ce jeudi mais elle a échoué pour d’autres raisons.
La loi Sapin 2 impose déjà depuis l’an dernier aux « représentants d’intérêt » de communiquer à la haute autorité sur la transparence de la vie publique (HATVP) leurs rendez-vous avec les parlementaires et les cabinets du gouvernement. La loi prévoyait également son application pour les élus locaux mais avec un décalage à l’année 2018, considérant que le nombre bien supérieur d’élus locaux risquait de compliquer la mise en route de la HATVP.
Soutien du gouvernement
A quelques mois de la mise en place de l’obligation, les députés comme les sénateurs, à droite et à gauche ont débattu lors de la première lecture son annulation ou son report. Un amendement de droite des députés plaidait notamment pour l’abandon d’une mesure qui va « faire peser des obligations déclaratives disproportionnées sur des petites et moyennes entreprises, voire sur des TPE, ou sur des fédérations et des associations locales. » La mesure promettait de compliquer la vie des PME et des petits acteurs rencontrés quotidiennement par les maires ou les exécutifs locaux.
Le rapporteur du texte à l’assemblée, Stanislas Guerini (LREM), explique aux « Echos » être sur la même ligne que le gouvernement en faveur d’un report de quelques années qui sera rediscuté en deuxième lecture. L’ONG Transparency International, promoteur de la disposition, refuse tout abandon mais accepte un compromis. « Nous souhaitons que le registre de la Haute Autorité fonctionne et acceptons quelques années de report » justifie Elsa Foucraut, chargée de suivre les dossiers de transparence et d’intégrité de la vie publique à l’ONG.
L’association a fait du renforcement de la lutte contre la corruption dans les collectivités sa priorité des prochaines années. « Les citoyens mais aussi les élus locaux sont aujourd’hui demandeurs de plus de transparence » affirme la militante. L’édition 2017 de l’observatoire de la mutuelle Smacl, qui mesure les risques juridiques pesant sur les dirigeants de collectivités, confirme la hausse des poursuites, mandats après mandats. La moyenne annuelle devrait être sur ce mandat de 251 cas, contre 96 dossiers annuels à la fin des années 1990. Les manquements au devoir de probité constituent 40 % des motifs des contentieux, le premier motif. Ces chiffres sont à relativiser, notamment car le nombre de poursuites pénales a doublé dans le même temps. A proportion, moins de trois élus sur mille sont mis en cause, « on est loin du tous pourris » souligne l’observatoire.
Plan de prévention
Transparency International insiste maintenant pour que Macron respecte sa promesse de campagne et impose aux collectivités l’adoption de plan de prévention. Formation des agents, protection des lanceurs d’alerte, cartographie des risques, etc., Elsa Foucraut assure que des collectivités pionnières ont déjà mis en place des déontologues, et d’autres publient les données de leurs marchés publics. L’ONG prévoit dans les mois à venir de mobiliser les collectivités au sein d’un forum pour échanger les meilleures pratiques. De son côté, l’association Pour une démocratie directe, qui a obtenu en 2011 la transparence sur l’ancienne réserve parlementaire, milite maintenant pour un accès libre aux dépenses publiques, en particulier celles des collectivités territoriales.
Le Point – M. Quiret
Les timides avancées des collectivités locales pour prévenir la corruption en leur sein
L’étude menée conjointement par l’Agence française anti-corruption avec l’appui du CNFPT met au jour la lente progression d’une culture de la prévention de la corruption chez les exécutifs locaux et cadres territoriaux et plus encore une gestion du risque très peu structurée. Seule l’instauration d’un référent déontologue progresse, surtout dans les plus grandes collectivités.
En février dernier, l’Agence française anticorruption, en partenariat avec le CNFPT, avait décidé de sonder les collectivités sur leurs pratiques de prévention de la corruption. Les premiers résultats, que le Courrier des maires s’est procurés, n’incitent guère à l’optimisme quant à la prise en compte du « risque corruption » dans les structures publiques locales.
Sur les 3 277 acteurs publics locaux ayant répondu à la consultation de l’AFA (1), couvrant 8% des communes, 47% des départements et 72% des régions, mais aussi 27% des offices publics de l’habitat et 33% des centres de gestion des ressources humaines, les notions sont certes connues : « plus de 90% des répondants connaissent les notions de corruption, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Ce pourcentage atteint encore 72% pour le trafic d’influence », relate l’AFA. Le délit de concussion, à savoir «le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû » comme le veut sa définition juridique, est en revanche inconnu de 35% des acteurs.
Une organisation interne défaillante
Et surtout, c’est la structuration en interne pour prévenir la corruption qui reste faible… Si 26% des répondants indiquent que la question générale de la corruption « a été évoquée dans leur milieu professionnel au cours des 6 mois précédents », les dispositifs obligatoires en matière d’éthique et d’intégrité ne sont pas légions.
Ainsi, les dispositifs d’alerte interne et de protection des lanceurs d’alerte ont été mis en place dans 31% des régions et 35% des départements, et dans seulement 9 % des communes, 5 % des intercommunalités. Un taux qui atteint 15% dans les sociétés d’économie mixte (Sem) et sociétés publiques locales (SPL) .
Le référent déontologue essaime, l’approche par les risques défaillante
Quant au référent déontologue, prévu par le décret n° 2017-519 du 10 avril 2017, il est l’apanage des grandes collectivités car présent dans 58 % des départements mais seulement 20 % des communes et 19 % des EPCI. Le contrôle interne affiche de meilleurs taux de diffusion : 85 % des régions, 67 % es départements et 25 % des communes.
Enfin les dispositifs de prévention de la corruption issus de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « sapin 2 », sont à ce jour ignorés de la quasi-totalité des acteurs publics locaux. « L’approche par les risques n’est présente que dans 1,7 % des cas et 5,9 % seulement des acteurs publics locaux disposent d’un code conduite. La formation spécifique en matière d’anticorruption ne concerne encore que 3,3 % des entités et ne s’adresse aux élus que dans 1,3 % des cas », constate l’AFA.
Un cours en ligne sur la prévention de la corruption
Fruit d’un partenariat entre l’AFA et le CNFPT, un séminaire en ligne (Mooc) gratuit sera consacré à la prévention de la corruption dans la gestion publique locale et disponible dès le 24 septembre prochain.
Note 01:sur 110 000 acteurs locaux destinataires du questionnaire. Les répondants sont des fonctionnaires territoriaux : agents administratifs (39%) et cadres (24%), et des élus (29%). –
Chiffres Clés
- 12% des acteurs publics locaux ayant répondu à l’enquqête déclarent que leur collectivité a été confrontée à un cas d’atteinte à la probité dans la période récente
- ans 4% des situations, des procédures disciplinaires ou pénales ont été engagées.
Un cours pour nous aider à lutter contre la corruption
À propos du cours
Tout agent territorial est susceptible d’être un jour exposé à un risque de corruption. Quelles que soient ses missions, il peut se trouver en difficulté face à une invitation qui lui est faite ou parce qu’il participe à une décision impliquant un de ses proches ou encore parce qu’il doit conseiller un élu sur une décision sensible.
Les collectivités territoriales exercent de multiples compétences et elles sont en contact avec divers publics : entreprises, associations, usagers, autres collectivités, administrations,…Elles assument une part non négligeable de la commande publique en France. Elles mènent des politiques qui ont des conséquences directes sur la vie des habitants et sur le tissu économique local.
Pour ces différentes raisons, elles sont également exposées à des risques d’atteintes à la probité.
Réalisé par le CNFPT et l’Agence française anticorruption, ce cours en ligne traite de l’ensemble des atteintes à la probité : corruption, favoritisme, détournement de fonds publics, concussion, prise illégale d’intérêts ou trafic d’influence. Il détaille les situations qui font naître ces risques dans la gestion publique locale. Il présente les mesures que les collectivités territoriales peuvent prendre pour anticiper et prévenir ces risques. Il comprend également des modules de sensibilisation des agents territoriaux. Il leur donne des clés pour réagir de manière adaptée s’ils étaient sollicités ou témoins. Il s’appuie sur des cas concrets.
Accessible sans prérequis technique particulier, ce cours bénéficie en outre de l’éclairage de nombreux intervenants institutionnels (Agence française anticorruption, Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Défenseur des droits, Parquet national financier, Commission européenne…), de fonctionnaires territoriaux et de chercheurs. Il fait également appel à l’expérience de grands témoins.
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