Que disent les associations du rapport sur le méthaniseur de Gramat
Les résultats du rapport sur les conditions de fonctionnement du méthaniseur de Gramat, ne sont pas du goût de 11 associations qui demandent des précisions.
Mardi 19 novembre 2019, à la Sous-préfecture de Gourdon, Jérôme Filippini, préfet du Lot, présentait les conclusions du rapport relatif aux conditions d’exploitation du méthaniseur de Gramat. Une semaine plus tard, 11 associations signent un communiqué commun, assorti de tout un éventail de questions restées sans réponse à leurs yeux.
Communiqué in extenso : « En remarque liminaire, les associations telles que FNE et le GADEL, le syndicat la Confédération paysanne comme le collectif citoyen et les riverains n’ont pas pu rencontrer en particulier les inspecteurs généraux comme ils le souhaitaient, mais ont été invités lors de l’audition collective d’avril 2019.
Si ces derniers n’ont pas relevé de « risques significatifs », cela ne veut pas dire que les risques n’existent pas.
Contrairement à ce que nous avions cru, en avril, ils n’ont traité que le méthaniseur de Gramat, sans prendre en compte les deux derniers arrêtés (cuve de GNL et plan d’épandage).
Des risques sous-évalués ?
Les associations et collectifs persistent à dire que les risques n’ont pas été suffisamment évalués, pris en compte et maîtrisés.
Si les risques avaient été maîtrisés, si une vraie transparence était installée, les associations et collectifs ne continueraient pas à poser des questions auxquelles ils n’ont toujours pas de réponse.
Par ailleurs, les inspecteurs généraux ont émis plusieurs recommandations ou prescriptions :
Les associations et collectifs se félicitent de la recommandation 8, à condition que les associations, collectifs, et riverains y soient associés, à travers la mise en place d’un observatoire scientifique participatif de la méthanisation permettant de :
– suivre les mortalités apicoles pour mettre à jour d’éventuelles (ou l’absence de) relations avec les épandages de digestat ;
– caractériser l’évolution de la microfaune du sol sous différents modes de fertilisation ;
– étudier la dynamique d’infiltration du digestat ;
– suivre la qualité? des eaux souterraines sur les causses du Quercy en développant les méthodes qui permettent d’identifier et de séparer les causes possibles d’atteinte a? cette qualité? ;
– caractériser la valeur agronomique du digestat.
Élaborer un Guide
Les inspecteurs en projetant le « Guide des bonnes pratiques de gestion des effluents d’élevages en milieu karstique » qu’ont élaboré tous les partenaires concernés dans le Doubs, ont certainement voulu indiquer aux autorités du Lot, l’importance de cette table ronde demandée par les associations et collectifs depuis le début et qui a toujours reçu une fin de non-recevoir !
En effet, une grande partie des problèmes seraient résolus si un tel guide était appliqué dans le Lot.
Les associations et collectifs citoyens souhaitent que le collectif national scientifique national pour une méthanisation raisonnée (CSNM) qui comprend plusieurs disciplines (agronomie, hydrogéologie,…) soit intégré dans cet observatoire, par souci de transparence et d’objectivité.
Des nuisances perdurent
Malgré ces constats et recommandations, les associations, collectifs, riverains constatent que
Les nuisances d’odeurs sont toujours subies par les riverains parce que le digestat n’est pas inodore comme le prétend Bioquercy : les odeurs lors des épandages sont la preuve que le digestat n’est pas sans odeur.
Pour les riverains, le problème des odeurs est loin d’être résolu, contrairement à ce qu’ont laissé entendre les inspecteurs généraux.
Par ailleurs, ils subissent, en plus des odeurs, comme le personnel de la Quercynoise, des émissions de produits toxiques, cancérigènes et mutagènes :
En effet, les rejets atmosphériques de l’ensemble des cheminées n’ont jamais été évalués.
L’excès de risque individuel (ERI) de développer un cancer, n’a été évalué que pour le seul moteur cogénération (1 200 kW) alors qu’il fallait cumuler les émissions des autres cheminées voisines du site comme celle du bio-filtre, du filtre à charbon, des chaudières à gaz (plus puissantes que le co générateur), du système de récupération de chaleur, du moteur de cogénération et de la torchère).
Quid du GNL ?
Une cuve de Gaz naturel liquéfié, (GNL) a été autorisée pour satisfaire les besoins en chaleur de la Quercynoise, le biogaz produit ne suffisant pas !
L’électricité supplémentaire que le GNL permet, est non seulement subventionnée mais encore devient une énergie fossile « verte ». Or, elle représente 30 % du gaz nécessaire pour satisfaire les besoins de la Quercynoise. !
Des risques envers la biodiversité ?
Les inspecteurs ont demandé plus de transparence sur les analyses de digestat : (affichage continu des analyses, résultats chiffrés plutôt que « conformes », surveillance de la composition du digestat en recherchant les éléments nocifs trouvés dans les prélèvements lors de l’incident de déversement de digestat à Alvignac (360 000 litres), que sont les siloxanes, l’antimoine, et le cadmium (reprotoxiques) en plus du Cuivre, du Zinc et du Nickel.
En milieu karstique, les clostridies devraient être recherchées systématiquement d’autant que la majorité des intrants sont des déchets d’abattoirs et des lisiers industriels chargés en métaux lourds, et autres produits toxiques.
Des risques importants d’atteinte à la biodiversité sont liés au digestat.
Aussi les associations se félicitent et espèrent que l’étude nationale « Effets du digestat sur les sols » de l’INRA (2020-2023), confirmera les préanalyses, faites par le laboratoire Bourguignon en 2018 et 2019 sur tous les sols lotois.
Ces constats ont été faits par les signataires mais non pris en compte par les inspecteurs, ce sont :
– Une baisse de la reproduction des vers de terre (50 %) a été constatée dans le rapport de l’ANSES avec l’utilisation de digestat liquide de Biovilleneuvois, similaire à celui de Bioquercy.
Par ailleurs, ce digestat n’a pas été homologué en sortie de digesteur parce qu’il contenait trop de germes pathogènes (clostridies et staphylocoques), pouvant contaminer l’eau potable dans le Lot.
– Des dégagements de gaz ammoniac sur sol caillouteux, lors des épandages de digestat brut liquide, expliquant la surmortalité des abeilles et autres insectes.
– Les inspecteurs n’ont pas remis en cause le fait que tout le Lot ne soit pas classé en Zone Vulnérable, ce qui a étonné Mme Sabine Houot (INRA, spécialiste des digestats) Il l’était auparavant. C’est regrettable quand l’appauvrissement des sols est une évidence.
Plaidoyer pour une méthanisation adaptée
Enfin les associations et collectifs s’inscrivent en faux devant l’argumentaire avancé par les Inspecteurs Généraux pour justifier la validation du méthaniseur de Gramat et par là le digestat liquide, quand ils disent :
« Par-delà le méthaniseur de Gramat, ces incidents et les contestations qui en résultent, peuvent porter un discrédit sur l’ensemble de la filière de méthanisation, à une période où elle contribue aux stratégies de l’État pour les énergies renouvelables et l’économie circulaire, et au projet « Occitanie, région à énergie positive en 2050 ».
Nous réfutons cet argument et nous tenons à rappeler que nous ne sommes pas opposés au principe de la methanisation, si celle-ci est adaptée aux sols et eau du territoire.
Dans ce cas précis, ce sont le procédé utilisé et surtout l’épandage de digestat liquide en milieu fragile (karst et hydromorphie du Lot) qui sont contestés :
Aucune association citoyenne ou environnementale, aucun collectif citoyen ne s’est opposé aux 4 méthaniseurs d’ANDROS qui traitent 940 000 t d’intrants qui deviendront 1440 tonnes de boues solides, épandues sur 385 ha. Si le même principe était appliqué à Gramat, il aurait 92 tonnes à épandre, ce qui ne poserait pas de problème.
En effet, à Mayrac et à Gramat, le digestat sera toujours odorant d’une part parce qu’il ne reste pas assez longtemps dans le digesteur mais aussi parce que grâce à « la simultanéité du pompage des matières entrantes et des matières sortantes, le niveau de biomasse est maintenu constant dans le digesteur » (dossier d’enquête publique 2016). On peut se demander si dans le digestat sortant, tous les intrants ont été digérés ?
Ces odeurs, mettent en évidence un autre handicap non négligeable pour les riverains, sujet qui n’a jamais été abordé par les inspecteurs généraux, c’est-à-dire « la spoliation incontestable de notre patrimoine immobilier qui représente pour nous, le fruit de toute une vie de travail » pendant que l’industriel et actionnaires perçoivent subventions et dividendes.
Des lanceurs d’alerte
En conclusion, nous considérons qu’il appartient à l’industriel, par une transparence de ses actions, aux services de l’État, et aux élus concernés dans ce domaine, de prendre leurs responsabilités vis-à-vis des problèmes soulevés et de les résoudre avec efficience,
Nous revendiquons d’être des lanceurs d’alerte, dont le but principal est d’informer les citoyennes et citoyens des risques qu’ils encourent car nous souhaitons que l’article 1 de la Charte de l’environnement soit appliqué dans le LOT :
« Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »
Signataires : le CSNM, le Collectif Citoyen Lotois, le CNVM, Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, FNE midi Pyrénées, le GADEL, Espeyroux environnement, le collectif des riverains, Maisons paysannes de FR, la Confédération Paysanne et l’association AmiE (Alerte méthanisation industrielle Environnement).
Restitution du rapport du CGEDD sur les conditions d’exploitation du méthaniseur de Gramat
À la demande du préfet du Lot, le ministre de la transition écologique et solidaire a confié en mars 2019 au conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) la mission de contrôle des conditions d’exploitations du méthaniseur de Gramat. Les objectifs de la mission étaient de vérifier la pertinence des décisions prises au regard des difficultés observées, et de proposer des suites de nature à améliorer les impacts de l’installation et de ses annexes.
La mission s’est rendue à trois reprises dans le département. Une première visite, avec un expert d’institut de recherche des sciences et techniques de l’environnement et de l’agriculture (Irstea), a permis de réaliser, du 9 au 11 avril 2019, une série de visites de terrain et d’entretiens avec les acteurs locaux du dossier et de participer, en tant qu’observateur, à une commission locale de suivi. Deux déplacements complémentaires ont été effectués, fin juin et début juillet 2019, pour étudier plus spécifiquement la réalisation sur le terrain des épandages et les modalités de gestion des intrants de BioQuercy.
Les inspecteurs ont répertorié toutes les sources de contestations et les ont classées en 2 catégories, les premières, objectives et avérées comme les nuisances olfactives et les secondes qui relèvent de la crainte ou de la suspicion et devant faire l’objet d’attention et de vérifications. À partir de ce travail, les inspecteurs ont pu mettre en évidence le diagnostic suivant :
- Des dysfonctionnements objectifs, un déficit initial de maîtrise de BioQuercy et aujourd’hui corrigé ;
- Des suspicions de nuisances exprimées par les contestations, mais, odeurs mises à part, un déficit de signalements aux services de l’État ;
- Un cadre réglementaire adapté et robuste ; des services de l’État mobilisés aux côtés de la CLS ;
- La mission, après un faisceau de vérifications multiples, n’identifie pas de risque significatif si la réglementation est appliquée ;
- La mission identifie des points d’amélioration sur le process et sur les dispositifs de suivi et formule 8 recommandations
Les 8 préconisations qui viennent compléter ou renforcer celles déjà émises par le comité local de suivi sont les suivantes :
- Modifier l’arrêté préfectoral d’autorisation de
Bioquercy pour y intégrer les stockages de digestat chez les
agriculteurs et la responsabilité de leurs conditions d’exploitation.
Confier l’inspection et le suivi de l’ensemble du stockage du digestat, y
compris chez les agriculteurs, au service chargé de l’inspection de
l’unité de méthanisation.
- Améliorer la
traçabilité des entrées de produits et de sorties du digestat, en
identifiant systématiquement sur le registre entrée-sortie les
dénomination et localisation du fournisseur ou du destinataire, en
sécurisant l’enregistrement des entrées et des sorties et la traçabilité
des éventuelles erreurs matérielles de saisie des informations.
- Améliorer la mise en ligne des autocontrôles : accessibilité, actualisation, complétude, valeurs absolues des mesures.
-
Améliorer le suivi du plan d’épandage en intégrant dans le plan
prévisionnel d’épandage de chaque agriculteur, les modalités de
fertilisation des zones inaptes à l’épandage du digestat et en
vérifiant, par comparaison entre les cahiers d’épandage et les données
de Météo-France le respect des conditions climatiques des épandages
réalisés.
- Systématiser l’utilisation du filtre à charbon actif et prévoir, si c’est techniquement réalisable, un couplage en série avec le biofiltre et demander à laQuercynoise de procéder à la recherche de ses sources de nuisances olfactives et à leur traitement.
- Imposer aux acteurs responsables de plans
d’épandage autorisés sur le département du Lot que les données
correspondantes, qui doivent être tenues à disposition des services de
l’État, soient fournies sous forme de couches d’information
géographique, ceci afin de faciliter le contrôle de leur cohérence et de
pouvoir réagir rapidement à des signalements de pratiques non conformes
ou d’impacts environnementaux.
- Mettre en place un dispositif de veille et de signalement d’observations à la commission locale de suivi.
- Mettre en place un observatoire scientifique participatif de la méthanisation, outil de la CLS, permettant de : suivre les mortalités apicoles, mettre à jour d’éventuelles (ou l’absence de) relations avec les épandages de digestat ; caractériser l’évolution de la microfaune du sol sous différents modes de fertilisation ; étudier la dynamique d’infiltration du digestat ; suivre la qualité des eaux souterraines sur les causses du Quercy, développer les méthodes permettant d’identifier et séparer les causes possibles d’atteinte à cette qualité ; caractériser la valeur agronomique du digestat
Ces préconisations feront très rapidement l’objet d’un plan d’action concret qui sera présenté et discuté à la prochaine session ordinaire du comité local de suivi.
Pour consulter le rapport des inspecteurs du CGEDD, cliquez ici.
Le procédé de méthanisation retenu dans le Lot n’est peut être pas étranger aux constats avérés et pour lesquels, à ce jour, les autorités n’ont pas mis autour d’une même table les experts des différentes parties pour définir une méthode de vérification point par point.
La méthanisation est connue de longue date et bien mise en oeuvre elle peut tout à fait avoir sa part dans les énergies renouvelables si elle est vraiment verte
Il est regrettable d’avoir à se battre pour faire vérifier des craintes fondées alors que dans d’autres cas on sait mettre en avant le principe de précaution pour des risques hypothétiques !!!!
Déjà sous madame Royal le dossier avait été envoyé à « ses « services », sous monsieur Hulot le dossier avait été envoyé au CGDD….sous monsieur de Rugy, le dossier avait été remis fin janvier 2019 à des « conseillers » au ministère….
La demande de table ronde sur les épandages de digestats sur les sols karstiques est sollicité depuis….le début… ( pour la rédaction:je peux vous envoyer le PDF si vous le souhaitez. je ne sais pas si le blog prend se genre de document)
Pour le méthaniseur Bioquercy, à Gramat, un comité de pilotage avait été mis en place en 2012 par le Sous-préfet de Gourdon pour suivre et accompagner le projet, en y associant notamment le Parc Naturel Régional des Causses et du Quercy (PNRCQ). Son pilotage et sa réalisation ont été exemplaires, d’après l’administration.
En effet, la visite du Préfet en 2017 ( journal Capel mag de novembre 2017) mentionnait :
« A mon arrivée dans le département, j’ai très vite compris que le Groupe Capel avait une place majeure dans l’activité agricole et agroalimentaire du territoire. Que La Quercynoise jouait un rôle important dans la filière palmipède. Et que le projet d’unité de méthanisation avait été conduit de façon exemplaire ». Le ton était donné par le préfet du Lot, Jérôme Filippini, lors de sa visite de l’unité de méthanisation BioQuercy, mi-octobre.
Si le représentant de l’Etat conserve, comme tous les services préfectoraux lors de l’instruction du dossier,
« une obligation de neutralité », le préfet précisait tout de même : « je suis dans la continuité de l’attitude de l’Etat : rigueur, exigence et, maintenant, accompagnement de ce projet économique ».
Il semble qu’au vu des résultats constatés : odeurs toujours perçues par les riverains, même à des distances éloignées, mais de manière intermittente, déversement de digestat à Alvignac sur 800 m dans les causses, épandages mal maîtrisés, cela n’ait pas été le cas.
Ce projet avait été présenté comme produisant du compost et était de taille plus petite (37000T)! A l’évidence on peut constater que ce projet a évolué et continue à évoluer (cuve de gaz naturel liquéfié (GNL) nécessaire). A quand des modifications substantielles comme celles effectuées à Villeneuve sur Lot sur une autre unité Biovilleuneuvois du même industriel!
Il faut souhaiter que les recommandations édictées par les ingénieurs du CGEDD ( conseil général de l’Environnement et du Développement durable) soient réellement mises en place en y associant toutes les parties prenantes, et que la direction de l’observatoire scientifique participatif de la méthanisation préconisée soit elle aussi totalement indépendante, ce qui exclut le PNRCQ, qui avait été alerté sur les problèmes rencontrés sans réagir.
Il faut également souhaiter que la méthanisation qui est cependant une alternative intéressante aux traitements de certains effluents soit conduite avec discernement en prenant en compte la spécificité des terrains karstiques ainsi que ceux du Ségala, par le choix de résidus de méthanisation appropriés (type de digestat adapté), afin d’assurer la pérennité des ressources en eaux souterraines du département, qui est d’ailleurs un axe prioritaire de la charte du PNRCQ.