Quel parcours pour les migrants après le démantèlement de la « Jungle » ?
Pour les candidats à l’asile, la liste des démarches à accomplir sera longue. Les « Dublinés » seront, eux, renvoyés vers un autre pays européen.
Le démantèlement de la « Jungle » de Calais est imminent. L’évacuation du camp commencera lundi à 8h et devrait « durer une semaine ». Les migrants – qui sont entre 6.000 et 10.000 selon les comptages – seront dirigés, s’ils le souhaitent, vers des Centres d’accueil et d’orientation (CAO), créés il y a un an pour les inciter à réfléchir à une demande d’asile. Ils suivront ensuite une longue procédure avant d’obtenir un éventuel statut de réfugié. Pour les mineurs ou les « dublinés », qui ont laissé leurs empreintes digitales dans un autre pays de l’Union européenne, la situation sera un peu différente.
- Les demandeurs d’asile
Implantés en région, dans des locaux publics (centres de loisirs, casernes désaffectées…) ou appartenant à de grandes entreprises comme la SNCF ou la Poste, les CAO offraient un total de « 7.254 places » à la mi-octobre, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Parmi les migrants qui s’y trouvent déjà 80% ont engagé des démarches de demande d’asile. Ce pourcentage ne prend toutefois pas en compte ceux – un quart environ – qui préfèrent quitter le centre d’eux mêmes, dans les premiers jours après leur arrivée.Une fois son dossier de demande d’asile enregistré, chaque migrant doit être orienté vers le dispositif consacré et hébergé dans un Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada). Aménagés pour les familles ou les hommes seuls, ces centres proposent un encadrement qui augmente les chances d’obtenir l’asile. Les demandeurs y restent le temps de traitement de leur demande, 14 mois en moyenne.
Mais les quelques 40.000 places de Cada disponibles fin 2017 – soit un quasi-doublement sous le quinquennat – ne suffiront pas à accueillir tous les migrants. Certains devraient donc être orientés vers l’accueil temporaire (6.000 places) ou l’hébergement d’urgence (bientôt 30.000 places). En dernier recours, ils peuvent devoir se débrouiller avec le pécule prévu par la loi : un demandeur hébergé touche 6,80 euros par jour, majorés de 4,20 euros s’il n’est pas logé – des sommes modulables selon la composition de la famille.
- Les réfugiés
La suite du parcours dépend de l’obtention, ou non, de l’asile. Un demandeur qui reçoit une décision favorable devient un réfugié, comme 36% des personnes ayant déposé un dossier depuis le début de l’année, en comptant les appels. Il faut toutefois noter que les migrants de Calais ne sont pas exactement représentatifs de l’ensemble des demandeurs d’asile. S’il obtient le statut, le réfugié gagne des devoirs et droits sociaux (puisqu’il relève du droit commun) ; mais il doit quitter son Cada sous trois mois. Pour accompagner socialement les plus vulnérables vers le logement, une plateforme a été mise en place – 2.500 personnes en ont déjà bénéficié. - Les déboutés
- Les déboutés, eux, doivent quitter le Cada dans un délai d’un mois. Une récente instruction a rappelé aux préfets qu’ils devaient « systématiquement notifier une obligation de quitter le territoire » aux déboutés n’ayant pas obtenu un titre de séjour pour un autre motif. A noter qu’un étranger ne peut toutefois être renvoyé vers son pays si celui-ci ne le reprend pas ou si cela met sa vie en danger.
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- Les dublinés
- La situation est un peu différente pour les migrants ayant déjà laissé leurs empreintes dans un autre pays européen. C’est le cas de 65 à 75% des personnes vivant dans la « Jungle » de Calais. Selon les termes de l’accord de Dublin, ces « dublinés » doivent théoriquement être renvoyés vers le pays européen en question – pour beaucoup l’Italie – , et non pas vers leur pays d’origine.
Reste que les migrants « dublinés » dirigés vers les CAO « pourront réintégrer un parcours d’asile en France », assure-t-on au ministère du Logement. En revanche, ceux qui refuseront de monter dans les bus au moment de l’évacuation seront placés en Centre de rétention administrative (CRA) en vue de leur expulsion.
- Les mineurs
Enfin, les mineurs – 1.300 selon un recensement déclaratif – bénéficient également d’un statut particulier puisqu’ils relèvent de la protection de l’enfance et non des CAO. Concernant ceux qui ont de la famille en Grande-Bretagne – environ 500 d’entre eux -, le gouvernement négocie âprement un rapprochement familial avec Londres. Pour les autres, l’idée est d’ouvrir des centres ad hoc dans les départements. En attendant, l’idée d’utiliser les bâtiments en dur du campement comme « zone tampon » est aussi à l’étude, selon un récent document de la préfecture du Pas-de-Calais.
Même sujet
http://www.infocao.net/combattre-les-prejuges/
et pour l’organisation d’un collectif autour d’un CAO
http://www.infocao.net/preparation-a-louverture-dun-cao/
« Heroïc Land » sera l’une des oeuvres majeures du 21e siècle : un immense parc d’attraction dédié aux héros de jeux vidéos qui sortira de terre à Calais au printemps 2018, à 2 km de feu la Jungle. « Une mesure compensatoire à la crise des migrants » que connaît Calais, selon les mots de la Maire. Ce monument à la déréalisation, au délire qui gouverne, sera construit par les pelleteuses qui auront détruit les écoles, les restaurants, les épiceries, les églises, les mosquées, les boulangeries, les habitations, les foyers, les théâtres dressés à la main par migrants et bénévoles. « Heroïc Land » coûtera, si tout se passe comme souhaité, 275 millions d’euros, dont 30% de fonds propres mobilisés par les collectivités publiques, ce qui n’équivaut après tout qu’à 5 fois le coût de la mobilisation policière à Calais depuis un an (150 000 euros / jour, dont 50 000 euros de chambres d’hôtel, soit environ 5 millions depuis octobre 2015). Quoi qu’il en soit, le Calaisien enivré par le manège vertigineux sera sommé d’oublier qu’une cité bien réelle aura été anéantie, et que des héros bâtisseurs du monde entier auront été dispersés.
Dans « L’Autre Calais Mag » paru en avril dernier, François Hollande, Xavier Bertrand et Natacha Bouchart annonçaient renoncer à cet invraisemblable projet et affecter les 275 millions d’euros à la construction de l’hospitalité enfin. C’est l’un des rares supports de presse ayant rendu publique l’existence de cette folie. Suite à la lecture de ce véritable journal d’informations, les journalistes de « Lumières des Villes » le firent dans la foulée (à lire ici : http://www.lumieresdelaville.net/…/275-millions-deuros-inv…/), ceux de Reporterre aujourd’hui même (à lire ici : https://reporterre.net/A-deux-pas-de-la-Jungle-des-migrants…).
Il est absolument nécessaire de visiter l’inénarrable site Internet dédié à « Heroïc Land » que lors d’un Apérou de janvier au Pavillon de l’Arsenal à Paris nous avions présenté : http://heroicland.com.
Il est formidablement important de continuer de lire et faire lire « L’Autre Calais Mag » dans le même mouvement (http://www.perou-paris.org/…/AutreJournalCalais_PEROU_HD.pdf), et de faire entendre combien d’autres réponses que la destruction sont possibles.
Il est on ne peut plus crucial de faire tourner l’une et l’autre des fables, à la presse notamment, afin qu’écho soit donné aux deux visions du monde qu’elles colportent. Alors pourrons-nous collectivement méditer laquelle de ces deux visions nous souhaitons suivre aujourd’hui, lequel de ces deux mondes nous souhaitons transmettre à nos enfants demain. « Plus qu’un parc d’attractions, un nouveau monde », nous annoncent en effet clairement les promoteurs de « Héroïc Land ». Un vertige on vous dit…
Et si on prenait connaissance aussi de ce que voient et écrivent des Calaisiens aujourd’hui:
https://passeursdhospitalites.wordpress.com/author/passeursdhospitalites/
La photo a été prise hier devant le panneau du musée mémorial de la guerre 1939-1945 situé en ville au Parc St Pierre, à deux pas de l’Hôtel de Ville et du monument des 6 Bourgeois. Je connais bien le Parc, je l’ai fréquenté tout gamin, à deux pas de mon collège. Pas de migrants en 1948, dans Calais ville ouvrière, du chômage (épisodique) déjà.