Quelqu’un vient…
Vernissage de l’expo de Franck Poulain – Samedi 28 septembre à partir de 18h au Quai à Cahors
les peintures de Franck Poulain
Franck Poulain cherche le paysage, l’invente, l’invite, le laisse venir. Mais il peint d’autres contrées. Les titres de ses toiles sont des lambeaux de poèmes ( “d’un pas malheureux, l’odeur des bois” “plus de lieu à vénérer” “par lequel semble s’achever le périple” ) et disent clairement des latitudes humides porteuses de traces préhistoriques. On peut s’y complaire et s’y balader mais il est un autre voyage, celui de la peinture.
Franck Poulain est un « jeune » peintre. Il vient “d’entrer en peinture” après un long parcours de graveur. Il peint et explique qu’il ne contrôle aucun coup de pinceau, que tout se fait malgré lui, qu’il n’y est pour rien. Franck Poulain ferait des tableaux comme un pommier fait des pommes ( la formule est de Bissière) sans effort, sans projet et sans discours.
Je comprends ce que Franck veut dire quand il refuse la “responsabilité” de sa peinture ! De nombreux artistes parlent de ces décrochages de conscience qui peut leur faire penser que leur main est littéralement “guidée” pendant de longues heures et qui découvrent leur travail le lendemain au retour dans l’atelier. .
Franck poulain peint “maigre”, on entend par là qu’il pose ses couleurs par couches très minces, sans jamais dépasser le plan par la plus petite épaisseur, le moindre empâtement. Il superpose des strates transparentes, opaques ou translucides quand il utilise le blanc, il recouvre inlassablement mais l’histoire de sa toile reste visible, on continue à percevoir toutes les étapes, depuis les premières traces malgré les recouvrements successifs, sa peinture est une inverse archéologie.
Franck Poulain peint “mouillé” : sa peinture ruisselle lentement, les coulures ne sont pas là pour faire désinvolte et moderne, elles participent à la représentation abstraite du paysage, elles sont “justes”, les couleurs s’épousent par capillarité, les dissolutions sèchent et laissent les empreintes d’une saison de pluie médiévale.
On “entend” la peinture de Franck Poulain : les aplats, les grandes plages calmes, sourdes, quasi silencieuses, par lesquelles il souffle le chaud et le froid sont brusquement griffées, rayées par le bruit de brindilles sèches et cassantes, inflammables. Ce sont des calligraphies de sarments, que le peintre rassemble en fagots noirs au bas du tableau.
Franck Poulain reste graveur, orfèvre, ciseleur dans sa poursuite du détail : on lit dans sa peinture le désert et le grain de sable, ses grands formats sont des paysages monumentaux, quand on s’approche le moindre centimètre carré en est un autre.
Franck Poulain travaille la surface du tableau et provoque l’envie de caresses : le rendu final donne un vieux cuir ciré, une douceur de céramique. Le satin est à l’intérieur de la peinture et non pas par-dessus comme un vitreux vernis.
Il signe finement, de son seul prénom, comme Vincent.
On peut s’installer confortablement devant “soudain, l’apaisement du vent” et attendre. Attendre que le tableau occupe toute la place, tout le champ de vision, tout le terrain de la pensée. Faire silence. Écouter. Au bout d’un temps, quelqu’un vient.