Qu’est-ce que la Sainte Coiffe?

Jusqu’au mois de décembre, la Sainte Coiffe est au centre des célébrations des 900 ans de la cathédrale de Cahors. Il s’agirait du bonnet mortuaire du Christ.

  • Le 27 avril, une procession de la Sainte Coiffe dans les rues de Cahors, la première depuis plus de 75 ans, a réuni entre 2.000 et 3.000 personnes.
  • Ce suaire aurait recouvert la tête du Christ après sa mise au tombeau.
  • Des analyses sont en cours, qui permettront notamment de dater, ce tissu.
  • Une spécialiste aide « 20 Minutes » à y voir plus clair.

Pendant que les malheurs de Notre-Dame de Paris aimantent les regards, la cathédrale Saint-Etienne de Cahors fête ses 900 ans. Commencées en mars, les célébrations dureront jusqu’au 8 décembre, avec une vedette :  la Sainte Coiffe, conservée dans un reliquaire en bronze doré du XIXe siècle.

Entre 2.000 et 3.000 personnes ont participé le 27 avril à une procession autour de cette relique du Christ à travers les rues de la préfecture du Lot. Des bénévoles se relaient tous les jours dans l’enceinte de la cathédrale pour former la garde d’honneur de ce tissu à l’histoire tourmentée et en partie mystérieuse. Conservatrice régionale adjointe des monuments historiques à la Drac Occitanie, Valérie Gaudard lève une partie du voile.

Qu’est-ce que la Sainte Coiffe ?

C’est un suaire, c’est-à-dire un linge qu’aurait porté le Christ après son ensevelissement selon la tradition juive. Plus précisément, il s’agit d’« un bonnet qui aurait recouvert sa tête », explique Valérie Gaudard. Une relique du même type que le célèbre Suaire de Turin pour le corps, ou que celles conservées à Oviedo (Espagne) et Manopello (Italie) pour le visage.

« La Sainte Coiffe aurait eu une mentonnière, qui a disparu », complète la spécialiste. A noter que la France possède une autre relique du Christ, ante mortem celle-ci : la Sainte Tunique d’Argenteuil, que Jésus aurait porté au moment de son procès.

A-t-elle déjà été analysée ?

Une étude scientifique a été menée à Cahors… en 1839. Mais des travaux effectués avec des techniques actuelles sont en cours.

« Ils seront finis après la fin de la célébration des 900 ans de la cathédrale, indique la conservatrice. On va savoir de quoi la Sainte Coiffe est constituée, connaître son armure [sa forme initiale]… »

« On sait que c’est un tissu, composé de huit couches. Champollion [oui, celui des hiéroglyphes, originaire du Lot] parlait de lin d’Egypte. Il semblerait plutôt que ce soit de la soie, plus d’autres matériaux textiles, d’après des constatations plus récentes. »

Point très attendu (et très sensible) : la Sainte Coiffe sera enfin datée. Comme le Suaire de Turin l’avait été au carbone 14 dès 1988. Les scientifiques avaient alors déterminé que le linge qui aurait entouré le corps du Christ datait en fait « seulement » du XIIIe ou du XIVe siècle.

Cette étude est depuis plus de 30 ans vivement contestée par des partisans de l’authenticité de la relique. Ceux-ci sont convaincus que la partie analysée avait pu être « polluée » et altérée lors d’événements postérieurs, comme des incendies.

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Une histoire agitée, à plusieurs inconnues

Des événements, la Sainte Coiffe en a aussi beaucoup vécus, au cours de sa longue histoire. « Le tissu a été beaucoup manipulé, il a traîné par terre a priori, raconte Valérie Gaudard. En 1580, les Huguenots envahissent la ville de Cahors et jettent la coiffe au sol. »

C’est acquis: la relique était arrivée dans le Quercy bien avant les guerres de Religion. De là à déterminer quand précisément… « La première trace écrite ne remonte pas avant 1408-1409, relève la spécialiste. Nous avons alors la mention de l’achat de torches pour la procession de la Sainte Coiffe sur le registre consulaire, conservé aux archives départementales du Lot. »

Certaines sources font remonter l’arrivée du suaire autour de l’an 800, via un don de Charlemagne. L’histoire ne manque pas de prestige, mais ce n’est pas le scénario le plus probable. « L’évêque de Cahors Géraud III est allé en Terre sainte entre 1109 et 1112 et a peut-être rapporté la Sainte Coiffe », avance Valérie Gaudard.

Quelle importance a-t-elle à Cahors ?

Avant le 27 avril, il n’y avait pas eu de procession de la Sainte Coiffe depuis la Seconde Guerre mondiale. « Le culte était important au Moyen-Age, moins à l’époque moderne », observe la conservatrice. Les fidèles défilaient alors avec la relique pour éloigner la peste, ou remercier le Ciel si la ville avait été épargnée par un fléau (épidémie, attaque d’ennemis).

« Après la Révolution, on essaie de réanimer ce culte, reprend-elle. On reconstruit la chapelle d’axe de la cathédrale et on fait un nouveau reliquaire en 1899, avec un grand pardon – une procession entre Rocamadour et Cahors — la même année. »

La Sainte Coiffe et son reliquaire réintégreront cette chapelle d’axe, fraîchement restaurée, lors du prochain dimanche de Pentecôte, le 9 juin. Entre-temps, le tissu et son écrin ont beaucoup déménagé, et ont même échappé à une tentative de vol en 2015 dans une chapelle du cloître de la cathédrale, où ils se trouvaient depuis 43 ans.

« Aujourd’hui, il y a vraiment un intérêt pour la Sainte Coiffe, assure Valérie Gaudard. A Cahors et dans l’ancienne région Midi-Pyrénées, le tourisme spirituel est bien vivant. » Rocamadour, Conques… Même Lourdes n’est pas si loin, comme peuvent en témoigner les pèlerins italiens, nombreux à avoir fait le voyage depuis la cité mariale pour la récente procession cadurcienne.

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