Révision des zones défavorisées
La France doit rendre son dossier en mars 2018
La France est actuellement en plein travail sur le futur découpage des zones défavorisées. Elle doit rendre son dossier définitif en mars 2018 à l’Union Européenne.
La Chambre d’Agriculture du Lot planche sur ce dossier depuis plus d’un an. L’enjeu est de taille car ce classement est vital pour de nombreux agriculteurs et éleveurs installés dans des zones géographiques plus fragiles. En moyenne, ce classement représente une aide de 8 000 € par an et par exploitation. « L’ensemble du Lot est classé et doit le rester » rappelle Alain Lafragette, président de la FDSEA du Lot.
Première mauvaise surprise pour le Lot, le 29 novembre 2017, le projet de zonage exclut cinq communes du sud du Lot (Belfort-du-Quercy, Lalbenque, Lhospitalet, Montdoumerc, Saint-Matré).
Mais une surprise encore plus importante tombe le 20 décembre. Le futur projet de zonage a une nouvelle fois changé. Désormais, ce ne sont plus cinq communes mais 26 communes du secteur du Quercy Blanc (sauf Cieurac et Laburgade) qui sortent de ce classement. 138 exploitations agricoles sont concernées. Une claque pour les représentants de la Chambre d’Agriculture, de la FDSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et des Jeunes Agriculteurs… D’autant qu’ils avaient rencontré vendredi 15 décembre Édouard Philippe, Premier ministre, et son responsable des questions agricoles. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient osé évoquer le sujet…
« La bonne nouvelle, c’est que l’on a récupéré la Vallée de la Dordogne, soit 14 communes réintégrées. La mauvaise, ce sont les 26 qui sortent. On n’a pas réglé le problème, on l’a multiplié par cinq… La venue du Premier ministre dans le Lot s’est soldée par un nouveau recul sur le nombre de communes exclues. C’est vécu comme une provocation, une sorte de mépris » explique Alain Lafragette.
Les agriculteurs lotois ont encore deux mois pour faire changer ce projet de zonage. « C’est tellement gros qu’on ne peut pas penser que cette affaire-là reste en l’état » continue le président de la FDSEA qui pose un ultimatum. « Il faut que l’affaire soit réglée fin janvier. On va garder notre calme pour l’instant. Ils ont allumé le feu. Il va falloir qu’ils interviennent très rapidement. »
Christophe Canal, président de la Chambre d’Agriculture du Lot, fustige l’amateurisme qui a prévalu dans ce dossier. « On ne peut pas valider des cartes et les refuser après. Ça fait deux ans qu’on nous mène en bateau. »
D’ici fin janvier, les services de la Chambre d’agriculture du Lot vont représenter un dossier avec des propositions rentrant dans le cadre des réglementations européennes. Avec l’objectif de réintégrer ces 26 communes pour les 30 à 40 années à venir…
140 éleveurs sont concernés par la suppression d’aides qu’entraînerait le déclassement de 26 communes du Quercy Blanc, jusqu’alors en zones défavorisées. A Lalbenque, les frères Marty témoignent.
En cette mi-janvier, la bruine n’en finit pas d’embourber Lalbenque. Mais au cœur de l’été, Richard Marty sait que le soleil desséchera ces pelouses caillouteuses où pâturent ses brebis caussenardes. Cet éleveur et son frère Jean-Claude font partie de ceux qui ont tout à perdre du déclassement des vingt-six communes lotoises. «L’ICHN, c’est la moitié du revenu des agriculteurs, résume Richard Marty, ce n’est pas possible de rattraper cette aide avec des gains de compétitivité ou autre. Il faudrait que les prix gagnent 25 %, et c’est pas la tendance, où qu’on produise 25 % de plus». Difficile dans ce secteur à la frontière du causse et du Quercy blanc. «On sait qu’on a des pelouses sèches, un mode de production plutôt extensif… la productivité par animal, l’irrigation, ici on ne sait pas faire». Les bêtes que les deux frères élèvent sont adaptées à ces terres : des caussenardes pour faire de l’agneau du Quercy et des vaches brunes des Alpes, laitières modestes mais qui se contentent d’herbe, de foin. «Je nourris la moitié d’une vache à l’hectare alors qu’il y a des endroits où on en nourrit une et demie à deux… L’ICHN est une des aides les plus pertinentes par rapport à ça : elle vient compenser l’écart entre les zones où l’agriculture c’est facile et celles où c’est pas facile», résume Richard Marty.
Jean-Claude a repris en 1988 la ferme familiale. Son cadet l’a rejoint en 2000. Jean-Claude Marty est président de la Cuma locale. «Il y a vingt à trente agriculteurs. Sans l’aide, vous revenez dans cinq à dix ans, il n’y a plus personne», assène Richard Marty. Dramatisation ? Pas tant que ça, parce que la disparition de quelques agriculteurs fragilise le réseau : le matériel, très cher, est acheté en commun «mais vous ne pouvez pas travailler avec votre voisin s’il est à 15 km». Or, la disparition des agriculteurs, c’est le retour de la friche.
Richard Marty s’est impliqué dans ce feuilleton de la refonte des zones défavorisées dès le début. «On ne sait pas pourquoi des communes sont sorties de la première carte», dit-il. «La nature du terrain n’a pas changé entre-temps», ajoute son frère. «Ce qui me fait bouillir c’est que l’Europe fait le job de façon intelligente avec des critères pertinents et on trouve le moyen de passer à côté», reprend le cadet. La commune est une des cinq exclues dès 2016. «Avec tous ces gens qui se baladent pour contrôler, comment ça se fait qu’ils n’aient pas vu qu’il y a des cailloux à Lalbenque», ironise-t-il.
H. Tiegna : «Un recul majeur»
Si la députée de la deuxième circonscription du Lot, Huguette Tiegna, se réjouit de la réintégration de quatorze communes de la vallée de la Dordogne dans le dispositif «zones défavorisées», le déclassement de vingt-six communes du Quercy blanc est pour elle «un recul majeur, puisqu’il en va du maintien des élevages sur notre territoire, et de ses bénéfices économiques, environnementaux et sociaux».
La députée annonce qu’elle a alerté le ministère de l’Agriculture de ce fait, le 21 décembre, lors de la clôture des Etats généraux de l’alimentation, et s’est joint à la mobilisation des agriculteurs et des syndicats pour faire évoluer ce projet de zonage avant sa présentation devant la commission agricole de l’Union européenne, afin de maintenir ces vingt-six communes, comme leurs spécificités le justifient.
Nature du sol
Le classement en zone de montagne est simplement fonction de l’altitude de la commune et de la pente, mais les ZDS sont plus complexes. Là-dedans, il y a une partie de piémont, contiguë à la montagne, puis le reste. Huit critères biophysiques, liés essentiellement à la nature du sol, déterminent le classement en ZDS : sécheresse, mauvais drainage, faible enracinement… Les états peuvent également définir d’autres critères pour rattraper certaines zones, dans la limite de 10 % de leur surface. Le Quercy blanc a raté ce coche deux fois et espère une troisième chance.
Florence Raynal La Dépêche
Les responsables agricoles lotois ont un rendez-vous crucial avec le ministre lundi 22 janvier à Paris et mercredi 24 janvier ce sera la grosse action régionale à Montauban.