Ruralité : D’où vient ce « sentiment de vivre dans un territoire délaissé des pouvoirs publics »

« Délaisser » : synonyme d’abandonner quelqu’un, le laisser seul et démuni … serions nous des oubliés des politiques publiques.

INSEE

Nous les ruraux on sait pourquoi on se sent abandonnés;  pas la peine de faire une étude qui n’apporterait rien de plus.  Ce qu’il faut ce sont des solutions.

Et pourtant, chercher le pourquoi du comment,  c’est indispensable pour savoir décrire et écrire noir sur blanc ce que l’on sait ou croit savoir. Objectiver comme ils disent.

C’est ce que fait l’étude du CREDOC  qui a analysé que ce sentiment d’abandon progressait, au fur et à mesure que nous vivons dans un endroit peu habité, et ceci quel que soit le lieu en France.

Et pourtant nous, habitants des zones rurales nous sommes très attachés à notre territoire. On aime nos paysages  nos champs, nos  arbres, notre forêt. On s’y sent en sécurité. On y apprécie le silence, le calme et la tranquillité de vie.

Mais c’est quoi un territoire rural ?

En analysant les différentes données du recensement 2018 et 2019, l’INSEE nous dit que les territoires ruraux à habitat dispersé ou très dispersé présentent les mêmes caractéristiques spécifiques (lorsqu’on les compare avec les grands centres urbains)

• sur-représentation des plus de 60 ans

• stagnation démographique

• sous-représentation des cadres et des professions intermédiaires

• surreprésentation des ouvriers

• Faible présence de populations immigrées

• éloignement des équipements

Vous vous reconnaissez ? Après analyses, questionnaires, croisement de données, re analyses, etc… le CREDOC résume et en image ce qui alimente notre mécontentement vis-à-vis de l’état ,

C’est ce à quoi vous pensiez?

Alors allons un peu plus loin pour comprendre le manque d’attractivité (pas d’attrait! car il n’en manque pas) de notre territoire rural,

L’emploi et le manque de diversité de l’économie locale

Le manque de dynamisme du marché de l’emploi sur le territoire rural alimente le sentiment de vivre dans un territoire abandonné : manque de création d’entreprises, grande présence des activités agricoles et donc faible diversification des secteurs d’activités, insuffisance de cadres et de professions intellectuelles supérieures, surreprésentation des emplois précaires, moins souvent d’ emplois stables par rapport à l’avenir (en CDI ou dans la fonction publique) et souvent des emplois indépendants

Nos entreprises sont plus souvent de petite taille, et la création d’entreprises y est moins dynamique que dans les pôles urbains.

Dans le rural on sait la différence entre les « lovely jobs », (emplois à forte valeur ajoutée pour les plus diplômés, les cadres), et les « lousy jobs », (emplois de moins bonne qualité dans la vente au détail, la logistique, la restauration, la construction, les livraisons ou les soins (santé, care mais aussi éducation). Mauvaise qualité peut-être mais que ferions nous sans eux …

Mais ça peut aller très loin… Une étude montre ainsi, (tenez vous bien !) qu' »Il est attendu des jeunes femmes vivant dans la ruralité qu’elles soient peu regardantes sur le type d’emploi, les conditions de travail, qu’elles se montrent « prêtes à tout » pour travailler dans un territoire où les emplois manquent. »

La déprise démographique

Le manque d’attractivité «économique entraîne  le  manque d’attractivité démographique.

Aujourd’hui, seul 17 % de la population française réside dans des communes rurales à habitat dispersé ou très dispersé.

Sans compter que la  population de nos espaces ruraux  vieillit, continue à vieillir et que les nouveaux arrivants ne sont pas les plus jeunes mais plutôt des retraités (60-75 ans). Ca n’arrange pas les statistiques …

L’éloignement des équipements

Les  réformes de l’administration publique ont conduit à la fermeture de services publics (tribunaux, maternités, trésoreries, bureaux de poste), depuis la fin des années 1980  tout particulierement dans les campagnes

 • dans un premier temps il y a eu décentralisation de l’action publique et regroupement des services au sein des intercommunalités ;

• dans un deuxième temps les managers des administrations publiques ont  supprimé et regroupé  les établissements qui étaient insuffisamment rentables.

 • puis, plus récemment, les démarches administratives ont été « dématérialisées » et en 2019  apparait le  label France services et  l’ouverture, dans les espaces ruraux, d’espaces d’accompagnement aux démarches en ligne.

La  difficulté d’accès pour certains d’entre nous, aux « services publics » (équipement ou services) , quand ils sont présents dans un centre bourg, participe largement au sentiment de relégation territoriale

Sans compter une offre faible de  transports en commun qui  rend les populations rurales particulièrement dépendantes de la voiture dans leurs déplacements quotidiens.

Un budget contraint, une mobilité empêchée

Conséquence immédiates des emplois qu’ils peuvent occuper, les habitants des zones rurales disposent de niveaux de vie moins confortables qu’ailleurs.  Les  marges de manœuvre financières sont d’autant plus réduites que s’y ajoutent l’augmentation des prix du carburant qui crée le sentiment d’être à la fois pris en étau financièrement, et empêché dans sa mobilité, pourtant nécessaire compte tenu de l’éloignement des équipements, et de la faiblesse des infrastructures de transport.

Vous vous reconnaissez toujours ?

Avoir renoncé à se déplacer ou déplorer des restrictions financières fréquentes participe largement du sentiment que la puissance publique nous a oublié.

La sensibilité à la hausse des prix de l’énergie est forte, car le plus souvent le rural habite une maison, et estime que ses dépenses de chauffage pèsent lourd dans son budget.

Un effet moins connu- Une étude relève  que l’éloignement et l’éclatement toujours plus grand des entreprises délocalisées, des services publics, des lieux de vie en communauté, pousseraient les résidents à conduire de plus en plus vite pour assurer le lien de ces lieux avec leur lieu de vie.

Cela aurait des effets dévastateurs en termes de mortalité sur les routes, notamment chez les jeunes hommes ouvriers, mais générerait aussi une crispation autour de la question de la circulation. Il n’y a qu’à écouter nos réactions à la limitation de vitesse à 80 km/h.

La volonté des pouvoirs publics de réguler la circulation automobile en limitant la vitesse ou plaçant des radars alimente la douleur que ressentent les habitants des territoires ruraux quand ils pensent que leur territoire est en déclin économique, morcelé, et que les déplacements en voiture sont les seuls moyens de joindre les lieux de travail et  les différents équipements restants

Ces différentes dimensions sont évidemment imbriquées et s’alimentent les unes les autres.

Et pourtant….

Nous ne sommes  pas les seuls à valoriser les atouts de nos territoires.

Au centre des attentes des sociétés d’aujourd’hui il y a  « L’agriculture, la ruralité, la nature »

Les français pensent leurs conditions de vie actuelles et futures à travers leur alimentation (sécurité, santé, plaisir), leur territoire (résidence, paysages, loisirs, développement rural, emploi), leurs ressources naturelles (pollution, climat, eau, air, biodiversité).

Et nous les ruraux, terre à terre, l’esprit pratique, plus qu’un désir de transformer radicalement la société, ou qu’un souhait d’être « aidés », nous aspirons à un territoire de vie redynamisé. Or, nous le savons bien : Les  dimensions économiques et d’infrastructures sont primordiales pour pouvoir continuer à vivre, à évoluer professionnellement, et se projeter dans un avenir moins sombre.

Et  ainsi, dans notre région, à l’air du télétravail par exemple, avons-nous  bien tous compris l’importance  vitale d’un service SNCF structurant entre 2 grandes métropoles  (Paris et Toulouse), qui n’oublierait pas le Lot. 

Alors …