Salviac Pourquoi le Procureur de la République demande-t-il la démolition d’une piscine privée ?
Mme Six, présidente du tribunal, énumère les griefs retenus à son encontre :
– construction d’une piscine, non conforme aux prescriptions,
– construction d’un pool house (abri de piscine) et local technique, sans permis de construire,
– changement de destination du moulin, en aménageant des pièces à vivre.
Le dossier a été porté devant la justice par la Direction Départementale des Territoires (DDT).
Un achat sur un coup de cœur
En décembre 2012, P. achète commune de Salviac, un ensemble de biens, comprenant un moulin vieux de 600 ans et ses dépendances, terrains avec bief. Pour l’acquéreur, c’est le coup de cœur ! C’est là, qu’il va réaliser son lieu de villégiature, en engageant de gros travaux.
Or, en raison de sa domiciliation en Hollande et de surcroît, du fait qu’il ne pratique pas la langue française, P. fait appel à un maître d’œuvre, à qui il confie le soin de mener à bien le chantier de restauration et de construction des divers aménagements évoqués. Au programme : la construction d’une piscine (11 m sur 5 m), pour un coût de 100 000 euros. Selon la réglementation en vigueur, en zone rouge de PPRI, celle-ci est prévue à fleur du niveau naturel du sol. En effet, l’ouvrage ne doit pas faire obstacle à l’écoulement des eaux. Toute proéminence pourrait donner lieu à la formation d’embâcles, en cas de crue. Et un tel cas de figure pourrait occasionner de graves menaces pour la sécurité des biens et des personnes, se situant dans l’environnement immédiat ou au-delà.
La DDT estime que l’installation de la piscine et la construction des locaux techniques, dont le pool house, constituent autant de constructions non autorisées et non régularisables. D’une part, selon les constatations des inspecteurs de la DDT, les rebords de la piscine auraient été élevés à 80 cm, par rapport au niveau du sol. Quant aux constructions attenantes au moulin, d’une surface de plus de 50 m2, elles n’ont pas donné lieu à un permis de construire. Ce qui a conduit le maire de Salviac à prendre un arrêté municipal d’interdiction de travaux.
De plus, au regard de l’administration, la transformation du moulin en local d’habitation, avec changement de couverture, de menuiseries, ne pouvait être réalisée sans autorisation préalable.
Pour sa défense, le prévenu fait valoir que dans l’acte de vente, il est bien spécifié, que cet achat se faisait pour un usage d’habitation. Une disposition d’ailleurs, qui n’a pas échappé aux yeux de Nicolas Septe, Procureur de la République, faisant état de sa décision, d’abandonner les poursuites sur ce point.
P. avait confié le soin de mener les travaux à un maître d’œuvre, s’en remettant à ce professionnel du bâtiment qu’il considérait être au faîte de la réglementation en vigueur. Bien mal lui en a pris.
P. fait valoir qu’il n’a eu connaissance du document relatif aux conditions d’installation de la piscine, qu’après que celle-ci ait été réalisée. Il reconnaît les manquements, mais répète qu’il se croyait dans son bon droit, dans la mesure où l’ensemble du chantier a été confié à des professionnels.
Désemparé il déclare : « J’ai engagé des artisans et demandé d’avoir toutes les autorisations nécessaires pour les chantiers. Nous avons démoli deux ruines et je pensais pouvoir reconstruire sur les fondations. Je me croyais dans mon bon droit. J’avais recommandé aux artisans de bien suivre la réglementation et à la fin je me fais surprendre. Et dans le même temps, on me fait des compliments, pour toute la restauration des lieux ! »
Pour sa part, Nicolas Septe retient trois infractions, tout en abandonnant les poursuites quant au soi-disant « changement de destination du moulin », mis en avant par la DDT.
Une situation irrégularisable ?
Concernant la piscine, le Ministère Public retient la construction, sans autorisation préalable et de manière non conforme à la réglementation, qui imposait de ne pas dépasser le niveau du sol.
Quant à la délégation à laquelle le prévenu fait allusion vis-à-vis du maître d’œuvre, celle-ci n’a pas donné lieu à un contrat officiel et quand bien même ce fut le cas, le propriétaire reste responsable des travaux réalisés sur son terrain. Même raisonnement pour le local technique (pool house), celui-ci nécessitait la demande d’un permis de construire, car il dépasse largement les 25 m2. Selon le Procureur, il ne peut y avoir régularisation sur ce bâtiment, du fait de son érection en zone inondable. Dès lors, le Procureur de la République requiert :
– la démolition de la piscine,
– la démolition du bâtiment (pool house),
– le dépôt d’un permis de construire pour régulariser les aménagements du moulin. Il demande une condamnation sous astreinte et une amende avec sursis de 4 000 euros.
Même si le prévenu avait été probablement mis au courant de l’ampleur de la peine encourue, il n’en demeure pas moins que ces réquisitions ont eu l’effet d’une douche froide. Le visage du prévenu s’est assombri encore un peu plus.
Son avocate insiste sur la bonne foi de son client, qui a voulu faire confiance à des professionnels, dans la mesure où lui-même ne connaissait pas le droit français. Selon l’avocate aucun élément intentionnel ne peut être retenu à l’encontre de P. qui n’a jamais cherché, au contraire, à se soustraire à la réglementation. « Il avait la conviction que tout était mené dans l’ordre ! » insiste-t-elle. Pour la construction de la piscine, les artisans étaient au courant de la réglementation, qui imposait une structure au raz-du-sol.
Quant au local technique et le pool house, les professionnels ont construit sans se poser de questions. L’avocate fait valoir que dès l’instant où son client a eu vent de l’irrégularité, il a fait arrêter le chantier.
La défense demande la relaxe de P., peut-être tout au plus, un rappel à la loi, car c’est la sanction qui a été prononcée à l’entrecontre des entreprises, qui ont réalisé le chantier, au mépris de la réglementation qu’elles étaient tenues de suivre.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 13 octobre prochain.
Si il avait été « du cru », sûr que ce contrevenant serait passé entre les gouttes…
Et surtout on aimerait bien avoir le nom du « maitre d’oeuvre » qui a dirigé ces travaux illégaux !
Suite à cet article, Xavier Leglaive, maître d’oeuvre depuis 40 ans à Salviac fait connaître qu’il n’est pas le maître d’oeuvre de cette opération.