Septfonds camp d’internement en Quercy
Lotoise par sa famille et Cadurcienne depuis sept ans, l’historienne Geneviève Dreyfus-Armand a déjà présenté à Cahors plusieurs de ses livres consacrés à l’exil des républicains espagnols dont elle est la spécialiste. Son tout dernier ouvrage, qui vient de paraître, est la première étude historique portant sur le seul camp d’internement situé en Quercy durant les années noires. « Septfonds, 1939-1944. Dans l’archipel des camps français » (Le Revenant éditeur) retrace l’évolution de ce lieu de non-droit où furent en particulier internés des « étrangers indésirables », républicains espagnols ayant fui le franquisme, puis des familles entières de juifs raflés dans le Tarn-et-Garonne et le Lot. Méconnue et passionnante, cette page sombre de notre histoire reconstitue les itinéraires souvent tragiques des réfugiés et réprouvés qui y furent internés. Suivie d’une signature, la présentation de « Septfonds, 1939-1944. Dans l’archipel des camps français » aura lieu ce jeudi 13 juin, à 18 h, librairie Calligramme à Cahors.
A l’heure où les flux migratoires s’intensifient, l’ouvrage de Geneviève Dreyfus-Armand « Septfonds – 1939-1944 » s’impose à la lecture de tous.
Publié le 14 Juil 19 à 12:02
Geneviève Dreyfus-Armand, lors d’une séance de dédicace à la librairie Calligramme à Cahors.
Geneviève Dreyfus-Armand, lors d’une séance de dédicace à la librairie Calligramme à Cahors.
L’ouvrage de Geneviève Dreyfus-Armand « Septfonds – 1939-1944 – Dans l’archipel des camps français », n’est pas qu’un simple livre d’histoire, il s’agit d’un ouvrage lanceur d’alerte, à l’heure où l’accueil des réfugiés fait débat dans notre société…
La création du camp de Septfonds, en Tarn-et-Garonne, à une dizaine de kilomètres du département du Lot, s’inscrit dans le contexte d’arrivée massive de réfugiés Républicains espagnols, en mars 1939, trois ans après que le général Franco eut renversé par un coup d’État militaire le gouvernement républicain. Il s’agissait pour ces exilés de fuir l’extermination. Près de 500 000 Espagnols se sont pressés à la frontière avec la France, en janvier 1939, après la chute de Barcelone.
Geneviève Dreyfus-Armand, spécialisée des migrations espagnoles au XXe siècle, Conservateur général honoraire des bibliothèques, publie là, un ouvrage de première importance concernant ce pan de l’histoire franco-espagnole : « Septfonds – 1939-1944 – Dans l’archipel des camps français », jusqu’ici resté dans l’ombre. L’un des survivants de ce camp, âgé de 14 ans au moment des faits est toujours en vie…
Ces « étrangers indésirables »…
Dans son livre, l’universitaire retrace le parcours de ces « étrangers indésirables », astreints à un internement administratif, pour des motifs de divers ordres et pour une durée indéterminée… En mars 1939, 16 000 Espagnols s’entassent dans quarante-cinq baraques de planches couvertes de tôles ondulées. Ce camp devient également un centre d’entraînement pour des engagés volontaires démobilisés. À partir de 1941 et jusqu’à la Libération, Septfonds est transformé en lieu de détention pour travailleurs étrangers.
Côtoieront Septfonds, outre des Espagnols, des Polonais,… des Juifs ayant fui le régime nazi et venus se réfugier dans le sud-ouest, dont un grand nombre seront victimes offertes au régime d’Hitler. Dans le Lot, 39 familles de Juifs seront raflées et emmenées à Septfonds, dont 26 enfants de moins de 18 ans et le plus jeune âgé seulement de 2 ans.
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L’auteur fait le point sur un certain nombre de questions restées en suspens, à la fois sur l’exil Républicain et sur les affectations de ce camp. Comment des engagés volontaires au service de la France ont-ils pu se retrouver dans ce camp ? Et comment ces hommes qui ont combattu aux côtés des alliés, vont-ils subitement être déportés vers Mauthausen et Auschwitz ?
Geneviève Dreyfus-Armand analyse de près l’évolution de l’accueil dans ce camp ; digne au départ, sous le Front Populaire, terriblement durci sous le régime de Vichy. Les conditions d’existence dans ce camp vont rapidement se dégrader avec l’apparition d’épidémies de tous ordres, au point qu’il faudra ouvrir un cimetière avec 80 tombes. Le camp enregistre un grand nombre de suicides…
La culture principal exutoire
Pour autant, la culture offre aux réfugiés un exutoire de premier plan, en ce lieu de désespérance. Le maire de Septfonds passe une commande à l’occasion de la commémoration de la Révolution française. Quant au curé des lieux, il fait appel lui aussi aux réfugiés, pour rafraîchir les murs de l’église et peindre un Chemin de croix, lequel est aujourd’hui classé à l’inventaire des Monuments historiques. Il y eut même au sein du camp de Septfonds, une université populaire, laquelle a présenté plusieurs spectacles, à Caussade notamment.
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« À travers cet ouvrage, j’ai souhaité redonner une identité à tous ces anonymes, broyés par l’histoire ! » souligne Geneviève Dreyfus-Armand. À présent, il ne reste plus grand-chose du camp de Septfonds et il est même question de faire du passé table rase… pour satisfaire à un projet agricole, avec porcherie industrielle. Mais peut-on rayer d’un trait de plume, ce camp de Septfonds ? Le cimetière a été restauré par un exilé du camp de Mauthausen. Quant aux archives du camp, elles ont été détruites en juillet 1945. Geneviève Dreyfus-Armand s’est donc appuyée sur les archives du Département de Tarn-et-Garonne, archives nationales, des témoignages.
Chaque 8 mai à Septfonds, la municipalité rend hommage aux victimes passées par ce camp, au pied du mémorial dressé en souvenir…
« Septfonds – 1939-1944 » ; un chemin d’histoire, pour ne pas perdre de vue, ce qu’ont vécu ces exilés d’hier, alors qu’ils sont nombreux, à nouveau, à frapper à nos portes aujourd’hui.
J-C Bonnemère ActuLot
« Septfonds – 1939-1944 – Dans l’archipel des camps français » : Geneviève Dreyfus-Armand – Le Revenant éditeur – 25 €.